Gérald Papy
C’est la hess de Gérald Papy : à quand une stratégie contre les radicalisés sortis de prison ?
Arrivé de la localité de Uelzen, au sud de Hambourg, Collin, 23 ans, visitait Paris avec son amie et avait encore le projet de passer du bon temps à Disneyland. Le malheur a voulu que sa route, près de la tour Eiffel, croise le soir du 2 décembre celle d’Armand Rajabpour-Miyandoab, 26 ans, un «fiché S» (inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste), sujet de surcroît à des troubles psychiatriques.
Quelques heures après l’attaque terroriste qui a coûté la vie à Collin, le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est empressé de pointer cet élément du parcours du Français radicalisé pour mettre en cause les médecins psychiatriques qui avaient estimé que son état ne nécessitait plus un suivi médicamenteux et pour décharger de toute responsabilité les services policiers et de renseignement. Ils auraient pourtant été bien avisés de maintenir à son égard une surveillance plus serrée. Et se défausser sur les services de santé comme l’a fait le premier flic de France, «ce n’est pas joli, joli», comme on pourrait le dire à un enfant qui a sciemment menti.
Après une radicalisation express, l’homme, issu d’une famille iranienne non pratiquante, avait été arrêté en 2016 dans le cadre d’une enquête sur un projet d’attentat dans le quartier de bureaux de la Défense, à Paris, et condamné deux ans plus tard à cinq ans de prison, dont un avec sursis, pour adhésion à l’idéologie de l’Etat islamique. Malgré son contrôle judiciaire comme fiché S, il a entretenu des liens avec des terroristes connus, dont l’auteur de l’assassinat du professeur Samuel Paty, en octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine. Enfin, en octobre 2023, la mère d’Armand Rajabpour-Miyandoab a signalé à la police un changement de comportement de son fils qui lui faisait craindre un basculement dans la violence. Autant d’éléments qui suggèrent que l’éventuelle erreur de diagnostic d’un psychiatre n’est pas le seul élément d’explication de l’attaque du 2 décembre.
Loin des tentatives politiciennes de blanchiment des responsabilités, l’acte terroriste de Paris pose fondamentalement la question des radicalisés sortant de prison. Armand Rajabpour-Miyandoab n’est pas le premier récidiviste français en matière de terrorisme. Mais il est bien le premier à renouer avec la violence après avoir suivi un plan de désengagement idéologique (nouveau nom de la déradicalisation) mis en place après les attentats de 2015. A ce stade, il est difficile de déterminer, entre la duplicité développée par l’islamiste et la faille dans le dispositif de suivi policier, quelle est la raison principale qui peut expliquer cet échec.
Une certitude s’impose cependant. Avec quelque quatre-vingts radicalisés en passe de retrouver la liberté, le défi est immense pour le pouvoir français à huit mois de la tenue des Jeux olympiques de Paris et dans un contexte où la guerre entre Israël et le Hamas pourrait continuer à produire ses effets délétères en Europe. Trouver la parade infaillible à la menace terroriste islamiste est illusoire. Mettre en place une stratégie et des moyens, hors de la surenchère politicienne, est cependant un préalable indispensable pour espérer la contenir.
Gérald Papy est rédacteur en chef adjoint au Vif.
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