MILWAUKEE, WISCONSIN – 15 juillet: Donald Trump et son colistier, JD Vance. © Getty Images

Trump choisit JD Vance comme colistier: pourquoi c’est un coup de maître politique (analyse)

Maxence Dozin
Maxence Dozin Journaliste. Correspondant du Vif aux Etats-Unis.

L’essentiel

• Donald Trump a choisi le sénateur de l’Ohio J.D. Vance comme colistier pour l’élection présidentielle de 2024.
• Diplômé en droit de Yale, ancien militaire, il est aussi l’auteur d’un livre à succès sur la classe ouvrière américaine.
• Le choix de Vance apporte une légitimité intellectuelle et une respectabilité au mouvement de Trump.
• Vance est un défenseur des classes populaires et soutient des politiques telles que des syndicats forts et un salaire minimum revalorisé, ce qui lui donne presque des airs centristes.
• Vance a été un critique de Trump dans le passé, mais il a depuis changé de position et est devenu un fervent partisan de l’ancien président.

En portant son choix de vice-président sur le sénateur de l’Ohio JD Vance, Donald Trump est parvenu à présenter un ticket alliant expérience, valeurs américaines et assise intellectuelle. En unifiant derrière son nom et comme jamais le parti républicain.

Victime samedi dernier d’une tentative d’assassinat ratée, Donald Trump n’a pas eu le loisir de se remettre de ses émotions davantage qu’à la faveur d’une repos dominical égayé d’une partie de golf. La politique ne s’arrêtant jamais, qui plus est à quinze semaines d’une élection générale pour laquelle un boulevard se présente devant lui, on attendait de lui qu’il révèle, au premier soir de la convention républicaine censée l’introniser officiellement comme candidat du parti conservateur à la présidentielle, le nom de la personne choisie comme candidat vice-président.

Des trois individus les plus récemment cités, c’est sur celui du sénateur de l’Ohio JD Vance sur lequel s’est porté le choix du milliardaire. Un choix judicieux à plus d’un titre, mais principalement car il apporte à Donald Trump une assise intellectuelle et de respectabilité qui manquait à son mouvement «Make America Great Again», courant dont les grandes figures médiatiques, à l’instar des députés de Géorgie Marjorie Taylor Greene ou de celui de Floride Matt Gaetz suscitent souvent la raillerie de leurs opposants démocrates et de la presse américaine de gauche.

Le risque du ridicule médiatique n’existe pas pour M. Vance. Ce politicien de 39 ans, diplômé en droit de la prestigieuse université de Yale (Connecticut), est non seulement aguerri au monde des affaires – il a travaillé dans la haute finance –, mais aussi l’auteur d’un livre ayant rencontré un large succès public aux Etats-Unis, dont le New York Times devait estimer en 2016 qu’il constituait un des six meilleurs travaux littéraires pour comprendre la victoire de Trump aux élections présidentielles de cette année-là. Hillbilly Elegy, dont il existe une version cinématographique, raconte l’enfance de l’auteur, éduqué par ses grands-parents et baladé entre la petite ville de Middletown (Ohio), dont il est originaire, et les montagnes du Kentucky voisin. Il y raconte l’envers du décor américain, peuplé de gens simples et sans éducation, qu’il défend autant qu’il fustige leur inaction – notamment quant à une abnégation devant l’effort dont il estime qu’elle s’est « perdue » aux Etats-Unis. Vance devait ensuite en 2022 se présenter une première fois devant les électeurs de l’Etat de l’Ohio pour tenter de ravir de siège sénatorial de son opposant démocrate Tim Ryan, ce qu’il fit, remportant son duel avec une confortable avance.

Choix payant à tous les niveaux

Le choix de JD Vance offre, en plus de légitimer intellectuellement son mouvement, une carte maîtresse à Trump dans la région largement disputée électoralement du Midwest, d’où le sénateur est originaire. Que cela soit dans l’Ohio (même si ce dernier paraît joué en faveur des conservateurs), dans le Michigan, mais surtout en Pennsylvanie, le profil de Vance constituera sans aucun doute un atout de taille pour le parti républicain en vue de l’élection générale.

JD Vance, le 15 juillet dernier. © Getty Images

M. Vance est en effet, en plus d’être un enfant du pays, un défenseur des classes populaires, étant notamment – une rareté au sein du parti républicain – un partisan de syndicats forts et d’un salaire minimum revalorisé. Ses inclinaisons personnelles en matière d’emploi ainsi que sur des questions de taxation lui donnent presque des airs de centriste. Par ailleurs, son passé dans l’armée américaine (il a été déployé en Irak) légitimise un statut de « héros » dont est friand le public américain. D’un point de vue politique étrangère, Vance se positionne dans la droite ligne des crédos trumpistes, en l’espèce ; une remise en question du caractère indiscutable de l’aide militaire et financière américaine à l’Ukraine – même s’il semble moins radical que Trump, et un soutien inébranlable à l’Etat d’Israël dans sa lutte contre le Hamas.

Volte-face

JD Vance n’a pas toujours été un partisan inconditionnel de Donald Trump ; loin s’en faut. En février 2016, dix mois avant que le milliardaire soit élu, il avait ainsi dans les colonnes d’un grand quotidien américain estimé que les programme politique de Trump « (allaient) de l’immoral à l’absurde ». Il avait ainsi voté aux élections présidentielles d’alors pour un candidat indépendant. Le sénateur devait ensuite revoir ses positions à l’endroit du milliardaire, s’excusa pour ses propos passés et supporta la candidat républicain en 2020, allant même jusqu’à, par après, appuyer les accusations d’élections « volées » émanant du président Trump.

JD Vance pourrait donc, en vertu de toutes ses dispositions, constituer l’avenir du parti républicain, voire du mouvement trumpiste le jour où Donald Trump quittera le monde politique par voie naturelle ou forcée. Il présente en tout cas toutes les qualités pour fédérer le pays autour de son parcours militaire, d’affaires et politiques, en plus d’être presque un centriste à de nombreux égards.

Parti démocrate dans l’embarras

Le moins que l’on puisse dire est que la tentative d’assassinat ratée contre Trump ainsi que la nomination du sénateur Vance comme vice-président constituent deux mauvaises nouvelles, coup sur coup, pour le parti démocrate. La première risque d’encore rehausser la stature de héros de l’ancien président – et donc de le rendre encore davantage sympathique auprès du public, tandis que la seconde constitue un coup de maître en termes de stratégie politique.

Le parti républicain semble désormais bénéficier d’une voie royale vers un retour à la présidence. Trump, quant à lui, est parvenu, en ralliant un ancien critique à sa cause, à donner un coup de fouet à sa campagne, le tout en assurant sans doute l’avenir de son mouvement et de son parti. Un coup dans le mille.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire