Sénat, démocratie, IVG: les enjeux des midterms aux Etats-Unis
La Chambre des représentants étant promise aux républicains en raison du traditionnel vote sanction des élections de mi-mandat, les démocrates s’accrochent à l’espoir de conserver le Sénat après le 8 novembre. De son sort dépendra le bilan de la présidence de Joe Biden.
Le contexte
Le 8 novembre, les électeurs américains sont appelés à renouveler l’ensemble des sièges de la Chambre des représentants et un tiers de ceux du Sénat. La Chambre des représentants, aujourd’hui à majorité démocrate, devrait basculer du côté républicain. Le Sénat, où les démocrates disposent du même nombre d’élus, cinquante, que les républicains mais bénéficient de la voix prépondérante de la vice-présidente Kamala Harris qui préside cette assemblée, sera l’objet de toutes les attentions. Sur les 35 sièges à pourvoir, huit seront particulièrement disputés.
Joe Biden n’est pas naïf. L’ancien sénateur du Delaware, fort d’un demi-siècle d’expérience de la politique fédérale américaine, savait pertinemment, en prenant ses fonctions le 20 janvier 2021, que l’essentiel de ses réformes, puissent-elles être réalisées, devraient l’être pendant la première moitié de sa présidence. Celle-ci, en ce sens, est déjà réussie, au regard notamment des plans d’investissement dans les infrastructures adoptés sur le fil en août 2022. «Les élections de mi-mandat constituent en général un vote sanction contre le pouvoir en place, rappelle Alexander Theodoridis, professeur de sciences politiques à l’université du Massachussetts. Et elles le seront sans doute encore cette année, essentiellement pour des raisons économiques.» L’inflation atteint aux Etats-Unis des niveaux historiques, plus de 8%, et les denrées alimentaires ou l’essence ont augmenté de 15 à 25% en un an.
Ce scrutin de mi-mandat de la présidence Biden constituera également un test pour la marque Donald Trump.
Ce vote sanction des midterms s’est exprimé quasi systématiquement depuis qu’en 1994, à la moitié du premier mandat de Bill Clinton, les républicains prirent, pour la première fois depuis 1952, le contrôle des deux chambres du Congrès. Barack Obama avait vu, lui, les conservateurs reprendre le contrôle du Sénat en 2010 pour torpiller son projet de réforme des soins de santé, le fameux «Obamacare».
Validation et contestation des élections
Les élections de mi-mandat, organisées le 8 novembre, décideront donc du contrôle du pouvoir législatif, ainsi que de l’orientation idéologique de divers postes clés à travers les cinquante Etats de l’Union, de celui de gouverneur à ceux de secrétaire d’Etat et d’attorney general, sorte de ministre de la Justice local, chargé notamment de contrôler la validité des scrutins, un enjeu crucial dans la perspective de l’élection présidentielle de 2024.
Ce scrutin de mi-mandat de la présidence Biden constituera également un test pour la marque Donald Trump. L’ancien président s’est investi dans les campagnes de nombreux candidats et candidates, vainqueurs des primaires républicaines, qui continuent de partager avec lui la thèse des élections «volées», en novembre 2020. «Il est donc à craindre que, si ceux-ci devaient remporter la mise le 8 novembre, le doute s’installe à nouveau quant à la crédibilité du processus démocratique américain, déjà fragilisé par la fausse affaire des élections “truquées”», met en garde Alexander Theodoridis. Des dizaines de politiciens républicains ont en tout cas refusé de s’engager à accepter le résultat des élections à venir.
Un trumpiste vindicatif à la Chambre
Il est généralement admis que la Chambre basse passera sous contrôle républicain à l’occasion de ces élections de mi-mandat. La future composition du Sénat passionne donc particulièrement. On l’observe dans plusieurs scrutins qui s’annoncent disputés en Pennsylvanie, dans l’Arizona, l’Ohio ou en Géorgie.
Les deux sièges de sénateur gagnés par les démocrates en Géorgie début janvier 2021 avaient permis au président Joe Biden de prendre d’un souffle le contrôle du Sénat. Il s’assurait ainsi la possibilité de ne pas devoir compter sur un improbable soutien républicain pour mettre en œuvre ses réformes ambitieuses. Cette situation favorable aux démocrates ne devrait donc pas durer, tant le sort de la Chambre des représentants, un hémicycle où les élus siègent pour deux ans, paraît scellé. Elle retournera dans le giron républicain, et devrait porter au poste de speaker, en remplacement de la démocrate Nancy Pelosi, un député trumpiste de Californie particulièrement vindicatif, Kevin McCarthy.
L’enjeu du droit à l’avortement
Le sort du Sénat, qui se renouvelle d’un tiers tous les deux ans, est plus incertain. Il dépendra en particulier de la performance de candidats démocrates comme John Fetterman, en Pennsylvanie, ou Raphael Warnock. Frais sénateur de Géorgie, cet ancien homme d’Eglise est défié sur ses terres par une personnalité parachutée par Donald Trump, l’ancien joueur de football américain Herschel Walker. Celui dont la popularité ne tient qu’à ses performances sportives passées semble ne maîtriser aucun des sujets qui sont au coeur de la campagne électorale. En témoigne sa réticence à débattre avec son opposant démocrate. Et pour cause. Alors que le droit constitutionnel à l’avortement, remis en question au cours de l’été par la Cour suprême, fait figure de point de rupture idéologique le plus évident entre les deux partis, l’ancien sportif, qui a calqué sa position sur la ligne conservatrice en la matière, n’en a pas vraiment donné l’exemple. Il a été prouvé qu’il avait payé à une de ses anciennes maîtresses une procédure d’interruption volontaire de grossesse. Et son fils lui-même l’a critiqué sur les réseaux sociaux pour son «hypocrisie».
La mobilisation des femmes de la classe moyenne pour sauver ce qui peut encore l’être en matière de droit à l’avortement offre une opportunité électorale pour les démocrates. Les spots publicitaires ont en tout cas, et dans les deux camps, fait de cette question un des éléments centraux du scrutin.
Lire aussi | USA: les élections de mi-mandat en cinq questions
Tous les postes importent
L’évolution du Sénat telle qu’elle sera décidée le 8 novembre dépasse le cadre strict des élections de mi-mandat. Si les républicains devaient emporter quelques sièges au point de faire basculer l’assemblée dans son escarcelle, et si un conservateur l’emportait dans la course à la Maison-Blanche en 2024, la droite américaine aurait toute latitude pour faire passer un arsenal législatif radical. En matière économique ou sur les questions sociétales comme la protection du vote des minorités, les conservateurs n’auraient aucun état d’âme à inscrire durablement dans le marbre leur positionnement idéologique, aidés en cela, de surcroît, par une Cour suprême acquise, dans sa majorité, à leurs thèses.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici