
Comment la Chine veut imposer plus de temps libre pour booster la consommation intérieure
Le gouvernement chinois veut éviter une concurrence autodestructrice, mais espère aussi que plus de temps libre entraînera plus de consommation.
Dans une grande partie du monde occidental, le week-end de deux jours est une chose sacrée. Mais en Chine, ce droit aux deux jours de repos par semaine n’a rien d’évident. Les heures supplémentaires sont parfois obligatoires pour les employés de bureau, en particulier dans le secteur technologique en pleine effervescence. En 2019, Jack Ma, fondateur du géant du Web Alibaba, défendait la «culture du travail 996 » –dès tôt le matin à tard le soir, six jours sur sept– comme «une immense bénédiction».
Mais ces derniers mois, un nouveau phénomène est apparu: de grandes entreprises à travers toute la Chine ont commencé à inciter leurs employés à quitter le bureau plus tôt. Le géant de l’électroménager Midea, par exemple, a lancé une campagne contre les heures supplémentaires inutiles et envoyé ses salariés chez eux chaque jour à 18h20.
Courir pour rester sur place
Cette nouvelle politique s’inscrit dans deux des priorités actuelles de l’Etat chinois. La première est de tenter de contenir un phénomène connu sous le nom de neijuan –souvent traduit par «involution». Les gens utilisent ce terme pour décrire une situation dans laquelle un effort supplémentaire ne produit plus de résultats, comme courir pour rester sur place. Le gouvernement veut éviter cette concurrence intense et autodestructrice.
La deuxième priorité est de donner aux citoyens plus de temps libre afin de favoriser le changement indispensable dans l’économie, en passant de l’exportation et des infrastructures à la consommation. En mars, le gouvernement a présenté un nouveau «plan d’action spécial» pour stimuler la demande intérieure, promettant de s’attaquer aux «problèmes majeurs tels que la culture dominante des heures supplémentaires» et de «protéger les droits et intérêts en matière de repos et de vacances».
Bêtes de somme
Beaucoup de gens sont favorables à ces mesures. Des décès attribués à un surmenage présumé dans des entreprises comme Pinduoduo et ByteDance ont suscité l’indignation. Les techniciens se qualifient eux-mêmes de niuma, ou bêtes de somme. Bien que la Cour suprême du pays ait déclaré illégal, en 2021, le rythme de travail 996, l’application de ce jugement reste laxiste. Certaines entreprises utilisent encore un système dit de «grande semaine, petite semaine », dans lequel les employés alternent entre des semaines de cinq et de six jours de travail.
La vie des salariés dans l’économie des services est encore plus rude: ils ne bénéficient que de quelques jours de congé par mois, lorsqu’ils en ont. Lors d’une pause cigarette, un cuisinier dans un restaurant de nouilles du quartier commerçant de Sanlitun expliquait que le patron offre la possibilité de prendre des jours de repos en contrepartie d’un salaire réduit, mais que la plupart de ses collègues préfèrent ne pas se reposer. Il ne sera pas facile de convaincre les Chinois d’arrêter de travailler dur.
The Economist
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