Vaste arsenal, une meilleure préparation: ce que nous apprennent les exercices chinois autour de Taïwan

La Chine a mené trois jours d’exercices militaires autour de Taïwan, simulant des attaques et un blocus de l’île qu’elle considère comme faisant partie de son territoire. Voici les principaux enseignements de ces manoeuvres, baptisées « Epée commune », concernant les capacités militaires de Pékin et les chances de Taipei en cas de vraie invasion.

Qu’a-t-on appris sur les capacités militaires chinoises ?

La Chine a déployé un vaste arsenal: missiles anti-navires terrestres ultramodernes, avions de chasse, bombardiers et même un porte-avions. Pour la seule journée de lundi, le ministère taïwanais de la Défense a détecté 12 navires de guerre et 91 aéronefs chinois autour de l’île, dont 54 ont pénétré dans la zone d’identification de la défense aérienne (ADIZ), le nombre le plus élevé en une seule journée depuis 2021.

La complexité de ce déploiement « montre que la Chine a progressé dans sa préparation d’une éventuelle attaque contre Taïwan », estime Shi Yinhong, de l’université Renmin, ancien consultant auprès du Conseil d’Etat chinois. « La capacité de combat de l’Armée populaire de libération est également en constante amélioration, en particulier sa capacité de réaction rapide », déclare à l’AFP l’analyste Song Zhongping, ex-officier de l’armée chinoise. La Chine estime que plus vite ses forces encercleront Taïwan, moins il y aura de chances pour qu’une force d’intervention internationale se porte au secours de l’île.

Pourquoi la Chine a-t-elle réagi aussi vigoureusement ?

Les exercices ont été déclenchés après une rencontre entre la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen et le président de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Kevin McCarthy. Ils rappellent ceux survenus en août 2022 après la visite à Taipei de Nancy Pelosi, prédécesseure de M. McCarthy. La Chine avait alors effectué des tirs à munitions réelles à une douzaine de milles nautiques des côtes taïwanaises, sa plus spectaculaire démonstration de force contre l’île de l’histoire.

Les exercices de cette semaine n’étaient « pas aussi intenses », relève un analyste en Chine. Mais ils ont révélé une plus grande sophistication stratégique, en soulignent d’autres. « Par rapport au mois d’août dernier, le plan de combat de l’Armée populaire de libération a été amélioré », estime M. Song.

Le déploiement du porte-avions Shandong suggère que les exercices étaient moins une démonstration de force symbolique que la répétition d’une guerre réelle, juge l’analyste militaire Leung Kwok-leung, basé à Hong Kong. « L’intention est très claire: tester la capacité de combat des forces dans un environnement concret », explique-t-il, notant que le Shandong a navigué jusque dans l’océan Pacifique, loin du détroit de Taïwan.

Qu’a-t-on appris sur les tactiques de la Chine ?

Comme en août 2022, les exercices ont essentiellement consisté à simuler un blocus de Taïwan et des frappes visant à détruire les défenses de l’île. L’aviation chinoise s’est essayée à ce que la Chine a appelé le « bouclage » de Taïwan, et la propagande chinoise a diffusé des infographies montrant des « frappes simulées » sur Taipei.

Certains analystes restent sceptiques quant à l’efficacité de telles tactiques. « Ce qui peut être fait dans une simulation peut être reproduit en conditions de combat réelles… ou pas », note Steve Tsang, de l’université SOAS de Londres. « On ne peut pas être certain que (la Chine) puisse dissuader les Etats-Unis d’intervenir, ni qu’elle puisse imposer un blocus efficace contre Taïwan, ni qu’elle puisse lancer des assauts amphibies et les soutenir pour remporter la victoire ».

Selon lui, l’armée chinoise aura encore besoin d’une dizaine d’années pour « renforcer considérablement ces capacités », et pour entraîner les différentes composantes de son armée à des actions coordonnées. « Les Taïwanais non plus ne vont pas rester assis à ne rien faire au cours de la prochaine décennie », prédit M. Tsang.

Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir de Taïwan ?

Taïwan a lancé ses propres exercices militaires et a insisté sur le fait que l’île résistera à ce qu’elle appelle « l’expansionnisme autoritaire » de la Chine. Ces dernières années, Taipei a joint le carnet de chèques à la parole en achetant aux Etats-Unis un éventail d’équipements pour dissuader la Chine ou, à défaut, pour lui infliger de lourdes pertes en cas d’invasion. Ces équipements « comprennent de tout, des avions aux pièces détachées, en passant par les missiles, les technologies de missiles, les technologie de sous-marins, les équipements radar et de surveillance et les chars », énumère Ja Ian Chong, professeur de sciences politiques à l’Université nationale de Singapour.

Taïwan possèdera la plus grande flotte de chasseurs F-16 de la région une fois que tous les avions qu’elle a commandés lui auront été livrés par leur fabricant américain. Un contrat de 62 milliards de dollars. Ces moyens « peuvent faire comprendre à (la Chine) que toute escalade est susceptible d’être difficile à contrôler, très risquée et très coûteuse, quelle que soit l’issue finale », estime Ja Ian Chong.

Reste à savoir si cela découragera la Chine de tenter ce que le président Xi Jinping appelle la « mission historique » de « réunification » avec Taïwan. Pour M. Tsang, cela devrait être assez pour tenir la Chine à distance pour le moment. « Si Xi pensait que l’Armée populaire de libération pouvait le faire à un coût acceptable, il aurait déjà envahi Taïwan », juge-t-il. « Il ne l’a pas fait parce que l’APL ne le peut pas ».

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