Le président sud-coréen au Japon pour un sommet bilatéral crucial
Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol est arrivé au Japon pour un sommet crucial entre Tokyo et Séoul, qui tentent d’apaiser leurs tensions historiques face aux défis sécuritaires que représentent Pékin et Pyongyang en Asie-Pacifique.
La Corée du Nord a d’ailleurs marqué ce déplacement à sa façon, en tirant un missile balistique intercontinental (ICBM) qui est tombé en mer du Japon quelques heures avant l’arrivée de M. Yoon à Tokyo.
Cette visite d’Etat de deux jours, le plus important sommet entre Tokyo et Séoul depuis 12 ans, s’inscrit dans le prolongement du plan du gouvernement de M. Yoon annoncé la semaine dernière pour indemniser des Sud-Coréens soumis au travail forcé par le Japon pendant la première moitié du 20ème siècle. Si elle n’implique pas de participation financière directe de Tokyo, la visite pourrait signer la reprise de la « navette diplomatique » entre les deux voisins.
Elle pourrait éventuellement être suivie d’une invitation de M. Yoon par le Premier ministre japonais Fumio Kishida au sommet du G7 en mai à Hiroshima, puis d’un déplacement de M. Kishida à Séoul.
Le président sud-coréen a érigé le rétablissement des liens avec Tokyo en priorité absolue dès son élection il y a un an. « Le gouvernement japonais se joindra à nous pour ouvrir un nouveau chapitre des relations entre la Corée et le Japon », a-t-il assuré mercredi dans une interview accordée à plusieurs médias dont l’AFP. « Nous devons mettre fin au cercle vicieux de l’hostilité mutuelle et travailler ensemble à la recherche des intérêts communs de nos deux pays », a martelé M. Yoon.
Contentieux historiques
Mais le passé pèse lourdement sur leurs relations, marquées par la sombre période de la colonisation japonaise de la péninsule coréenne (1910-1945), et notamment la question dite des « femmes de réconfort » coréennes, ces esclaves sexuelles des soldats nippons durant la Seconde Guerre mondiale.
Une décision de justice sud-coréenne de 2018, ordonnant à certaines entreprises nippones de verser des compensations pour le travail forcé durant l’occupation, avait précipité les rapports bilatéraux dans une nouvelle crise, avec la mise en place de barrières commerciales réciproques et l’arrêt de leur coopération dans plusieurs domaines.
Le Japon estime jusqu’à présent que le contentieux historique a été réglé depuis 1965 par la normalisation des relations bilatérales, notamment via un paquet de prêts et d’aide financière accordé par Tokyo à Séoul.
L’arrivée au pouvoir de M. Yoon et les inquiétudes grandissantes causées par les provocations répétées de Pyongyang et les ambitions régionales croissantes de la Chine ont cependant relancé les espoirs de réconciliation entre les deux voisins.
« Des changements radicaux affectent les relations internationales« , note Yuki Asaba de l’université Doshisha à Tokyo, et cela « rend d’autant plus urgent pour les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud de se coordonner » et de renforcer leur capacité de dissuasion, selon ce professeur d’études coréennes interrogé par l’AFP.
Un rapprochement stratégique
MM. Yoon et Kishida devraient tenir jeudi une rare conférence de presse commune. Les deux dirigeants s’étaient pour l’instant seulement rencontrés en marge d’événements internationaux.
Ils doivent poursuivre leurs discussions autour d’un dîner, et des médias japonais ont rapporté que M. Yoon avait émis le souhait de déguster du « omurice », un plat familial japonais composé d’une omelette sur du riz.
Au-delà de ce rapprochement gastronomique, d’importants défis attendent les deux pays, avertit Park Won-gon de l’université Ewha, à Séoul. Pour lui, les éventuels résultats de ce sommet dépendront « du degré auquel le Premier ministre Kishida sera prêt à s’excuser » pour les crimes passés du Japon.
Tokyo a dit maintenir ses excuses historiques formulées en 1995 et en 1998 pour les actes commis en temps de guerre, mais beaucoup en Corée du Sud les estiment insuffisantes et critiquent le plan de compensation de M. Yoon.
Le rapprochement entre Séoul et Tokyo a cependant été salué sur le plan international, en particulier par Washington, soucieux de voir ses deux plus proches alliés asiatiques se réconcilier.
Pour M. Asaba, les concessions de M. Yoon envers le Japon sont en partie motivées par son désir de se rapprocher de Washington, avec qui il veut une alliance « de nature plus globale, complète et stratégique » dans les domaines économique, sécuritaire ou technologique.
Tokyo lève ses restrictions à l’export de matériaux pour semi-conducteurs vers la Corée du Sud
Le Japon a annoncé vouloir lever ses restrictions à l’export de produits chimiques nécessaires à la fabrication de semi-conducteurs vers la Corée du Sud, dont le président est actuellement en visite à Tokyo pour resserrer les liens entre les deux pays.
Cette décision annule les sanctions japonaises prises à l’été 2019 sur fond de querelles diplomatiques entre les deux pays voisins. La Corée du Sud a annoncé de son côté le retrait de sa plainte sur ce dossier auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qu’elle avait déjà suspendue début mars.