Assad en visite au Kremlin, en décembre 2016 © Reuters

Attaque chimique en Syrie: la Russie pose un 8e veto à l’ONU

Le Vif

La Russie a posé mercredi son veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité sur l’attaque chimique présumée en Syrie imputée au régime de Bachar al-Assad, bloquant pour la huitième fois toute action de l’ONU contre son allié syrien.

Cette résolution proposée par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni visait à répondre à l’attaque présumée avec des agents neurotoxiques dans la localité syrienne de Khan Cheikhoun le 4 avril, qui a fait 87 morts dont 31 enfants.

Parmi les quinze membres du Conseil, la Bolivie a également voté contre cette résolution, dix ont voté pour et trois se sont abstenus (Chine, Kazakhstan, Ethiopie).

La Russie a mis son veto au moment où le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson faisait état lors d’une visite à Moscou « d’un niveau de confiance bas » entre les Etats-Unis et la Russie.

« Avec ce veto, la Russie dit +non+ au fait de rendre des comptes, +non+ à la coopération avec une enquête indépendante de l’ONU », a accusé l’ambassadrice américaine, Nikki Haley, à l’issue du vote.

« A Assad et au gouvernement syrien (…) le temps de votre arrogance et de votre mépris pour l’humanité est terminé (…) Je suggère que vous regardiez ce vote très attentivement et teniez compte de cet avertissement », a-t-elle ajouté.

L’ambassadeur adjoint de la Russie à l’ONU, Vladimir Safronkov, a déclaré devant le Conseil que ce texte était « condamné » dès le début.

« Le résultat était pré-déterminé parce que nous avons constamment exprimé notre désaccord catégorique avec le contenu de ce document », a-t-il dit.

La résolution devait apporter le soutien du Conseil de sécurité aux enquêteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Le texte exigeait notamment que les autorités syriennes fournissent les détails des activités militaires de l’armée syrienne le jour de l’attaque ainsi que les noms des commandants des escadrons aériens, et donnent aux enquêteurs un accès aux bases aériennes.

La Russie « du mauvais côté »

Selon l’ambassadeur Safronkov, la Russie avait proposé aux Etats-Unis d’envoyer une requête commune à l’OIAC pour une mission d’évaluation à Khan Cheikhoun et sur la base aérienne d’Al-Chaayrate, dans la province centrale de Homs, d’où les Etats-Unis assurent que l’attaque a été lancée.

La France et le Royaume-Uni ont exprimé leur consternation face au veto de la Russie.

Le président français François Hollande a déclaré que la Russie avait pris « une lourde responsabilité » en opposant son veto et il a accusé Moscou de protéger « systématiquement son « allié Assad ».

« Cela met la Russie du mauvais côté de cette discussion », a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, dans un communiqué depuis Londres.

Les enquêteurs des Nations Unies sont déjà mandatés par des résolutions antérieures pour enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, mais Paris, Londres et Washington voulaient insister sur la nécessité d’une recherche approfondie sur l’attaque de Khan Cheikhoun.

La Syrie est dans l’obligation de coopérer avec l’OIAC en tant que membre de la Convention sur les armes chimiques, qu’elle a signé en 2013, mais l’accès aux sites militaires demeure un problème.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a déclaré à la suite de ses entretiens avec Rex Tillerson à Moscou que l’OIAC doit être autorisée à mener ses travaux de manière impartiale.

« Nous insistons sur une enquête objective sur ce qui s’est passé le 4 avril », a-t-il dit.

La Russie a présenté son propre texte de résolution condamnant la frappe militaire américaine en Syrie et demandant une enquête de l’OIAC.

La possibilité d’une mise au vote de ce projet de résolution était incertaine.

L’ambassadeur britannique à l’ONU, Matthew Rycroft, a déclaré mercredi au Conseil de sécurité que les tests effectués par des scientifiques britanniques sur des échantillons provenant du site de Khan Cheikhoun ont montré que le sarin ou une substance semblable au sarin, un puissant neurotoxique, a été utilisé.

Huit veto russes à l’ONU

En six ans de guerre, la Russie a protégé son allié syrien des pressions occidentales en opposant huit fois son veto au Conseil de sécurité de l’ONU, suivie à six reprises par la Chine.

Moscou et Pékin ont un droit de veto, comme les trois autres membres permanents, Etats-Unis, France et Royaume-Uni. Le Conseil compte dix autres membres non permanents, renouvelés partiellement tous les ans.

Répression

En octobre 2011, la Russie et la Chine bloquent un projet de résolution des Occidentaux menaçant le régime de « mesures ciblées » pour la répression sanglante des manifestations. Neuf pays ont voté pour la résolution, quatre se sont abstenus.

Le retrait d’une référence directe à des sanctions n’a pas suffi à surmonter l’opposition de Moscou.

En février 2012, nouveau veto russo-chinois à un projet de résolution présenté par les Occidentaux et des pays arabes condamnant la répression. Les 13 autres ont voté en faveur du texte.

Ce projet exprimait le « soutien sans réserve » du Conseil au plan de la Ligue arabe pour parvenir à une transition démocratique et dénonçait les « violations flagrantes et généralisées » des droits de l’homme par le régime.

Le veto provoque l’indignation dans le monde arabe, en Occident et au sein de l’opposition, d’autant plus qu’il intervient quelques heures après un bombardement à Homs (centre) ayant fait plus de 230 morts selon l’opposition.

Armes lourdes

En juillet 2012, Moscou et Pékin s’opposent à une résolution occidentale menaçant Damas de sanctions. La résolution a recueilli 11 voix pour, 2 contre et 2 abstentions.

Le projet brandissait la menace de sanctions économiques si les forces syriennes ne cessaient pas d’utiliser leurs armes lourdes contre l’opposition. Pour l’ambassadeur russe Vitali Tchourkine, cela aurait ouvert « la voie » à une intervention militaire.

En mai 2014, la Russie et la Chine bloquent un projet de résolution français qui prévoyait de saisir la Cour pénale internationale (CPI) des crimes commis par les deux camps. Le texte était co-parrainé par une soixantaine de pays.

Raids sur Alep

En octobre 2016, la Russie met son veto à un texte présenté une nouvelle fois par la France, qui appelait à une cessation immédiate des bombardements sur Alep, dans le nord de la Syrie. La Chine, qui s’alignait jusque-là sur la position russe, s’abstient.

Début décembre 2016, la Russie et la Chine mettent leur veto à une résolution demandant une trêve de sept jours à Alep.

Depuis le 15 novembre, les quartiers rebelles subissaient les bombardements les plus violents depuis deux ans, à coups de barils d’explosifs, d’obus et de roquettes.

Armes chimiques

Le 28 février 2017, la Russie et la Chine mettent leur veto à une résolution de l’ONU qui prévoyait des sanctions contre la Syrie pour son utilisation d’armes chimiques dans le conflit. Le projet de résolution, présenté par le Royaume-Uni, la France et les Etats-Unis, reçoit neuf voix pour et trois contre, ceux de la Chine, de la Russie et de la Bolivie.

C’est la septième fois que Moscou utilise son veto pour protéger le régime d’Assad. La Chine a rejoint la Russie pour bloquer six de ces sept résolutions.

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