Présidentielle américaine, le duel des vieux: « Trump est aussi sénile que Biden » (interview)
Dans le coin gauche, Joe « l’endormi » Biden, qu’on dit affaibli par le poids des années. Dans le coin droit, Donald Trump, toujours debout malgré les coups judiciaires qui pleuvent tels des uppercuts. Au centre du ring des élections présidentielles américaines de novembre 2024, les citoyens ne savent plus dans quelle direction regarder. Entretien avec Tanguy Struye (UCLouvain), qui suit le pays de l’Oncle Sam de très près.
Dans un an presque jour pour jour, les Américains connaîtront le nom de leur nouveau président. A l’aube d’un duel annoncé entre Joe Biden et son prédécesseur Donald Trump, personne ne peut encore dire qui sortira vainqueur de cette lutte acharnée pour diriger la première économie mondiale. Un sondage du New York Times, publié ce dimanche à J-365 de la présidentielle américaine, donne le républicain gagnant d’un cheveu.
Un Joe Biden qu’on dit vieilli face à un Donald Trump qui croule sous les procès: un bon résumé de la campagne pour l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 ?
Tanguy Struye: Ce sont deux candidats qui, au final, n’attirent pas beaucoup les foules. Ils n’incarnent pas du tout la nouvelle génération, et ne viennent pas avec des nouvelles idées. Conséquence : la campagne électorale risque de ressembler à la campagne d’il y a quatre ans. Beaucoup de gens reprochent d’ailleurs, entre autres au Parti démocrate, de ne pas avoir misé sur quelqu’un de plus jeune, plus dynamique et qui pourrait amener un certain renouvellement.
L’âge de Joe Biden sera-t-il déterminant dans cette campagne ?
Oui, il est clair que c’est un facteur important à prendre en compte. Mais on voit aussi de plus en plus de reportages, même sur Fox News, qui mettent en lumière les lacunes cognitives de Trump. C’est intéressant, parce que Trump a toujours joué sur le fait qu’il n’était pas sénile. Aujourd’hui, il lui arrive de ne pas réussir à finir ses phrases, ou bien de perdre le fil de ses idées. Les accusations répétées des Républicains visant la sénilité de Biden commencent à se retourner contre eux.
Vous dites que la campagne pour la présidentielle américaine est similaire à celle de 2020. Rien n’a donc changé en 4 ans ?
La société américaine n’a pas fondamentalement changé. Elle est toujours aussi divisée, voire même plus qu’avant. Les Américains se posent beaucoup de questions sur leur identité. Les Blancs se sentent de plus en plus menacés. C’est une des raisons pour laquelle Trump a autant de succès. Il y a de plus en plus de populations asiatique et hispanique, sans oublier les Noirs américains. Biden a essayé de rassembler cette société très hétérogène, mais a échoué de ce point de vue-là, tandis que la base républicaine est devenue plus extrême.
Comment expliquer qu’aucun des deux camps n’ait fait place à la jeunesse ?
Côté républicain, beaucoup sont paralysés par la base trumpienne et n’osent tout simplement pas aller à l’encontre de Trump. Cela étant, il ne faut pas oublier que les primaires rassemblent quand même une dizaine de candidats. Dont Nikki Haley, qui était ambassadrice aux Nations unies sous la présidence de Trump. Elle pourrait sortir du lot si Trump a des ennuis judiciaires. Je m’explique moins la situation du côté démocrate. Ils ont pris un risque énorme de continuer avec Biden, qui était un excellent président de la transition après Trump. Dans les médias, de plus en plus de démocrates remettent ce choix en question. Il y avait la possibilité de lancer des jeunes pour les primaires, de préparer des candidats potentiels à sa succession. Mais le parti a fait le choix de Biden, qui en plus avait dit qu’il ne ferait qu’un seul mandat. À un moment, son âge va jouer contre lui.
« La base du Parti républicain ne semble pas s’inquiéter que Trump ait pu violer des femmes »
Tanguy Struye (UCLouvain)
D’après un sondage du New York Times, Donald Trump reprendrait plusieurs États-clé à Joe Biden par rapport aux résultats de la présidentielle en 2020. Comment l’expliquer ?
Il faut savoir que la société américaine est extrêmement polarisée. Et les électeurs ne tiennent plus compte des bilans politiques au moment de voter. Malgré que Trump est inculpé dans plusieurs affaires (pas moins de 6 procès attendent l’ancien président en 2024, NDLR), il continue à être populaire. Cela n’arriverait pas dans une démocratie qui fonctionne normalement. La base du Parti républicain ne semble pas s’inquiéter qu’il ait pu violer des femmes, que son empire soit frauduleux ou qu’il ait fomenté un coup d’État. C’est dramatique, car aux États-Unis les gens n’ont que deux choix : voter soit républicain, soit démocrate. Et comme il y a une haine tellement forte des républicains à l’égard des démocrates, les premiers continuent à supporter Trump.
Comme en 2020, le résultat des élections s’annonce très serré. Beaucoup de choses peuvent encore se produire en un an. Je rappelle aussi que les républicains sont déjà entrés en campagne, au contraire des démocrates, pour qui ce sondage reste inquiétant.
Biden met en avant son bilan, en disant qu’il a redressé l’économie américaine. Si son bilan à la tête des Etats-Unis est positif, pourra-t-il peser dans la balance lors du scrutin de novembre 2024 ?
Objectivement, la présidence de Joe Biden est plutôt positive. Au niveau économique, au niveau du chômage, au niveau des investissements dans les infrastructures, dans les nouvelles technologies. Et à l’internationale, le pays a fait son retour dans des organisations comme l’Unesco, etc. Le problème n’est pas là pour les démocrates. Le problème, c’est que les gens ne s’intéressent plus aux résultats politiques. La désinformation et les fake news règnent sur la société américaine. Il n’y a plus de nuance : on résume la politique au combat entre deux camps. Avec chaque camp qui tente de déforcer l’autre, comme quand les républicains montent des vidéos pour donner l’impression que Biden s’endort lors d’une cérémonie officielle. Alors qu’en fait, il a simplement fermé les yeux un instant.
Qui a le plus à perdre avec la guerre entre Israël et le Hamas. Trump ou Biden ?
À mon sens, les risques sont plus importants pour Biden. Pour la bonne et simple raison que, au sein même du Parti démocrate, on est moins pro-israélien que du côté républicain. Le conflit israélo-palestinien peut clairement avoir un impact sur la présidentielle américaine de 2024. Un récent sondage montrait que les les Américains d’origine arabe auraient plutôt tendance à prendre leurs distances par rapport à Biden.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici