Aung San Suu Kyi condamnée à 7 ans de prison supplémentaires, l’UE « condamne fortement »
La dirigeante birmane déchue Aung San Suu Kyi a été condamnée vendredi par un tribunal de la junte à sept ans de prison supplémentaires pour corruption, dans le dernier volet de son procès-fleuve.
La célèbre opposante âgée de 77 ans doit passer un total de 33 années derrière les barreaux, au terme d’une procédure à huis clos de 18 mois qualifiée de politique par les défenseurs des droits humains. Un tribunal de la capitale Naypyidaw, qui siège exceptionnellement dans le centre pénitentiaire où elle a été placée à l’isolement, a reconnu l’ex-dirigeante coupable vendredi des cinq chefs d’accusation de corruption la visant.
Ces cinq derniers chefs d’accusation avaient entre autres trait à la location d’un hélicoptère par un ministre de son gouvernement. Mme Suu Kyi était accusée de ne pas avoir respecté les règles et d’avoir causé « une perte pour l’État ».
Ces sept années s’ajoutent aux 26 ans de prison auxquels l’opposante birmane avait déjà été condamnée pour 14 chefs d’accusation, allant de la corruption à la possession illégale de talkies-walkies, en passant par le non-respect des mesures sanitaires liées au Covid-19.
Aung San Suu Kyi a déjà connu la prison en 2009, accusée d’avoir hébergé un Américain qui lui avait rendu visite alors qu’elle était assignée à résidence. Mais elle n’y était restée que trois mois, restant ensuite confinée dans sa maison au bord d’un lac à Rangoun, d’où elle s’adressait à des centaines de partisans réunis de l’autre côté de la clôture de son jardin. Aujourd’hui, sa situation est radicalement différente. Totalement isolée, ses contacts avec l’extérieur se limitent à ses avocats.
Libérée en 2010, elle entre au Parlement deux ans plus tard dans la foulée de l’auto-dissolution de la junte. La victoire de son parti en 2015 lui donne les clés du gouvernement. Néanmoins, rapidement, certains lui reprochent sa conception autocratique du pouvoir, piégée par sa position de quasi-idole dans le pays. Elle est aussi obligée de composer avec les militaires toujours puissants. La nouvelle victoire de son parti aux législatives de 2020 inquiète l’armée, qui renverse son gouvernement en février 2021. Ce putsch contre la lauréate du prix Nobel 1991 met fin à une brève période démocratique dans le pays d’Asie du Sud-Est.
Selon l’ONG AAPP, qui assiste les prisonniers politiques, plus de 2.600 personnes ont été tuées et plus de 16.6000 arrêtées depuis le coup d’État militaire.
La Birmanie reste en proie à un violent conflit civil. De nombreux Birmans ont pris les armes contre la junte, qui a promis des élections en 2023. Depuis le putsch de 2021, Mme Suu Kyi n’a été vue que de très rares fois, sur des photos granuleuses prises par les médias d’Etat dans une salle d’audience vide. Elle pourrait purger une partie de sa peine d’emprisonnement en résidence surveillée, selon des experts.
« C’est la fin d’une farce judiciaire. La question est désormais de savoir ce que le régime fera d’Aung San Suu Kyi — lui permettre de purger sa peine en résidence surveillée, ou l’autoriser à rencontrer des envoyés étrangers. Mais il est peu probable que le régime se presse pour prendre de telles décisions », a expliqué Richard Horsey, expert de la Birmanie auprès de l’International Crisis Group (ICG).
Aung San Suu Kyi reste une figure populaire en Birmanie, même si son image internationale a été écornée par son incapacité à défendre la minorité musulmane des Rohingyas, victime d’exactions de l’armée en 2016 et 2017 –un « génocide » selon Washington.
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L’UE « condamne fortement » le verdict contre Aung San Suu Kyi
L’UE a « condamné fortement » vendredi le verdict accroissant à 33 ans au total la peine de prison infligée à la dirigeante birmane déchue Aung San Suu Kyi, et a dénoncé « le démantèlement général de la démocratie et de l’état de droit » en Birmanie.
Les verdicts condamnant la célèbre opposante âgée de 77 ans ainsi que l’ex-président birman Win Myint « concluent une série de procès purement politiques (…) sans respect de la procédure légale », qui « constituent une tentative manifeste d’exclure les dirigeants démocratiquement élus de la vie politique », a indiqué un porte-parole de la Commission européenne.
Washington, quant à lui, qualifie la condamnation d’Aung San Suu Kyi « d’affront à la justice ».