Un procureur expert en crimes de guerre nommé pour enquêter sur Donald Trump
Donald Trump a tempêté vendredi soir contre la nomination, plus tôt dans la journée par le ministre américain de la Justice, d’un procureur expert en crimes de guerre pour enquêter de façon indépendante sur l’ex-président, trois jours après sa déclaration de candidature à la présidentielle de 2024.
Lors d’une allocution télévisée, le ministre Merrick Garland a confié cette mission extrêmement « sensible » à Jack Smith, procureur basé à La Haye du Tribunal spécial pour le Kosovo. L’ancien président républicain Donald Trump, qui a immédiatement dénoncé auprès de journalistes de Fox une décision « politique » et « injuste », s’est de nouveau insurgé dans la soirée.
« Ce terrible abus de pouvoir est le dernier en date dans une longue série de chasses aux sorcières qui ont débuté il y a longtemps », a-t-il lancé lors d’un discours depuis sa résidence de Floride, assurant que le procureur spécial n’allait « pas enquêter de façon impartiale ».
C’est pourtant pour se garder de tels soupçons que Merrick Garland, prenant acte de la décision du républicain de briguer un nouveau mandat et de l’intention du président démocrate Joe Biden de faire de même, a jugé « dans l’intérêt du public » de charger ce procureur de reprendre deux enquêtes menées depuis des mois par la justice américaine.
La première porte sur les efforts du milliardaire républicain pour changer les résultats de la présidentielle de 2020, la seconde sur sa gestion des archives de la Maison Blanche.
Lire aussi | Pourquoi Trump, affaibli, a annoncé sa candidature
A Garland de trancher
Après avoir réuni tous les éléments, le procureur spécial « exercera son jugement professionnel de manière indépendante pour décider si il doit y avoir une inculpation », dans l’un ou l’autre de ces dossiers, a précisé M. Garland.
Le procureur spécial ne sera toutefois chargé que d’émettre une recommandation et il reviendra au ministre de trancher. S’il devait finalement inculper Donald Trump sur cette base, sa décision sera plus difficile à attaquer.
L’ouverture de poursuites n’empêcherait pas le magnat de l’immobilier de concourir, mais jetterait une ombre sur sa candidature.
Démentant toute instrumentalisation de l’appareil judiciaire, la porte-parole de la Maison Blanche Karine Jean-Pierre a pour sa part assuré que le président Biden n’avait pas été informé au préalable de la décision de son ministre. Dans un communiqué, le procureur Smith a promis d’agir « vite », « en toute indépendance » et « de manière approfondie ».
La première enquête qui lui a été confiée porte sur les efforts de Donald Trump pour contester sa défaite à la présidentielle de 2020, jusqu’à l’assaut mené par ses partisans contre le Capitole le 6 janvier 2021.
Cette enquête tentaculaire a déjà entraîné l’inculpation de près de 900 personnes ayant directement participé aux violences.
Mais les procureurs n’ont jamais exclu de s’intéresser à d’autres acteurs. « Chaque personne qui est pénalement responsable des efforts pour annuler l’élection devra répondre de ses actes », a déclaré à plusieurs reprises Merrick Garland.
« Rétention » et « entrave »
La seconde enquête porte sur les archives de la Maison Blanche.
En quittant la présidence, Donald Trump a emporté des boîtes entières de documents. Or, une loi de 1978 oblige tout président américain à transmettre l’ensemble de ses emails, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.
En janvier, il a rendu 15 cartons. Après examen, la police fédérale a estimé qu’il en conservait probablement d’autres dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago, en Floride.
Des agents du FBI y ont mené le 8 août une perquisition spectaculaire sur la base d’un mandat pour « rétention de documents classifiés » et « entrave à une enquête fédérale », et ont saisi une trentaine d’autres boîtes.
Dans le passé, Donald Trump a déjà fait l’objet d’une enquête supervisée par un procureur spécial: Robert Mueller avait été chargé en 2017 d’établir s’il y avait eu une collusion entre son équipe de campagne et la Russie lors de la présidentielle de 2016.
Après deux ans d’enquête, il avait jugé ne pas avoir assez de preuves d’un complot entre Moscou et l’équipe Trump, mais avait relevé une série de pressions troublantes exercées par le locataire de la Maison Blanche sur son enquête.
Le ministre de la Justice de l’époque, le républicain Bill Barr, n’avait toutefois pas jugé nécessaire de le poursuivre.
Pendant son mandat, Donald Trump a également été visé par deux procès en destitution : l’un portait sur des pressions exercées sur l’Ukraine afin qu’elle lui donne des éléments embarrassants pour Joe Biden; l’autre sur son rôle dans l’attaque du Capitole. Il a été acquitté dans les deux dossiers grâce à la majorité républicaine au Sénat.