Ce que l’on sait sur la mort d’Abou Ibrahim al-Qourachi, chef de l’EI
De nombreuses interrogations subsistent vendredi, au lendemain de l’élimination du chef du groupe Etat islamique (EI), Abou Ibrahim al-Qourachi, tué lors d’une opération en Syrie menée par les Etats-Unis.
Comment a-t-il été localisé?
Al-Qourachi est mort dans la ville d’Atmé, lors d’un raid nocturne héliporté sur sa maison, mené par les forces spéciales américaines. Des responsables américains à Washington ont déclaré que la position du chef de l’EI avait été repérée avec précision l’année dernière. Le propriétaire de l’immeuble a déclaré à l’AFP que Al-Qourachi y vivait depuis 11 mois.
Le raid a eu lieu quelques jours après une opération d’envergure de l’EI pour libérer des prisonniers détenus dans le nord-est du pays. Reste à savoir si les deux événements sont liés. « Le timing de l’opération suggère qu’il y avait des renseignements reliant Al-Qourachi à l’attaque de la prison de Ghwayran », a déclaré Nick Heras, analyste au Newlines Institute. « Il ne serait pas surprenant que les Etats-Unis aient fait pression sur la Turquie pour qu’elle leur fournisse des informations nécessaires pour mener à bien le raid », a-t-il déclaré.
La Turquie, qui a une frontière avec la Syrie, exerce une influence considérable sur le nord-ouest du pays et conserve des canaux de communication avec Hayat Tahrir al-Cham (HTS), l’organisation jihadiste qui domine la région d’Idleb. De nombreux détenus de l’EI se seraient évadés lors de l’assaut contre la prison à Hassaké. Leurs parcours et communications ont depuis pu être une source de renseignements. L’Irak a affirmé jeudi avoir fourni des informations qui ont mené jusqu’à l’un des hommes les plus recherchés au monde.
Comment est-il mort?
Selon la Maison Blanche et des responsables de l’armée américaine, Al-Qourachi est mort en faisant exploser une bombe pour éviter d’être capturé. « Il s’est tué ainsi que sa famille proche sans combattre, alors même que nous essayions de l’appeler à se rendre », a déclaré le général Kenneth McKenzie, chef du Commandement central de l’armée américaine. Des voisins ont déclaré à l’AFP avoir entendu des explosions mais les déclarations officielles américaines sont pour l’instant la seule version disponible de ce qu’il s’est passé dans la maison.
Des responsables américains ont déclaré qu’au moins trois civils avaient péri pendant le raid, en plus d’Al-Qourachi et de deux autres personnes. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie, a fait état de 13 morts. Et selon l’ONG Save The Children, au moins six enfants parmi lesquels deux nourrissons ont été tués. L’OSDH affirme que l’un des principaux associés du chef jihadiste a également été tué lors de l’opération.
Pourquoi à Idleb?
Al-Qourachi se cachait dans une ville éloignée de la zone où opère l’EI et sous contrôle d’un groupe rival. Pourtant, il n’est pas surprenant que le chef jihadiste ait été retrouvé loin des fiefs historiques du groupe plus à l’Est, estiment des analystes. Son prédécesseur, Abou Bakr Al-Baghdadi, a également été tué dans la province d’Idleb, à une quinzaine de kilomètres, en octobre 2019.
« Idleb est une zone de guerre confuse qui abrite de nombreux déplacés, avec peu de services de police appropriés et sans véritables structures étatiques ni registres administratifs », a déclaré Aron Lund, chercheur à Century International.
Selon Hassan Hassan, auteur d’un livre sur l’EI, Idleb est plus sûre pour un dirigeant de l’EI que les régions de l’ouest de l’Irak ou de l’est de la Syrie où les forces anti-EI ont des années d’expérience dans la traque de jihadistes. « C’est une zone hostile pour l’EI parce que ses rivaux contrôlent cette région du nord de la Syrie, mais c’est précisément l’endroit idéal pour se cacher, parce que personne ne s’attend à ce que vous soyez là », a-t-il estimé. Hassan Hassan, également analyste chez Newlines, a ajouté que cela faisait deux ans que des collaborateurs proches d’Al-Qourachi dirigeaient les opérations du groupe depuis la région.
Quelle suite pour l’EI?
L’assaut de l’EI contre la prison de Ghwayran lancé deux semaines plus tôt avait fait craindre une résurgence du groupe, près de trois ans après la fin de son « califat ». Mais aux yeux de Hassan Hassan, « le groupe reste faible et exposé », le raid de jeudi étant une preuve supplémentaire de l’efficacité croissante des forces américaines et alliées chargées de traquer les dirigeants de l’EI.
Al-Qourachi était un chef discret, mais le groupe, qui n’a pas encore reconnu sa mort, devra néanmoins trouver un nouveau « calife ». Peu de noms sont avancés mais des experts estiment que le successeur sera très probablement un autre irakien.
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