Michel Lorge
Ce sont avant tout des enfants
Baghouz, le dernier bastion de l’organisation État islamique vient de tomber. Des milliers de personnes ont été déplacées vers le camp. Parmi elles, des milliers d’enfants étrangers. Chaque jour sur place est un jour perdu de leur enfance.
Baghouz, le dernier bastion de l’organisation État islamique en Syrie vient de tomber. Des milliers de personnes ont été déplacées vers le camp de réfugiés d’Al-Hol dans le nord-est de la Syrie. Le sort de cette population, entassée dans ces camps administrés par les autorités kurdes, reste incertain. Parmi elle, des milliers d’enfants étrangers, certains non-accompagnées, voire orphelins. Doivent-ils retourner dans les pays dont leurs parents sont originaires ? Sont-ils une menace ? Pour l’UNICEF, ce sont d’abord et avant tout des enfants. Chaque jour sur place est un jour perdu de leur enfance.
Leur nombre a surpris. Depuis quelques semaines, de nombreuses femmes et enfants arrivent au camp de réfugiés au nord-est de la Syrie. Le camp de Al-Hol, administré par les autorités kurdes, abrite aujourd’hui plus de 70.000 personnes, en grande partie des femmes et des enfants. Selon l’UNICEF, environ 3.000 enfants étrangers, originaires de 43 pays, vivent dans les camps administrés par les autorités Kurdes en Syrie. Parmi eux, une vingtaine d’enfants belges. Certains sont orphelins, livrés à eux-mêmes depuis la mort de leurs parents, d’autres y vivent avec leur maman.
Une situation inhumaine
La situation dans le camp de Al-Hol est terrible. Passant de 20.000 à 70.000 personnes en quelques semaines, le camp a largement dépassé sa capacité. La plupart des enfants montrent des signes de détresse et souffrent de malnutrition, de fatigue, de problèmes de santé et de traumatismes de guerre causés par des mois d’hostilités et par le manque d’accès à de la nourriture, à des soins de santé ou à des services de base.
Leur mauvais état est encore exacerbé par les mauvaises conditions de transport jusqu’au camp. Plusieurs enfants sont morts sur la route et dans le camp. Cette semaine encore, nous avons appris que deux enfants belges sont décédés. D’autres ont été blessés, notamment une fillette de 4 ans qui a perdu un bras après une blessure par balle. La directrice de l’UNICEF, Mme Henrietta Fore, s’est dite très préoccupée par la détérioration des conditions de vie dans le camp d’Al-Hol, exhortant « les États Membres à s’occuper des enfants de leurs ressortissants, qu’ils soient nés sur leur sol ou non, et à prendre des mesures visant à empêcher que ces enfants ne deviennent apatrides. »
Les gouvernements peuvent aider
Certains gouvernements ont entendu l’appel de Mme Fore. Le gouvernement français vient de rapatrier cinq orphelins. En Belgique, le rapatriement des enfants a fait l’objet de plusieurs plaintes mais le gouvernement belge a annoncé qu’il poursuivra ses efforts pour rapatrier les enfants.
Mais les choses pourraient aller plus vite. Aussi bien en Belgique qu’ailleurs. Alors que le sort des adultes partis combattre en Irak et en Syrie est débattu dans plusieurs pays européens, la voix des enfants est trop peu entendue. UNICEF Belgique veut toutefois rappeler que ces enfants ne sont pas une menace. Pour preuve, de nombreux enfants sont déjà revenus en Europe, en Belgique également. Ils ont été séparés de leur parent à l’arrivée. Tous ont été pris en charge par des équipes médiales pour examiner leurs besoins et leurs traumatismes. La plupart de ces enfants ont été pris en charge par leur famille élargie ou une famille d’accueil, plutôt que d’être placés en institutions. Ils vont à l’école et sont accompagnés par les services de protection.
Traumatisés, mais résilients
Ces enfants n’ont pas pris les armes ni participé aux combats. Et même si c’était le cas, l’UNICEF et ses partenaires ont l’expérience de nombreux enfants qui ont été associés aux conflits armés, qui ont été démobilisés et réintégrés dans leur communauté avec succès. Une condition importante ici, est que nous agissions rapidement. S’il est vrai que tous les enfants associés aux conflits armés ont vécu des traumatismes, il est aussi prouvé qu’ils sont très résilients en dépit des privations ou de la violence extrêmes qu’ils ont subi. Enfin, rappelons que la plupart des enfants dont on parle sont très jeunes, ils ont moins de 6 ans.
Tous les enfants ont des droits spéciaux, reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui « fête » ses 30 ans cette année. N’abandonnons pas ces enfants. Chaque enfant mérite une chance. Il est urgent de trouver une solution pour chacun-e de ces garçons et filles. Une solution guidée par l’intérêt supérieur de chaque enfant.
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