Boris Johnson démissionne
Confronté à une « mutinerie » au sein de son gouvernement et du Parti conservateur, le Premier ministre britannique Boris Johnson démissionne de la tête du parti conservateur. Il a cependant indiqué qu’il resterait au pouvoir jusqu’à ce que soit désigné son successeur.
Confronté à une avalanche de démissions, le Premier ministre britannique Boris Johnson démissionne en tant que de chef du parti conservateur, au troisième jour d’une crise politique sans précédent. Mais ce n’est pas avec effet immédiat puisqu’il a indiqué qu’il resterait au pouvoir jusqu’à ce que soit désigné son successeur.
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« C’est clairement la volonté du parti conservateur qu’il y ait un nouveau leader et donc un nouveau Premier ministre », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse devant Downing Street, se disant « triste d’abandonner le meilleur travail au monde ». « La procédure pour choisir un nouveau dirigeant doit démarrer maintenant et le programme sera annoncé la semaine prochaine. J’ai nommé un nouveau gouvernement qui sera en poste, tout comme moi, jusqu’à ce que le nouveau dirigeant soit en place », a-t-il détaillé.
Il a ajouté que le calendrier pour l’élection d’un nouveau leader conservateur serait précisé la semaine prochaine. Pour certains médias britanniques ce ne sera pas avant octobre.
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Il est vrai qu’il n’avait plus guère le choix. Ainsi le Times titrait ce jeudi « Johnson se bat pour sa survie ». Une « une » qui résume le sentiment de la presse britannique après ce que le Daily Telegraph qualifiait de « mutinerie » du gouvernement, qui a abouti en deux jours au départ de plusieurs dizaines de ministres et de conseillers.
Les démissions et les appels au départ de M. Johnson, plombé au sein de l’opinion et de son parti par des scandales à répétition, se sont encore poursuivis jeudi.
Au total, au moins 53 départs ont été annoncés au sein du gouvernement depuis mardi, dont cinq ministres, un exode d’une rapidité sans précédent dans l’histoire politique britannique.
Trois jours de crise politique
La valse des démissions a commencé mardi soir quand, sans crier gare, les ministres de la Santé Sajid Javid et des Finances Rishi Sunak ont claqué la porte, suivis par d’autres membres du gouvernement, de rang moins élevé. Elles ont continué ce jeudi au sein du gouvernement. Ainsi le tout nouveau ministre des Finances Nadhim Zahawi, nommé mardi, a appelé Boris Johnson à « partir maintenant », alors que la ministre de l’Education nommée mardi annonçait elle sa démission. Le ministre britannique chargé de l’Irlande du Nord, Brandon Lewis, a aussi annoncé sa démission.
Mercredi soir, plusieurs ministres s’étaient rendus à Downing Street pour essayer, en vain selon les médias britanniques, de convaincre Boris Johnson qu’ayant perdu la confiance du parti conservateur après trois années turbulentes au pouvoir, il devait démissionner, dans son intérêt et celui du pays. Le Premier ministre de 58 ans, qui affirme qu’il a un « mandat colossal » à accomplir, a riposté en limogeant par téléphone mercredi soir le ministre qui avait été le premier à venir lui conseiller de démissionner plus tôt dans la journée, Michael Gove, chargé du rééquilibrage territorial.
Selon la BBC, Downing Street aurait qualifié Michael Gove de « serpent » indigne de la confiance de M. Johnson. Celui-ci aurait dit à des collègues qu’ils devraient « plonger les mains dans le sang » pour le sortir de Downing Street, rapportait jeudi le tabloid The Sun, alors que certains commentateurs faisaient le rapprochement avec Donald Trump refusant de reconnaitre le résultat de l’élection présidentielle américaine en 2020.
Ce jeudi, dans un silence assourdissant, personne n’est venu défendre M. Johnson sur les programmes d’information du matin, comme c’est habituellement l’usage.
Englué dans des scandales répétés, accusé de mensonges répétés, Boris Johnson avait jusqu’à présent balayé les appels à la démission venant y compris de ses fidèles.
Pas responsable de quitter le pouvoir
Aux ministres comme aux députés, Boris Johnson avait ainsi rétorqué qu’il voulait rester pour se consacrer « aux problèmes extrêmement importants » auxquels le pays est confronté, selon la presse. « Nous allons continuer avec le gouvernement de ce pays », a assuré le Premier ministre dans l’après-midi face aux chefs des commissions parlementaires, quelques instants après avoir affirmé qu’il passait une semaine « formidable ».
Combatif, Boris Johnson avait jugé qu’il ne serait pas « responsable » de quitter le pouvoir dans le contexte actuel, entre crise du pouvoir d’achat et guerre en Ukraine. Un peu plus tôt, lors de la séance hebdomadaire de questions devant les députés, ponctuée de rires et de moqueries, il avait affirmé que le « mandat colossal » qui lui avait été confié par les électeurs en 2019 lui conférait le devoir de « continuer ».
Le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer a fustigé un « spectacle pathétique » de fin de règne, tandis que le leader du parti nationaliste écossais SNP à la Chambre des communes Ian Blackford a exigé la tenue d’élections anticipées. Une idée que Boris Johnson a rejetée d’un revers de main.
Mais comment faire partir un Premier ministre qui refuse de démissionner ?
Johnson avait échappé le mois dernier à un vote de défiance, 40% des députés conservateurs refusant cependant de lui accorder leur confiance. Il était en théorie à l’abri d’un nouveau vote de défiance pendant un an, mais le bureau exécutif du « Comité 1922 » qui décide des règles, pourrait les modifier dans les prochains jours pour organiser, s’il n’est pas parti d’ici là, un deuxième vote de défiance. Mais il semble que Johnson se soit tout de même résolu à quitter par lui même le navire.
« Bye Boris »
Les ministres démissionnaires ont eu des mots durs pour le chef du gouvernement, mettant en cause son honnêteté. Devant les députés, Sajid Javid a détaillé les raisons de son départ, convaincu que Boris Johnson ne changerait pas: « Ca suffit », a-t-il lancé, avant que certains députés ne reprennent un « bye Boris » moqueur lancé par l’un d’eux.
La démission de M. Javid et celle de son collègue des Finances ont été annoncées mardi soir alors que Boris Johnson venait de présenter des excuses après un nouveau scandale. M. Johnson a reconnu avoir fait une « erreur » en nommant en février dans son gouvernement Chris Pincher, « whip » en chef adjoint chargé de la discipline parlementaire des députés conservateurs. Il a démissionné la semaine dernière après avoir été accusé d’attouchements sur deux hommes.
Après avoir affirmé l’inverse, Downing Street a reconnu mardi que le Premier ministre avait été informé dès 2019 d’anciennes accusations à l’encontre de M. Pincher, mais qu’il les avait « oubliées ».
Selon un sondage Savanta ComRes publié mercredi, 72% des Britanniques estiment que le Premier ministre devrait démissionner. Déjà considérablement affaibli par le scandale des fêtes illégales organisées à Downing Street pendant la pandémie de Covid-19, M. Johnson a survécu il y a quelques semaines à un vote de défiance de son propre camp.
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