Caroline van der Plas, nouvelle défenseuse du monde rural aux Pays-Bas (portrait)
La victoire du BBB, mouvement agriculteur-citoyen, et de sa fondatrice Caroline van der Plas aux élections provinciales s’explique par le défi de la réduction des émissions d’azote. Il traduit aussi la défiance croissante envers l’élite politique.
Surprise pour les Néerlandais lors des élections provinciales du 15 mars qui décident de l’attribution des sièges au Sénat. Ce n’est ni le parti du Premier ministre Mark Rutte (VVD, Parti populaire pour la liberté et la démocratie) ni celui de la populaire Sigrid Kaag (Démocrates 66) qui est sorti vainqueur du décompte des voix, mais une nouvelle venue en politique, Caroline van der Plas. Son parti BoerBurgerBeweging (mouvement agriculteur-citoyen) a remporté seize sièges au Sénat (sur 75) et 19% des voix. Un franc succès pour un parti créé en 2019, alors que le VVD n’en remporte que dix et perd deux sièges par rapport au scrutin de 2019.
La lassitude des électeurs
Avec la plus haute participation jamais enregistrée depuis 1980 (57,5% de votants), les Néerlandais se sont mobilisés en masse pour se rendre aux urnes un jour de semaine. Pourtant, à l’annonce des résultats, Caroline van der Plas a affirmé que ses concitoyens en avaient «marre de la politique». La déclaration a été prononcée non pas pour expliquer un désintérêt pour ces élections plutôt pour leur résultat. L’institut Ipsos lui donne raison: 60% des 2 500 électeurs interrogés ont voté pour exprimer leur opinion sur le gouvernement et 46% pour signifier leur désaccord avec lui. «Un vote historique», d’après Jan, un jeune Amstelodamois passionné de politique. Il s’est levé à 5 heures du matin afin d’anticiper le début de son travail à la banque et pouvoir voter durant sa pause-déjeuner pour JA21 (Juste réponse 2021, une dissidence moins radicale du Forum pour la démocratie, d’extrême droite) qui a gagné trois sièges. «Les gens en ont assez, et moi aussi!», explose-t-il. Le vote de Jan refléterait le ton de la politique aux Pays-Bas en ce moment. Si on le suit, la victoire de BBB n’est que le miroir «d’un changement de la société et des mentalités». Le parti, qui surfe sur cette tendance populiste, n’est pourtant ni d’extrême droite ni vraiment de gauche. Où se place-t-il, en réalité?
Les Néerlandais se sont tournés vers l’alternative la plus récente qui soit, Caroline van der Plas, la leader du BBB.
Erigé comme défenseur du monde rural, le BBB veut représenter «les neuf millions de Néerlandais habitant à l’extérieur de la Randstad», la région des grandes villes que sont Amsterdam, Rotterdam, La Haye et Utrecht. Mais le programme du parti ne concerne que les problèmes agricoles et environnementaux, et son engagement politique reste flou. Comment, dès lors, expliquer cette soudaine popularité alors qu’aux élections législatives de 2021, le BBB n’avait remporté qu’un siège à la deuxième chambre du Parlement, celui occupé par Caroline van der Plas? L’explication est simple: depuis quelques mois, de nombreuses manifestations ont été organisées à travers tout le pays.
Réduire les émissions d’azote
«La crise de l’azote est un casse-tête», décrypte David Bos, politologue à l’université d’Amsterdam. Deuxième exportateur de produits agricoles au monde, les Pays-Bas sont les champions de l’élevage intensif et de la culture des tomates qui poussent toute l’année. Ils produisent quatre fois plus d’azote que leurs voisins européens, ce qui, depuis des décennies, pollue les sols et l’eau du pays. Une situation qui rappelle les tensions observées au sein du gouvernement flamand en Belgique. En 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a forcé le gouvernement à agir et à limiter sa production agricole. S’en est suivie la décision de réduire de 50% les émissions d’ici à 2030. «C’est là que cela devient cacophonique, poursuit le spécialiste amstellodamois. Pour réduire les émissions, il faut demander aux fermiers d’abandonner certaines cultures, voire de mettre la clé sous la porte (onze mille fermes pourraient cesser leurs activités). Le monde agricole n’est pas le seul à être en colère. Pour réduire les émissions dans le pays, il faut également mettre en pause les constructions d’infrastructures. Or, il n’y a pas assez de logements ici. C’est un secteur en crise aux Pays-Bas.»
Pour David Bos, les Néerlandais se sont tournés vers l’alternative la plus récente qui soit, Caroline van der Plas. La leader du BBB, 56 ans, apparaît souvent le sourire aux lèvres. Ancienne journaliste pour des magazines d’élevages porcins, elle passe par le secteur de la communication dans le secteur agroalimentaire avant de s’engager en politique. A Deventer, où elle réside toujours, les fermiers la saluent avec plaisir. Elle a su rafler des voix au Parti chrétien-démocrate (CDA). Elle s’est imposée dans les zones rurales mais elle a aussi fait des scores honorables dans les grandes villes, entre 5% et 8% des suffrages.
Le CDA est la formation dans laquelle Caroline van der Plas était engagée avant de fonder le BBB. Elle en a claqué la porte en 2019 car «les thématiques rurales ne recueillaient pas assez d’attention de la part de La Haye», a-t-elle justifié lors d’une interview en 2021. «Le CDA était le plus grand rival du BBB, car c’était le parti des fermiers. Mais son leader, Wopke Hoekstra, fait trop figure de citadin. Caroline van der Plas, elle, va à la rencontre des gens, et elle a gagné le cœur des électeurs», analyse David Bos.
«Le plus gros défi après ces élections est posé au BBB», ajoute le politologue. Ses sénateurs auront en effet la majorité – relative – au Sénat. Le Premier ministre Mark Rutte devra former une nouvelle coalition s’il veut pouvoir faire adopter ses projets. «Mais en 2019, Thierry Baudet, leader du Forum pour la démocratie, avait aussi obtenu de nombreux sièges au Sénat, poursuit David Bos. Il y eut tellement de disputes entre les différents sénateurs qu’il n’a pas su conserver la majorité. De nombreux sénateurs ont gardé leur siège mais quitté le parti. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’est né JA21.» Le parti de Thierry Baudet a obtenu moins de 5% des voix cette année. Selon David Bos, la tâche la plus difficile pour Caroline van der Plas n’était donc pas de remporter ces élections, mais de réussir à maintenir dans les mois à venir «un consensus entre les nouveaux sénateurs du BBB».
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