Brexit : pourquoi le problème Gibraltar n’est pas près d’être résolu
L’Espagne et le Royaume-Uni se querellent à nouveau au sujet d’un rocher de 6 km². Et la discussion est loin d’être clôturée.
« Après que le Royaume-Uni aura quitté l’Union, aucun accord entre les pays membres de l’Union européenne ne s’appliquera au territoire de Gibraltar sans accord entre l’Espagne et le Royaume-Uni ».
Cette phrase reprise dans les plans pour le Brexit, présentés vendredi par Donald Tusk, le président du Conseil européen, a agité le Royaume-Uni pendant tout le week-end. C’est frappant, car la phrase n’était probablement même pas nécessaire. Si le futur accord commercial entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est un accord mixte, il peut se heurter à un veto de tous les états membres et aussi de l’Espagne. « Il est très probable que ce scénario ait lieu », estime le professeur en droit commercial Ferdi Deville (Université de Gand).
Le motif de l’agitation causée par ce passage de la directive de Tusk n’est pas dû à la signification de la phrase, mais au contexte historique.
En 1713, les traités d’Utrecht rendent Gibraltar à la Grande-Bretagne. Depuis, la cause de Gibraltar a fait couler beaucoup d’encre. Consultés par deux référendums (en 1967 et 2002), les Gibraltariens rejettent presque unanimement la souveraineté espagnole. Aujourd’hui, seules quelques compétences, telles que la Défense et les Affaires étrangères, sont toujours aux mains du Royaume-Uni.
La Première ministre Theresa May a affirmé à Tusk que le Royaume-Uni « restait engagé » pour Gibraltar et que l’île n’était pas « à vendre » – dixit le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson. « La souveraineté de Gibraltar ne peut être adaptée sans autorisation explicite du Royaume-Uni et des gens de Gibraltar », a encore ajouté Johnson.
La vieille garde des Tories, le parti de May, a même comparé la question à la guerre des Malouines de 1982 entre le Royaume-Uni et l’Argentine. Margaret Thatcher voulait conserver l’archipel. Selon les estimations, le conflit a coûté la vie à 640 militaires argentins et 250 soldats britanniques.
« À présent, nous soutenons l’état membre »
Jack Straw, ministre des Affaires étrangères lors du référendum de 2002, se montre nettement plus prudent. « Pardon, mais nous sommes en 2017, pas en 1851. L’idée de l’Espagne en guerre avec le Royaume-Uni au sujet de Gibraltar est absurde », a-t-il déclaré à une chaîne de radio britannique.
Les Gibraltariens ont voté massivement contre le Brexit, pour rester dans l’UE. Selon eux, l’UE permet à l’Espagne de les « brimer », a déclaré le ministre en chef Fabian Picardo, qui souhaite voir disparaître la phrase de la directive de Tusk et ne veut pas que Gibraltar soit utilisé comme monnaie d’échange dans les négociations sur le Brexit.
Du côté Madrid, on se montre plutôt laconique. Sur Gibraltar « le traditionnel flegme britannique brille par son absence », a déclaré lundi , le chef de la diplomatie espagnole Alfonso Dasti
En coulisse
En coulisse, c’est une autre histoire. Le Royaume-Uni possède une base militaire équipée d’un port et d’une piste d’atterrissage à Gibraltar. C’est une voie d’accès importante pour le commerce par le biais du transport de l’eau et du pétrole. L’Espagne accuse Gibraltar d’être un paradis fiscal. Beaucoup d’Espagnols y font leurs achats, parce que Gibraltar ne fait partie ni de l’union douanière, ni du territoire TVA européen.
Il n’y a donc pas que l’histoire et la symbolique qui sont en jeu. Gibraltar est le premier écueil périlleux des négociations Brexit, et il ne sera pas le dernier.
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