Gérald Papy
C’est la hess par Gérald Papy: pour ne pas hypothéquer la reconstruction du Maroc
Les premiers jours de la gestion humanitaire du séisme qui a frappé le Maroc ont été marqués par une polémique sur la frilosité supposée du royaume chérifien à accueillir l’aide de certains pays.
Une polémique, quelle polémique? Aucun gouvernement ayant offert une assistance ne s’est officiellement plaint du traitement que Rabat lui aurait réservé. C’est sans doute que les dirigeants occidentaux, principaux concernés, sont intellectuellement aptes à comprendre qu’un pays souverain, qui n’est pas ravagé par la guerre ou par la gabegie, peut juger opportun ou non d’accepter le déploiement d’une assistance étrangère sur son territoire, qui plus est dans un terrain hostile auquel elle n’est pas accoutumée. Des expériences précédentes d’intervention, certes dans des contextes différents, comme en Haïti en 2010, n’ont pas été particulièrement à l’honneur des opérateurs occidentaux. Ce constat ne doit cependant pas empêcher de se poser la question de savoir si un supplément d’aide, pour des besoins spécifiques, notamment sortir des survivants des décombres, n’aurait pas été précieux.
Du reste, l’attentisme du Maroc ne se confond pas avec un ostracisme national. Il vise souvent une offre d’aide d’Etats sans pénaliser pour autant l’action d’ONG issues de ceux-ci, qui y étaient déjà présentes et/ou qui ont décidé d’apporter une assistance spécifique liée au tremblement de terre. Ce diagnostic souffre cependant deux exceptions. Elles concernent l’Algérie, avec laquelle le Maroc a un contentieux très ancien (sur l’avenir du Sahara occidental), et la France, qu’un litige plus récent (notamment lié à l’utilisation du système Pegasus par le Maroc pour espionner des responsables politiques français) a éloigné de Rabat.
Il n’est donc pas exclu que des arrière-pensées politiques aient guidé Mohammed VI dans le choix des premiers partenariats que le Maroc a approuvés avec l’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Emirats arabes unis: quatre Etats enclins à reconnaître la marocanité du Sahara occidental, bien qu’un seul, les Emirats, y ait ouvert un consulat. Mais leur justification pourrait tout aussi bien reposer sur les expériences de coopération que ces pays, autant de monarchies, ont entretenues ces dernières années avec le Maroc.
La suspicion, fondée ou fantasmée, sur l’attitude du royaume chérifien serait somme toute secondaire si elle ne comportait pas un risque plus grand à terme. Comme le souligne en substance le géographe David Goeury, les propositions d’aide d’urgence sont une chose mais l’aide budgétaire pour la reconstruction en sera une d’une autre ampleur, sachant que les finances publiques marocaines sont dans une situation très délicate. Ce sera en regard de ce défi-là que l’assistance internationale sera plus encore scrutée. Il serait regrettable que des incompréhensions entre Mohammed VI et des dirigeants de pays traditionnellement amis finissent par entraver les chances de reconstruction d’un Etat et de ses citoyens et que la remarquable solidarité dont ceux-ci ont fait preuve à l’occasion de ce séisme, vantée dans les discours, ne soit pas saluée par des actes concrets.
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