Nicolas Maduro
Nicolas Maduro a fait preuve d’une résilience que peu d’observateurs soupçonnaient. © belga image

Venezuela : comment Nicolas Maduro est redevenu fréquentable

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’opposition vénézuélienne renonce à la stratégie de la «présidence intérimaire» personnifiée par Juan Guaido. Le contexte énergétique international et le virage à gauche de l’Amérique latine servent le président en exercice.

Exit la «présidence intérimaire». Le 30 décembre, une majorité de députés de l’Assemblée nationale du Venezuela, constituée après les élections législatives de 2015, ont acté la fin de la «présidence intérimaire» de Juan Guaido qui avait pour ambition, depuis 2019, de renverser le président Nicolas Maduro, coupable, selon eux, de dérive autocratique et de gestion calamiteuse du pays. La stratégie a échoué. Et le président élu en 2013 et réélu en 2018 s’en trouve immanquablement renforcé. Chercheur associé au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris et spécialiste du Venezuela, Thomas Posado analyse les ressorts et les conséquences de ce revirement de l’opposition vénézuélienne.

Les effets des sanctions ont aggravé la crise économique du Venezuela sans fragiliser Nicolas Maduro.

Comment expliquer l’échec de la stratégie de l’opposition au président Nicolas Maduro?

Quand, en 2019, Juan Guaido s’autoproclame président de la République par intérim, il bénéficie du soutien d’une partie de la population sur la base d’un réflexe «Tout sauf Maduro» qui n’est pas nécessairement la marque d’une adhésion à ses projets. La crise économique, sociale, politique est tellement grave au Venezuela que toute alternative est vue d’un bon œil. Il peut aussi compter sur un soutien à l’international. Donald Trump le reconnaît immédiatement, ce qui incite une soixantaine de pays à adopter la même politique. En revanche, Juan Guaido échoue à rallier l’armée à sa cause. Il l’exhorte à faire preuve d’insubordination vis-à-vis de Nicolas Maduro et à le rejoindre, préférant tabler sur ce soutien plutôt que sur la mobilisation populaire pour des raisons sociologiques: la coalition de l’opposition au Venezuela est davantage tournée vers les classes possédantes que vers les classes populaires. Mais cette armée va être généreusement récompensée par Nicolas Maduro, au moins au niveau de ses hautes sphères. Donc, avoir misé beaucoup sur l’armée n’a pas servi Juan Guaido. Et avoir misé beaucoup sur la communauté internationale non plus, parce que la solution du président par intérim apparaissait de la sorte étrangère au devenir du Venezuela. Ainsi, l’appel à des sanctions contre le pouvoir a été suivi d’effets. Mais ceux-ci ont aggravé la crise économique du pays sans fragiliser Nicolas Maduro. Au contraire, la population fut encore plus dépendante des programmes d’aides sociale et alimentaire du gouvernement.

Quel objectif l’opposition poursuit-elle en signant un accord le 26 novembre avec le pouvoir sur des mesures pour l’éducation, la santé, les infrastructures électriques?

Cet accord s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de l’opposition vénézuélienne qui autorise davantage de dialogue en vue d’aboutir à la tenue d’élections transparentes, reconnues par tous, en 2024. Actant l’échec d’un changement rapide de régime, elle s’oriente davantage vers une solution négociée.

L’opposition peut-elle espérer présenter un front uni en cas de garantie d’élections présidentielles régulières en 2024?

C’est en tout cas son objectif. Il est difficile d’imaginer qu’elle puisse l’emporter si elle ne réalise pas cette union. Elle a le projet d’organiser des primaires avant le scrutin pour désigner un candidat unique. Il est même possible qu’elle arrive à capitaliser sur le mécontentement qui règne dans le pays. Mais pour l’instant, cette opposition ne bénéficie pas d’un soutien massif dans l’opinion. Pas plus Nicolas Maduro. La population nourrit une forme de défiance à l’égard du champ politique.

Le contexte énergétique international favorise-t-il un rapprochement des pays occidentaux avec Nicolas Maduro?

C’est un des événements géopolitiques qui favorise une réinclusion de Nicolas Maduro dans la communauté internationale. La volonté de diminuer la dépendance du Venezuela vis-à-vis de la Russie, de trouver, pour les Etats-Unis, une nouvelle source d’approvisionnement en pétrole, de peser à la baisse sur le prix du baril, favorisent un allègement des sanctions. Mais cet allègement est encore relativement timide. Cette prudence s’expliquait notamment par la tenue des élections de mi-mandat en novembre 2022 aux Etats-Unis. La question vénézuélienne est très polarisante dans la société étasunienne, en particulier en Floride, qui est un swing state. Etant donné que la Floride reste acquise aux Républicains et que les résultats des élections n’ont pas été aussi mauvais pour les Démocrates à l’échelle nationale, il est possible que la situation évolue et que Joe Biden allège encore les sanctions pour favoriser notamment l’implantation de Chevron. Cependant, les Etats-Unis maintiennent la pression des sanctions dans le cadre des négociations sur l’organisation des élections de 2024. On assiste à une double négociation, entre le gouvernement Maduro et l’opposition, et entre le Venezuela et les Etats-Unis sur l’allègement ou pas des sanctions. Nicolas Maduro a, par exemple, prévenu qu’il n’organiserait pas les élections dans les conditions voulues par les opposants ou par les Etats-Unis si les sanctions étaient maintenues comme telles.

Nicolas Maduro pourrait-il profiter du contexte qui lui est favorable pour se maintenir au pouvoir?

Nicolas Maduro a fait preuve d’une forme de résilience que peu d’analystes soupçonnaient. La guerre en Ukraine et le virage à gauche de l’Amérique latine sont deux très bonnes nouvelles pour lui dans la perspective de son maintien au pouvoir. L’accession à la présidence de Gustavo Petro en Colombie et de Lula au Brésil, deux pays frontaliers avec lesquels les relations étaient notoirement tendues, est un vrai changement sur lequel se greffe une évolution de l’atmosphère au niveau continental. Par exemple, les gouvernements de droite et d’extrême droite d’Amérique latine s’étaient rassemblés dans le «groupe de Lima» pour adopter des positions communes contre Caracas et isoler Nicolas Maduro. Ce groupe n’existe plus parce que la plupart de ses membres ont été battus lors des dernières élections dans leur pays. Au contraire, on parle désormais d’une possible réinclusion du Venezuela au sein du Mercosur (Marché commun du sud) ou de la Communauté andine des nations.

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