Thierry Fiorilli
C’est beau comme la liberté de Nadia Nadim (chronique)
C’est une victoire sur la terreur, le racisme et l’oppression. La victoire d’une femme.
Elle dit: « Le seul objectif que j’ai, c’est d’être la meilleure dans tout ce que je fais. » Pas la meilleure possible, non, la meilleure. Celle qui gagne toujours. Mieux vaut ne pas l’inviter pour une soirée jeux. Ou l’affronter. Mais cette mentalité pas toujours la plus folichonne, elle la doit au combat livré pour sa survie. Et sa liberté. Nadia Nadim était gamine quand les talibans ont pris le pouvoir là-bas, la première fois. Avec ses parents et ses quatre soeurs, elle vivait à Kaboul. Son père était général dans l’armée afghane, après avoir travaillé notamment pour les services de renseignement militaire, était très sportif et lui enseignait mille choses, entre autres ce qu’on peut faire avec un ballon et les pieds, comment jongler, comment tirer au but, comment le contrôler, l’amortir, dribbler, tout ça. Elle ne pouvait pas se confronter à quelqu’un d’autre, parce que les filles n’avaient pas le droit de jouer avec les garçons, et encore moins au foot, vous pensez. Mais ça allait quand même, l’existence. On avait les moyens.
C’est une victoire sur la terreur, le racisme et l’oppression. La victoire d’une femme.
Et puis, en 2000, les talibans, son père exécuté et un régime où naître fille est déjà une faute. Alors, la maman a vite conclu que six femmes seules dans un système où le mâle règne en tyran, encore plus qu’avant, encore plus qu’ailleurs, autant mourir tout de suite. Ou fuir. Avec les relations dues au rang familial, celles de Londres surtout, elle a obtenu de faux papiers pour elle et ses filles et elles ont filé au Pakistan, en douce. De là, l’Italie où un camion de passeurs les a embarquées pour l’Angleterre. Sauf qu’il les a lâchées au Danemark, à Randers, une ville portuaire du Nord. Tout le monde descend, merci, au revoir. Centre d’accueil. Tout devoir recommencer. La langue. La précarité… Mais elles étaient en vie. Avec, autour, des filles qui vont à l’école, qui font du sport, du football même. Quelque chose qui ressemble à des horizons infinis, avec la place pour tous les possibles du monde.
Nadia Nadim a aujourd’hui 33 ans. Elle est joueuse professionnelle à Louisville, dans le Kentucky, aux Etats-Unis. Attaquante, elle a auparavant évolué dans quatre clubs danois, puis à Portland, Manchester City et au PSG. Elle est la première Danoise d’origine étrangère à avoir rejoint une équipe nationale du Danemark, tous sports et genres confondus. Avec la sélection de son pays d’adoption, elle a disputé 98 matchs, avec 38 buts à la clé. Elle parle couramment sept langues (ourdou, dari, hindi, danois, anglais, allemand, français). Elle poursuit des études de médecine (comme les a réussies l’une de ses quatre soeurs, toutes restées au Danemark, deux autres étant infirmières) pour être chirurgienne, une fois le foot fini. Elle milite, à travers le monde, y compris dans des camps de réfugiés, pour l’éducation des filles et des femmes, l’égalité des genres et la promotion du sport.
Elle a publié en juin dernier, aux éditions Marabout, son autobiographie. Sobrement intitulée Mon histoire. Celle d’une victoire sur la terreur, le racisme et l’oppression. La victoire d’une femme. Une femme libre.
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