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Ukraine: «L’Europe doit faire le gros du travail» pour gagner la paix, mais pas sans les Etats-Unis
Les alliés de Kiev, parmi lesquels Emmanuel Macron, Justin Trudeau, Olaf Scholz ou encore Giorgia Meloni, se sont réunis, ce dimanche, à Londres, pour un sommet exceptionnel portant sur la sécurité de l’Ukraine et de l’Europe. A l’issue de la rencontre, plusieurs dirigeants ont répété leur soutien à Volodymyr Zelensky et l’importance pour l’Europe d’investir dans sa défense.
Les alliés européens de Kiev ont resserré les rangs, dimanche, à Londres pour soutenir l’Ukraine, en s’engageant à faire plus pour la sécurité en Europe, et davantage s’armer, tout en insistant sur la nécessité de conserver un fort soutien des Etats-Unis. « L’Europe doit faire le gros du travail, mais pour défendre la paix sur notre continent, et pour réussir, cet effort doit être fortement soutenu par les États-Unis« , a déclaré, à l’issue de la rencontre, son hôte, le Premier ministre britannique Keir Starmer.
« Davantage de pays européens vont augmenter leurs dépenses de défense », a assuré à des journalistes le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, saluant une « très bonne nouvelle ». « Nous devons urgemment réarmer l’Europe », a lancé pour sa part la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Elle présentera pour cela « un plan global sur la manière de réarmer l’Europe » lors du sommet spécial de l’Union européenne (UE) sur la défense prévu, le jeudi 6 mars, à Bruxelles, en prônant d’augmenter les dépenses de défense « sur une période de temps prolongée ».
Les 18 dirigeants de pays alliés de Kiev, réunis autour du président ukrainien Volodymyr Zelensky, ont évoqué le besoin de « garanties de sécurité globales » pour l’Ukraine dans l’avenir, qui vont de « la survie économique à la résilience militaire« , selon Mme von der Leyen.
L’Europe ressert les rangs
La réunion était l’occasion pour eux de resserrer les rangs et d’apporter leur soutien à M. Zelensky, 48 heures à peine après sa vive altercation avec son homologue américain Donald Trump à la Maison Blanche. Ce dernier lui avait reproché de « s’être mis en très mauvaise posture » et lui avait ordonné de faire la paix avec la Russie, faute de quoi les Etats-Unis le laisseraient « tomber ».
Assis aux côtés du président ukrainien, chaleureusement salué à son arrivée par plusieurs dirigeants présents, M. Starmer l’a assuré du soutien, « aussi longtemps qu’il le faudra », de tous les dirigeants assis « autour de cette table ». Etaient notamment présents le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz, les chefs de gouvernement italien Giorgia Meloni, polonais Donald Tusk ou canadien Justin Trudeau.
L’Ukraine est « victime des agressions russes, et cette vérité demeure inébranlable pour tous », a martelé M. Scholz, dont le pays est le premier fournisseur d’aide à Kiev depuis l’invasion russe, derrière les Etats-Unis, avec un total de 44 milliards d’euros. Disant avoir « parlé plusieurs fois avec le président Trump », Mark Rutte a, lui, assuré que « les Etats-Unis font partie de l’Otan, ils sont engagés dans l’Otan ».
Et face au président russe Vladimir Poutine, il s’agit d’envoyer le message « que l’Occident n’a pas l’intention de capituler devant son chantage et son agression« , a déclaré M. Tusk, soulignant que « tout doit être fait pour garantir que l’Europe et les Etats-Unis parlent d’une seule voix ».
Washington fait encore monter la pression
Dimanche, Washington a encore fait monter la pression sur le président ukrainien, laissant planer l’idée qu’il pourrait devoir partir. « Nous avons besoin d’un dirigeant qui peut traiter avec nous, traiter avec les Russes à un moment et mettre fin à cette guerre », a déclaré, sur la chaine CNN, le conseiller à la sécurité nationale du président Trump, Mike Waltz. « S’il devient évident que le président Zelensky, soit pour des motivations personnelles soit politiques, diverge de la volonté de mettre fin aux combats dans son pays, alors je crois qu’on a un vrai problème », a-t-il ajouté.
Moscou, qui se réjouit du changement radical de politique des Etats-Unis, et Washington ont lancé, sans inviter l’Ukraine ni les Européens, des négociations pour mettre fin à la guerre, dont le président américain refuse de considérer Moscou comme responsable.
Ukraine et Europe suivent avec une profonde inquiétude le revirement spectaculaire opéré par Donald Trump et son rapprochement avec son homologue russe Vladimir Poutine. Ils craignent que les Etats-Unis ne fassent pression pour sceller un accord de paix défavorable à l’Ukraine. Dans ce contexte, Keir Starmer, qui a signé, samedi, un accord de prêt de 2,26 milliards de livres (près de 2,74 milliards d’euros) pour soutenir les capacités de défense de l’Ukraine, a annoncé, sur la BBC, travailler avec la France sur « un plan pour faire cesser les combats » entre l’Ukraine et la Russie, qui sera présenté aux Etats-Unis.
Allant dans le même sens, Giorgia Meloni, une des rares dirigeantes européennes à avoir assisté à l’investiture de Donald Trump, a affirmé qu’il était « très important d’éviter » que l’Occident ne « se divise » et assuré qu’Italie et Royaume-Uni pouvaient « construire des ponts » avec Washington.
Une coalition des «bonnes volontés»
A l’issue de la réunion, Keir Starmer a promis de mettre en place « une coalition des bonnes volontés » pour défendre un futur accord de paix en Ukraine. « Un certain nombre de pays » ont indiqué vouloir faire partie de ce projet, a-t-il assuré, sans citer de nom. S’agirait-il de déployer des troupes en Ukraine, comme MM. Starmer et Macron l’ont évoqué? Mme Meloni semble en tout cas d’ores et déjà exclure de rejoindre cette « coalition », évoquant une « solution qui risque d’être très complexe« .
Côté défense, M. Starmer a par ailleurs annoncé un nouvel accord qui permettra à Kiev d’acheter 5.000 missiles de défense aérienne fabriqués à Belfast, en Irlande du Nord, pour un montant de 1,6 milliard de livres sterling (1,94 milliard d’euros).
Dans un entretien avec plusieurs journaux français, Emmanuel Macron s’est dit pour sa part prêt à « ouvrir la discussion » sur une éventuelle future dissuasion nucléaire européenne, après une demande en ce sens du futur chancelier allemand Friedrich Merz. Favorable à « un financement massif et commun » représentant « des centaines de milliards d’euros » pour bâtir une défense commune, il estime que « c’est le moment d’un réveil stratégique, parce que dans tous les pays il y a un trouble, une incertitude, sur le soutien américain dans la durée ».