Attaque de Toronto: qui sont les Incels, ces misogynes « involontairement célibataires » ?
L’auteur de l’attaque de Toronto pourrait être lié aux Incels, un groupe d’internautes misogynes « involontairement célibataires » qui pense que les femmes sont des démons.
Peu avant de se lancer avec sa voiture-bélier dans les rues de Toronto et de tuer 10 personnes et d’en blesser 14 autres, Alek Minassian, l’auteur supposé de l’attaque, a posté un étrange message sur sa page Facebook. « La rébellion des Incels a déjà commencé. On va renverser tous les « Chads » et « Stacys » » écrivait-il en substance.
Qui sont les Incels, les Chads et les Stacys ?
Les Incels, qui est une abréviation de « involuntary celibate » ou « célibataire involontaire », sont une communauté d’internautes riche de plusieurs dizaines de milliers de membres. Elle regroupe principalement des hommes âgés de 18 à 35 ans dont des pulsions sexuelles non assouvies nourrissent une haine féroce envers les femmes. Ce serait à cause des femmes qu’ils resteraient perpétuellement célibataires. Sur incels.me, le principal forum de cette sous-culture qui regroupe à lui seul 5000 membres, un Incel est décrit comme quelqu’un qui « ne peut pas avoir de relations sexuelles, malgré son désir d’en avoir » et qui se voit ainsi refuser « les plaisirs d’une relation » dit The Guardian. Ces Incels, souvent anonymes et très frustrés sexuellement, sont persuadés que le monde moderne est ligué contre les hommes hétérosexuels empotés et/ou moches. Les sites des Incels soutiennent l’idée que la société est divisée en deux. D’un côté, il y a les hommes qui peuvent avoir des partenaires sexuels et une vie amoureuse épanouie (les chads) et, de l’autre, il y a ceux qui en sont exclus (eux).
Dans cette vision binaire, le monde ne serait qu’un « marché sexuel » ou les femmes, diaboliques par essence, feraient leur shopping et où eux ne seraient jamais en rayon. Les femmes – appelées « Stacy » dans le jargon Incel pour les plus attirantes d’entre elles, mais le plus souvent qualifiées de « femoïd » (contraction de « femmes » et « humanoïdes), ne seraient que des « salopes incapables d’aimer qui prennent plaisir à malmener, à moquer ou à humilier des hommes dès qu’elles le peuvent ».
De telles théories se basent sur une interprétation biaisée de certaines théories de l’évolution ou de la génétique et d’une psychologie de comptoir. Ils sont persuadés que le fait qu’on leur refuse des plaisirs sexuels est une injustice. De telles croyances entretiennent une misogynie particulièrement retorse qui les pousse régulièrement à faire l’apologie du viol ou autre violences sexuelle, allant même jusqu’à poster des tutoriels expliquant comment ne pas se faire arrêter par la police lorsqu’on est un violeur en série.
« Je suis le mec parfait, mais vous préférez vous jeter dans les bras d’hommes odieux »
Certains de cette mouvance ont déjà basculé dans la violence dans le monde réel. Comme Elliot Rodger qui, en 2014 à Isla Vista, en Californie, tue au couteau, à l’arme à feu puis avec une voiture-bélier six personnes et en blesse quatorze autres, avant de se suicider. À travers des vidéos et un manifeste, il explique son geste comme une vengeance pour avoir été rejeté de façon répétitive par les femmes et par le fait qu’il était encore vierge à 22 ans . « Je suis le mec parfait, mais vous préférez vous jeter dans les bras d’hommes odieux plutôt que dans les miens. Moi qui suis le gentleman suprême », pouvait-on lire. Rodger est rapidement devenu un héros pour certains Incels.
Le message sur le mur Facebook de Minassian a été retiré et la police n’a toujours pas avancé de motif officiel pour l’attaque. La nature des médias sociaux étant ce qu’elle est, on ne peut donc toujours pas avancer avec certitude que le message est authentique ni qu’il a été posté par Minassian en personne. Il n’est pas exclu qu’un tel message puisse être l’oeuvre d’un troll puisque cela s’est déjà produit pour d’autres tueries de masse. On notera aussi que les modérateurs d’incels.me ont promptement désavoué Minassian. Dans un post il est écrit qu' »il n’a jamais posté sur Incels.me. En ce qui nous concerne, personne sur le forum n’a entendu parler de lui avant l’attaque. » Néanmoins, ailleurs sur le site, certains utilisateurs sont moins catégoriques et semblent même défendre l’auteur présumé de l’attaque précise encore Le Monde.
Qui est Alek Minassian
Arrêté rapidement lundi, Alek Minassian, 25 ans, a comparu mardi matin quelques minutes dans un petit tribunal du quartier North York de Toronto où le procureur Joe Callaghan lui a signifié les dix chefs d’inculpation pour meurtre avec préméditation. L’assaillant était jusqu’ici inconnu des services de police, a souligné le chef de police de Toronto Mark Saunders. Il n’était pas non plus fiché par les services de renseignement ce qui permet, à priori selon le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale, d’écarter la piste d’un acte de terrorisme comme cela a pu être le cas dans le même type d’attaque à la voiture-bélier à Londres ou à Nice. « Les informations disponibles à ce stade indiquent que cet événement ne semble aucunement lié à la sécurité nationale », a assuré Ralph Goodale. L’homme est présenté comme renfermé et avec des difficultés de communication par quelques personnes qui fréquentaient le même établissement d’enseignement professionnel de la métropole de l’Ontario (centre). Habitant à Richmond Hill, en grande banlieue nord de Toronto, Alek Minassian était depuis 2011 étudiant au College Seneca, selon son profil sur le réseau social LinkedIn. Il avait fait un bref passage dans les rangs de l’armée canadienne en 2017, mais avait abandonné sa formation après deux semaines, ont confirmé mardi les Forces armées. Corpulent, « Socialement mal à l’aise », souffrant de trouble obsessionnel compulsif (TOC) en se frottant la tête ou les mains, Alek Minassian se tenait la plupart du temps en retrait dans les groupes d’étudiants ou restait seul à la cafeteria de l’école, selon les témoignages recueillis par des médias de Toronto auprès de personnes ayant assisté aux mêmes cours. Ari Blaff, l’un de ces étudiants, a raconté à la télévision CBC que le comportement d’Alek Minassian « était généralement assez étrange (…) mais n’a jamais été remarqué pour quelque chose de violent », simplement « peut être en mettant les gens mal à l’aise ». Alek Minassian a défié le policier au moment de son interpellation. Brandissant un objet dans la main gauche, le chauffeur aurait crié « tue-moi » au policier.
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