Afghanistan: les talibans interdisent aux filles d’accéder à l’université
Les autorités talibanes ont annoncé que les universités afghanes étaient désormais interdites aux filles, déjà privées d’enseignement secondaire en Afghanistan depuis l’accession au pouvoir des fondamentalistes islamistes, restreignant encore un peu plus leurs libertés, malgré les condamnations internationales.
« Vous êtes tous informés de l’entrée en vigueur de l’ordre mentionné qui suspend l’éducation des femmes jusqu’à nouvel ordre », a indiqué le ministre de l’Enseignement supérieur, Neda Mohammad Nadeem, dans une lettre adressée à toutes les universités gouvernementales et privées du pays. Pour le moment, les talibans n’ont fourni aucune explication pour justifier cette décision.
Le porte-parole du ministère, Ziaullah Hashimi, qui a tweeté la lettre, a également confirmé l’ordre de fermeture des facultés aux filles pour une durée indéterminée, auprès de l’AFP. Les universités sont fermées en raison des vacances d’hiver et devraient rouvrir leurs portes en mars.
« Non seulement moi, mais tous mes amis sont sans voix. Nous n’avons pas de mots pour exprimer nos sentiments. Tout le monde pense à l’avenir inconnu qui l’attend », a réagi Madina, une étudiante sous couvert d’anonymat. « L’espoir nous a été enlevé. Ils ont enterré nos rêves », a commenté désespérée l’étudiante auprès de l’AFP.
Après la prise de contrôle du pays par les talibans en août 2021, les universités ont été contraintes de mettre en œuvre de nouvelles règles, notamment pour séparer filles et garçons pendant les heures de classe. La gent féminine était autorisée à recevoir des cours, mais seulement s’ils étaient enseignés par des femmes ou des hommes âgés.
« Condamnées chaque jour »
Cette nouvelle interdiction intervient moins de trois mois après que des milliers de filles et de femmes ont passé les examens d’entrée à l’université dans tout le pays. Nombre d’entre elles aspiraient à choisir entre des carrières d’ingénieur ou de médecin, bien que privées d’accès aux écoles secondaires.
A leur retour au pouvoir après 20 ans de guerre avec les Américains et les forces de l’Otan, les talibans avaient promis de se montrer plus souples, mais ils sont largement revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001).
Entre les deux règnes des talibans, les filles ont été autorisées à aller à l’école et les femmes ont pu chercher un emploi dans tous les secteurs, même si le pays est resté socialement conservateur.
Mais depuis seize mois, les mesures liberticides se sont multipliées en particulier à l’encontre des femmes qui ont été progressivement écartées de la vie publique et exclues des collèges et lycées. « Nous sommes condamnées, chaque jour. Alors que nous espérions progresser, on nous met à l’écart de la société », a déploré mardi Reha, une autre étudiante.
Dans une volte-face inattendue, le 23 mars, les talibans avaient refermé les écoles secondaires quelques heures à peine après leur réouverture annoncée de longue date. Le chef suprême des talibans, Haibatullah Akhundzada, est lui-même intervenu dans cette décision, selon un haut responsable taliban.
Divers membres du pouvoir avaient déclaré qu’il n’y avait pas assez d’enseignants ou d’argent mais aussi que les écoles rouvriraient une fois qu’un programme d’enseignement islamique aurait été élaboré.
En dépit de leur exclusion des collèges et lycées, à Kaboul, de nombreuses jeunes femmes s’étaient déplacées début décembre pour passer leur examen de fin d’études secondaires, nécessaire pour pouvoir prétendre rentrer à l’université, avaient constaté des journalistes de l’AFP.
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Décision « barbare » des talibans
En plus d’être privées d’étudier, les femmes sont également bannies de la plupart des emplois publics ou payées une misère pour rester à la maison. Elles n’ont pas le droit non plus de voyager sans être accompagnées d’un parent masculin et doivent se couvrir d’une burqa ou d’un hijab lorsqu’elles sortent de chez elles. En novembre, les talibans leur ont également interdit d’entrer dans les parcs, jardins, salles de sport et bains publics.
Les manifestations de femmes contre ces mesures, qui rassemblent rarement plus d’une quarantaine de personnes, sont devenues risquées. De nombreuses manifestantes ont été arrêtées et les journalistes sont de plus en plus empêchés de couvrir ces rassemblements. « Les nouvelles restrictions étendues à l’éducation des femmes en Afghanistan sont tragiques », a dénoncé l’ex-ministre des Finances sous l’ancien gouvernement, Omar Zakhilwal. « Cette interdiction n’a aucun fondement religieux, culturel ou logistique. Il s’agit non seulement d’une grave violation des droits des femmes à l’éducation, mais aussi d’une profonde anomalie pour notre pays ! », a-t-il ajouté dans son tweet.
La communauté internationale a lié la reconnaissance du régime taliban et l’aide humanitaire ainsi que financière, dont l’Afghanistan a absolument besoin, au respect par les talibans des droits humains, en particulier ceux des femmes à être éduquées et à travailler.
Les Etats-Unis ont condamné mardi dans les « termes les plus fermes » une décision « barbare » qui aura des « conséquences significatives pour les talibans et les éloignera davantage encore de la communauté internationale et de la légitimité qu’ils désirent », a prévenu le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « profondément alarmé » par cette décision et a exhorté les talibans à « assurer l’égalité d’accès à l’éducation à tous les niveaux ». « Le refus de l’éducation non seulement viole l’égalité des droits pour les femmes et les filles, mais aura un impact dévastateur sur l’avenir du pays », assure son porte-parole Stéphane Dujarric dans un communiqué.
De son côté, le Pakistan s’est dit « déçu » par la décision de son voisin. Son ministre des Affaires étrangères, Bilawal Bhutto Zardari, a cependant estimé que la meilleure approche « malgré de nombreux revers en matière d’éducation des femmes et d’autres choses, passe par Kaboul et par le gouvernement provisoire ».