Benjamin Netanyahou recule sur sa réforme de la justice, mais rien n’est réglé (analyse)
La pause dans l’examen de la réforme de la justice ouvre une négociation. Mais les positions sont-elles conciliables?
Limoger le dimanche son ministre de la Défense Yoav Gallant parce qu’il a appelé, la veille, à une suspension de la réforme du système judiciaire engagée par le gouvernement et ordonner le lundi cette pause: le pragmatisme que beaucoup louent habituellement dans le chef du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, s’est transformé, le 27 mars, en gestion dominée par la panique face au mouvement de protestation inédit que connaît Israël. Les manifestants qui remplissent les rues de ses villes depuis plusieurs semaines voient dans l’intention du gouvernement de droite et d’extrême droite de réduire les pouvoirs de la Cour suprême une atteinte grave à la démocratie. Entre tenants et opposants du projet, Israël se retrouve divisé comme il l’a rarement été.
Nous n’avons pas le droit de nous battre entre frères.
C’est en vertu de ce danger et des risques qu’il faisait peser sur la sécurité du pays (car «les fractures de la société pénètrent au sein de l’armée», avait averti Yoav Gallant) que Benjamin Netanyahou a annoncé dans la soirée du 27 mars mettre la réforme sur le mode pause: «Je ne suis pas prêt à déchirer le peuple israélien en morceaux. […] Nous n’avons pas le droit de nous battre entre frères», a-t-il avancé. Il a dès lors souscrit à l’offre de l’opposition d’ouvrir un dialogue pour trouver une solution acceptable par le plus grand nombre. Des négociations en ce sens se sont ouvertes dès le lendemain entre des délégations du gouvernement et de l’opposition, et avec le parti arabe Ra’am, sous l’égide du président israélien, Isaac Herzog. Le chef de l’Etat avait lui-même développé un projet alternatif de réforme pour tenter de sortir le pays de la crise. Sa médiation semble donc opportune. Mais, à vrai dire, on ne voit pas comment les positions des uns et des autres pourraient évoluer pour déboucher sur un compromis.
D’autant que ce sont trois camps qu’il faudrait fédérer autour d’un accord pour y arriver: la majorité gouvernementale et ses franges les plus extrémistes, l’opposition dans sa diversité et les protestataires qui s’expriment dans les rassemblements de rue. Et entre les tenants acharnés d’une réduction des pouvoirs des juges de la Cour suprême (notamment les formations d’extrême droite Parti sioniste religieux du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, et Force juive du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir) et ceux qui voient dans ce projet une remise en cause du caractère démocratique de l’Etat juif, trouver un terrain d’entente paraît mission impossible.
Le défi est tellement élevé que le scénario d’un changement de gouvernement gagne du crédit. La séquence de négociation pourrait rapprocher Netanyahou, redevenu le pragmatique (32 députés du Likoud), de Yaïr Lapid, dirigeant de Yesh Atid (24 députés) et de Benny Gantz, leader du Parti de l’unité nationale (douze élus). Ou, faute d’accord et face à une contestation populaire persistante, elle pourrait renvoyer le gouvernement à son impuissance à faire aboutir un de ses projets majeurs et provoquer sa chute. Les sondages prédisent, dans cette hypothèse, un recul du Likoud et un progrès de l’opposition. Benjamin Netanyahou parviendra-t-il, encore une fois, à se sortir du piège dans lequel il s’est enferré?
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