Gérald Papy

Présidentielle américaine: la raison et la joie contre les passions tristes

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Sera-ce suffisant pour emmener derrière Kamala Harris l’Amérique d’aujourd’hui? Une femme présidente? Le rêve américain ne serait pas mort.

Au lendemain de la tentative d’assassinat du 13 juillet dernier contre Donald Trump lors d’un meeting à Butler, en Pennsylvanie, Joe Biden prononça une allocution et eut ces mots. «Je continuerai de défendre fermement notre démocratie, de défendre notre Constitution, l’Etat de droit, l’appel à s’exprimer dans les urnes, pas par la violence dans nos rues. C’est ainsi que la démocratie doit fonctionner. Nous débattons et nous sommes en désaccord. […] En Amérique, nous résolvons nos différents par les urnes. C’est comme ça que nous agissons, dans les urnes, pas avec des balles. Le pouvoir de changer l’Amérique devrait toujours reposer entre les mains du peuple, et non entre les mains d’un assassin potentiel. […] Dès le départ, nos Fondateurs avaient compris le pouvoir de la passion. C’est pour cela qu’ils ont créé la démocratie qui donne à la raison et à l’équilibre une chance de prévaloir sur la force brute. C’est l’Amérique que nous devons être, une démocratie américaine où les arguments sont avancés de bonne foi, une démocratie américaine où l’Etat de droit est respecté, une démocratie américaine où la décence, la dignité et le fair-play ne sont pas des notions désuètes, mais où elles sont des réalités vivantes.» Un message consensuel, américain.

Le président, en mettant en garde les éventuels imitateurs de l’agresseur de Butler, fustigeait aussi le comportement de son rival qui n’a cessé, depuis le début de la campagne pour la présidentielle du 5 novembre, de proférer des mensonges, d’attiser les peurs, de nourrir l’idée du recours à la violence. Comme il le fit le 6 janvier 2021 pour tenter d’empêcher l’intronisation du vainqueur du précédent scrutin en chauffant ses troupes pour qu’elles prennent d’assaut le Capitole. Prétendre que des réfugiés haïtiens dans la ville de Springfield dévorent des chiens et des chats, ce n’est pas avancer un argument de bonne foi. Dire du travail d’Alvin Bragg, procureur du comté de New York en charge du dossier de l’achat du silence de l’actrice porno Stormy Daniels, que «ce n’est pas la justice, c’est la Gestapo, c’est la Russie et la Chine mais en pire», ce n’est pas respecter l’Etat de droit. Traiter sa rivale Kamala Harris de «folle», ce n’est pas montrer que la dignité et le fair-play sont des réalités vivantes en Amérique.

Il n’empêche, le candidat républicain, qui aurait sans doute été condamné par la justice et entravé dans ses ambitions politiques s’il n’avait pas modelé à sa main la Cour suprême lors de son mandat présidentiel, est, et peut-être de plus en plus, un prétendant sérieux dans la course à la Maison-Blanche. Cette perspective est en soi effrayante dans ce qu’elle dit des Etats-Unis d’aujourd’hui.

A l’instrumentalisation du ressentiment des Américains par Donald Trump, Kamala Harris a opposé une vision optimiste et rassembleuse de l’avenir des Etats-Unis. A ses contrevérités et à ses injures, elle a dû, en fin de campagne, répondre par des attaques plus ciblées, plus cinglantes. Mais dans le respect de la confrontation démocratique. La raison contre les passions tristes, sera-ce suffisant pour emmener derrière elle l’Amérique d’aujourd’hui? Une femme présidente? Le rêve américain ne serait pas mort.

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