Le clan Biden en danger? « Les Républicains essaient d’allumer des contrefeux pour faire oublier les poursuites contre Trump »
Le fils du président américain Joe Biden, Hunter, est dans le viseur des Républicains. Aux yeux des Trumpistes, son inculpation pour détention illégale d’armes à feu et ses potentielles malversations à l’étranger sont devenues des prétextes pour miner la crédibilité de son père. Décryptage avec Serge Jaumain (ULB), historien et spécialiste des Etats-Unis.
Dans la famille Biden, les déboires s’accumulent. Pour le père, d’abord, visé par une enquête en destitution depuis mardi. Pour le fils, ensuite, inculpé jeudi au niveau fédéral pour détention illégale d’arme à feu. Deux procédures distinctes, mais qui ont en commun le comportement controversé d’Hunter Biden, véritable brèche dans laquelle l’aile trumpiste du parti républicain entend bien s’engouffrer.
Car si Joe Biden est la cible d’une procédure d’impeachment, ce n’est autre que pour de potentiels mensonges liés aux transactions commerciales de son fils à l’étranger. Les Républicains accusent le locataire de la Maison Blanche d’avoir « menti au peuple américain » et, de ce fait, d’alimenter une « culture de la corruption » aux Etats-Unis.
Le clan Biden peut-il ressortir fragilisé de ces deux affaires ? Pour Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), il convient de bien distinguer les deux dossiers. « D’un côté, Hunter Biden, comme tout justiciable, va devoir répondre de ses actes devant la justice. Les accusations ne sont pas d’une gravité extrême, mais comme c’est le fils du président, les procédures judiciaires vont inévitablement prendre une tournure politique », débute le spécialiste des Etats-Unis. « Par contre, l’enquête en destitution qui vise Joe Biden est une procédure exclusivement politique et n’a rien à voir avec la justice. Cette procédure d’impeachment n’a toutefois aucune chance d’aboutir, car les Républicains n’ont pas la majorité au Sénat (la seule chambre compétente pour éventuellement juger Biden, Ndlr). »
Les élections en ligne de mire
Si le Grand Old Party s’est vainement lancé dans cette bataille, c’est simplement parce que la brise électorale souffle de plus en plus fort, outre-Atlantique. Alors que les présidentielles américaines sont prévues en novembre 2024, les Républicains – comme les Démocrates – sont entrés en campagne. Et tous les coups sont permis. « Il est très clair que cette procédure d’impeachment s’apparente simplement à une manœuvre politique, confirme Serge Jaumain. Les Républicains essaient d’allumer toute une série de contrefeux pour faire oublier les poursuites dont Donald Trump fait l’objet (inculpé quatre fois en six mois, NdlR). L’idée est d’instiller un certain doute chez les électeurs. Mais dans le fond, tous les analystes ne peuvent que constater que le dossier monté à l’encontre de Biden est quasiment vide de preuves. »
Pour l’historien de l’ULB, s’il est éventuellement possible de prouver qu’Hunter Biden a bel et bien profité de la notoriété de son père pour faire des affaires, aucun élément n’accable directement le président. « C’est une stratégie classique : si les détracteurs d’une personnalité politique ne trouvent rien de probant à son encontre, ils s’attaquent à son clan; or Joe Biden n’est pas directement responsable du comportement de ses enfants. Et il ne faut pas oublier que, dans les procédures qui visent Donald Trump, c’est l’ex-président lui-même qui est au cœur des investigations, et non pas sa famille. Cela fait une grosse différence. »
S’attaquer au clan Biden, une stratégie qui divise
Au sein du camp républicain, cette stratégie politique divise. L’aile davantage modérée du parti s’est d’ailleurs montrée plus frileuse à l’idée de lancer la procédure d’impeachment. Selon Serge Jaumain, le chef républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, aurait d’ailleurs été poussé dans le dos par les Trumpistes pour ouvrir formellement l’enquête en destitution. « Les Républicains prennent un vrai risque, analyse le professeur de l’ULB. S’ils ne parviennent pas à monter un dossier sérieux et suffisamment argumenté contre Biden, la procédure n’aura pas l’air crédible aux yeux de l’opinion publique. Cela pourrait même profiter aux Démocrates. »
In fine, cette prolifération d’affaires externes laisse peu de place aux débats d’idées, déplore Serge Jaumain. « Les aspects judiciaires et les procédures d’impeachment prennent le pas sur la véritable dimension politique. Cette évolution est très inquiétante, mais elle est malheureusement le fruit de la polarisation développée ces dernières années par Donald Trump », conclut l’historien.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici