Gérald Papy

Trump, le retour en maître absolu: les raisons profondes du résultat de l’élection présidentielle américaine résident dans l’outrance

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La victoire nette du candidat républicain consacre une stratégie fondée sur l’antiféminisme et le racisme. Il revient à la Maison-Blanche avec des pouvoirs encore plus étendus. Danger.

Un nouvel échec. Après Hillary Clinton en 2016, qui avait pourtant remporté le vote populaire avec quelque trois millions de voix d’avance, c’est Kamala Harris qui s’est heurtée, le 5 novembre, au mur républicain et masculiniste érigé par l’increvable Donald Trump. La candidate démocrate n’a pas réussi à raviver le «rêve américain» en devenant la première femme présidente des Etats-Unis.

La stratégie de la vice-présidente sortante pouvait apparaître opportune: rassembler l’Amérique au centre en tentant de séduire les électeurs républicains modérés, réconcilier les Américains alors que le souvenir du coup de force du Capitole, le 6 janvier 2021 après la défaite contre Joe Biden, était encore vivace dans les mémoires… C’est au contraire la tactique de Donald Trump, attaché à bâtir une victoire autour de sa base électorale dure, qui a payé au-delà de toutes ses espérances. Non seulement le candidat républicain a consolidé son emprise sur ses bastions du centre du pays, mais il a aussi dominé la bataille des Etats-pivots, du Nevada à la Géorgie jusqu’à certains Etats de la Rust Belt, au nord-est des Etats-Unis. Sa victoire est sans appel, impressionnante.

Républicains unis

On pourra trouver des excuses ou des défauts à Kamala Harris, à sa campagne et à celle des démocrates: une entrée en lice tardive, la difficulté d’assumer et de se distancier du bilan de la présidence sortante, le «fardeau» de Joe Biden renouant avec sa propension à gaffer sur les soutiens de Trump qualifiés d’«ordures», un déficit de charisme… Malgré tout, personne n’aurait sans doute fait mieux qu’elle dans les circonstances du renoncement arraché dans la dernière ligne droite à Biden.

Les raisons profondes du résultat de l’élection présidentielle américaine résident dans l’outrance qui a caractérisé la campagne de Donald Trump. Contre les migrants, contre les droits des femmes, contre les élites de la côte est. Le racisme, le sexisme, les fake news, les affabulations scabreuses, les approximations idéologiques n’ont pas découragé les républicains les plus raisonnables de se ranger derrière le milliardaire. Ce suivisme, sans doute favorisé par la figure trop «disruptive» à leurs yeux de la candidate démocrate, a probablement été une des clés du scrutin. Une analyse plus profonde des votes devra aussi déterminer le poids du vote spécifiquement masculiniste dans le succès de Trump. «Les différents milieux masculinistes font intégralement partie des acteurs non étatiques contribuant à la montée des autoritarismes», constate la chercheuse Stephanie Lamy dans son essai La Terreur masculiniste (éd. du Détour, 2024).

Son racisme, son sexisme… n’ont pas découragé les républicains les plus raisonnables de se ranger derrière Trump.

Crainte d’autoritarisme

Le spectre d’un autoritarisme antiféministe, antimigrants, antiminorités plane sérieusement sur les Etats-Unis maintenant que Donald Trump, qui annonçait qu’il serait «un dictateur le premier jour» de sa réélection, se réinstallera à la Maison-Blanche en janvier. Il bénéficiera, qui plus est, de pouvoirs extrêmement étendus puisque à la faveur du renouvellement de l’ensemble des élus de la Chambre des représentants et d’un tiers des membres du Sénat, les républicains devaient assurer leur majorité dans la première et ont pris le contrôle du second. Avec une Cour suprême à sa botte, le président élu a un boulevard devant lui pour imposer ses vues. Qu’en fera-t-il? Les plus optimistes rappellent que les pires craintes avaient été exprimées au moment de sa première élection et qu’elles n’ont pas donné lieu à une catastrophe. Mais l’homme est animé d’une soif de revanche après l’échec de 2020 et de plus en plus d’observateurs s’interrogent sur la solidité des institutions pour contrer d’éventuelles dérives.

Finalement, la seule consolation que l’on peut trouver en Europe à la réélection de Donald Trump est que la guerre en Ukraine sera réglée en 24 heures.

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