«La donne s’est complètement inversée»: de «Sleepy Joe» à «Laughing Kamala», comment Trump va devoir adapter sa stratégie (analyse)
Donald Trump, qui avait fait de la sénilité de Joe Biden un argument imparable de campagne, risque finalement d’affronter une candidate de vingt ans sa cadette. La stratégie électorale des Républicains est à recalibrer.
Branle-bas de combat chez les Républicains. Si le retrait de Joe Biden de la course à la présidentielle américaine secoue évidemment le camp démocrate, les répliques de ce tremblement de terre se font également ressentir au sein du Grand Old Party.
Derrière l’invulnérabilité affichée par Donald Trump, les ténors du parti s’activent en coulisses pour échafauder une toute nouvelle stratégie de campagne, conscients du défi de taille que représente un potentiel duel contre Kamala Harris. Les premiers sondages publiés outre-Atlantique lundi ne donnent en effet qu’une courte avance (48% contre 47%) au milliardaire américain face à l’actuelle vice-présidente, dont la candidature doit encore être confirmée lors de la convention nationale des Démocrates, mi-août.
Loin de jouir d’une ultra-popularité parmi les siens, Kamala Harris s’est pourtant récemment imposée comme la seule alternative crédible à un Joe Biden vieillissant, voire quasi-gâteux. «Elle n’avait jamais représenté un véritable danger auparavant, contextualise Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’ULB et spécialiste des Etats-Unis. Mais depuis le débat raté de Biden, le 27 juin, elle a indirectement gagné en notoriété. Si elle est confirmée comme candidate, la machine démocrate et la publicité électorale forgeront encore davantage sa renommée.»
De «Sleepy Joe» à «Laughing Kamala»
Les Républicains, qui se délectaient des bourdes à répétition de l’actuel locataire de la Maison Blanche et de son état de santé défaillant, vont devoir revoir leur méthode. «Soudain, la donne s’est complètement inversée, note Serge Jaumain. Alors qu’il se moquait de l’âge de son adversaire, c’est bien Donald Trump qui, à 78 ans, pourrait devenir le plus vieux président des Etats-Unis. Avec, face à lui, une candidate de près de 20 ans sa cadette (59 ans). Une femme, qui plus est. La situation est totalement différente et exige un recalibrage de stratégie.»
«La situation est totalement différente et exige un recalibrage de stratégie.»
Exit, donc, les attaques contre «Sleepy Joe» (NDLR: «Joe le Dormeur»). Place aux arguments de fond? Pas sûr. Ces derniers jours, sentant le vent tourner, Donald Trump a multiplié les attaques ad hominem grossières à l’égard de celle qu’il surnomme «Laughing Kamala», la taxant de «folle» et de «cinglée». Dimanche, son équipe de campagne l’a en outre jugée «ridicule», assurant qu’elle serait «encore pire» pour le pays que Joe Biden. J.D Vance, colistier de Trump, l’a également tenue pour responsable de tous les échecs du président démocrate. «Pour le moment, les Républicains n’ont pas changé leur fusil d’épaule et ont décidé de poursuivre les critiques cinglantes, en mettant Kamala Harris et Joe Biden dans le même sac, observe le professeur de l’ULB. Mais ils vont devoir rapidement trouver un angle d’attaque différent, taillé sur mesure contre la nouvelle rivale de Trump.»
L’avortement, terrain glissant
Les Trumpistes pourraient trouver de l’inspiration du côté de la frontière mexicaine, plombée par une crise migratoire depuis plusieurs mois. Un chaos déjà dénoncé à maintes reprises par les Républicains, et dont la gestion avait été confiée à Kamala Harris. «En lui refilant la patate chaude, Joe Biden n’a pas aidé sa vice-présidente, analyse Serge Jaumain. C’est un dossier empoisonné, que personne n’a encore réussi à résoudre. Elle n’a objectivement pas fait mieux que ses prédécesseurs.» Ils pourraient également miser sur l’inflation, qui flirte désormais avec les 3% aux Etats-Unis, véritable point noir du bilan de la présidence démocrate.
Les Républicains devront par contre redoubler de prudence sur la thématique du droit à l’avortement, véritable cheval de bataille de Kamala Harris. «Cela devient un terrain glissant pour Trump, d’autant plus face à une candidate, qui dispose logiquement d’un avantage sur la question, explique le professeur. Deux (vieux) hommes qui débattent sur l’IVG, ça n’a pas les mêmes conséquences qu’un homme et une femme.»
Donald Trump, condamné pénalement en mai 2024, devra également éviter la thématique judiciaire pour assurer sa survie face à la candidate démocrate. Diplômée en droit, Kamala Harris a été procureure générale de Californie durant six ans, rappelle Serge Jaumain. Un avantage incontestable face à un repris de justice.
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