Gérald Papy

Après l’épisode Prigojine, Vladimir Poutine est renforcé mais plus exposé

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les défenseurs de la souveraineté et de la démocratie ukrainiennes aimeraient que les règlements de comptes intrarusses, depuis la rébellion avortée d’Evgueni Prigojine, en juin dernier, jusqu’à sa disparition dans des conditions suspectes en cette fin août, aient des répercussions néfastes sur le comportement de l’armée russe à l’est et au sud de l’Ukraine. Ils rêveraient que l’avancée enregistrée depuis quelques jours par les troupes ukrainiennes en direction des villes de Tokmak et de Melitopol, grâce à la reprise du village de Robotyne et à la percée de la première ligne de défense adverse, consacre enfin un succès, attendu depuis deux mois, de la contre-offensive de l’armée de Kiev. Après tout, dix kilomètres supplémentaires d’avancées militaires permettraient déjà au matériel d’artillerie occidental de menacer directement la ligne d’approvisionnement russe.

Le successeur de Poutine pourrait être encore plus hostile que lui.

Ces amoureux de la démocratie seront probablement déçus. La conquête de Robotyne, quoique honorable, n’est qu’une maigre étape dans la marche ukrainienne vers les bords de la mer d’Azov. En réalité, c’est la deuxième des trois lignes de défense russes qui est la plus difficile à franchir. Surtout, l’insurrection du groupe Wagner les 23 et 24 juin, son démantèlement progressif après cette trahison, l’élimination physique de son leader et le sentiment de grande confusion que ces événements pourraient légitimement inspirer n’ont pas affaibli la position des forces russes dans le conflit.

Le rebelle Prigojine disparu, Vladimir Poutine est débarrassé d’un détracteur devenu trop critique de sa justification de la guerre, de la conduite de celle-ci, et de l’action du ministre de la Défense Sergueï Choïgou et du chef d’état-major de l’armée Valeri Guerassimov. Tout indique que le président russe s’est lassé de son allié, qu’il a voulu s’assurer de la continuité des activités de Wagner en Afrique et de l’intégration des anciens du front ukrainien dans l’armée régulière, et qu’il a décidé de ramener à la raison les milieux militaro-nationalistes qui commençaient à mettre trop ouvertement en question son pouvoir.

Ce faisant, Vladimir Poutine est certes encore un peu plus isolé. Mais son pouvoir gagne en cohésion. Lui qui a fait peu de cas, en un an et demi de guerre, de l’exode d’une partie des forces vives de la nation et de l’entrée en dissidence de quelques oligarques, ne semble pas être affecté par ce rétrécissement, sans doute encore limité, de son assise. Pourtant, le risque demeure que la mise au pas du camp ultranationaliste accroisse le mécontentement latent d’une partie de la population et le désir de revanche des radicaux qui auront échappé à la répression. La capacité de Poutine à y résister dépendra aussi de l’évolution de la guerre. Les Occidentaux, qui, par leur soutien crucial aux Ukrainiens, ont aussi entre leurs mains l’avenir du président russe, ont appris une chose de la séquence Prigojine: le successeur de Poutine pourrait être encore plus hostile et redoutable que lui.

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