
Hors de l’Otan, les Etats-Unis? Voici 4 scénarios de sortie
L’article 13 du traité de l’Atlantique Nord prévoit bien que tout membre de l’Otan peut en sortir sous préavis d’un an. Plusieurs cas de figure existent. En voici les principaux, selon Estelle Hoorickx, docteure en histoire contemporaine et attachée de recherche au Centre d’études de sécurité et défense (CESD).
Et si, après avoir renforcé l’OTAN que l’on donnait en état de mort cérébrale avant 2022, la guerre en Ukraine allait en fait l’affaiblir comme jamais? Alors que l’administration Trump tente de forcer l’Ukraine à s’asseoir à la table des négociations, les déclarations ouvertement hostiles à l’égard des alliés historiques des Etats-Unis se multiplient. Parmi les menaces, une potentielle sortie de l’Otan, promue notamment par Elon Musk, l’homme le plus riche du monde et accessoirement, l’un des plus proches conseillers du président américain. Lequel n’a jamais caché sa propre hostilité envers l’alliance, qu’il jugeait déjà «obsolète» lors de son premier mandat.
Si, officiellement, Trump entend pour l’instant obtenir un meilleur engagement financier de la part de ses alliés, sommés de dépenser au moins 2% —voire plus— de leur PIB par an dans leur défense, l’hypothèse d’une sortie américaine de l’alliance n’est plus un «impensé» géopolitique mais une possibilité comme une autre. En cas de rupture américaine, quatre scénarios se dégagent, selon Estelle Hoorickx, docteure en histoire contemporaine et attachée de recherche au Centre d’études de sécurité et défense (CESD). Qui rappelle en avant-propos que l’article 13 du traité de l’Atlantique Nord a bien prévu qu’un pays membre puisse quitter l’OTAN, non sans avoir posé un préavis d’un an.
Il reste un quatrième scénario, un retrait total de l’Otan. Dans le meilleur des cas, les Etats-Unis pourraient essayer de mettre en place des accords de sécurité bilatéraux avec certains pays européens.
Estelle Hoorickx, docteure en histoire contemporaine et attachée de recherche au Centre d’études de sécurité et défense (CESD).
«Cet article a été utilisé une fois dans le cas de la France (NDLR: en 1966), quand le pays a décidé de quitter la structure militaire de l’organisation en temps de paix». Ainsi, «il a fallu faire preuve d’inventivité par rapport à cette situation dans laquelle les Belges ont d’ailleurs été largement à la manœuvre. En effet, les Français voulaient sortir de l’organisation… sans en sortir complètement non plus. Ce cas de figure tout à fait particulier était lié à la relation compliquée qu’entretenait la France avec les Etats-Unis. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’est né le concept d’alliance atlantique pour désigner une sorte d’alliance institutionnelle ajoutée à l’organisation militaire. Il fallait une solution avec une alliance forte malgré le retrait français (qui était incomplet), mais il fallait en même temps éviter que d’autres pays suivent cet exemple .»
Et en cas de retrait américain?
Scénario 1: Retrait partiel
Dans le premier scénario de retrait américain de l’Otan, les Etats-Unis décideraient «de retirer une partie de leurs forces opérationnelles en Europe et de réduire leur présence au sein de ce qu’on appelle la structure intégrée de l’Otan, ce qui compliquerait le fonctionnement de la chaîne de commandement et perturberait le nouveau modèle qu’essaie de mettre en place l’organisation dans le sillage de la guerre en Ukraine. Tout n’est pas détaillé mais on parle d’un objectif final de déployer jusqu’à 800.000 militaires sous trois mois pour défendre l’Europe. Dans le contexte actuel, si les Etats-Unis se retirent au niveau opérationnel, il faudrait repenser le fonctionnement de la chaîne de commandement. Tout en ayant en tête qu’un retrait comme la France en 66 pourrait être partiel et temporaire…»
Scénarios 2 et 3: Moins de ressources à disposition
Second scénario, qui n’exclurait pas le premier, «les Américains diminuent leurs capacités facilitatrices, dont sont très dépendants les européens», explique Estelle Hoorickx. «On parle là de défenses anti-missiles, missiles longue portée, renseignement, etc. Ce serait problématique pour la défense du continent européen», prévient la docteure, qui évoque un troisième scénario, plus improbable, qui concernerait «la remise en cause éventuelle du parapluie nucléaire américain, ce qui paraît actuellement peu improbable, même s’il y a des discussions sur l’extension de la dissuasion nucléaire française en Europe», observe-t-elle.
Quatrième scénario: retrait total
«Enfin, il reste un quatrième scénario, un retrait total de l’Otan. Dans le meilleur des cas, les Etats-Unis pourraient essayer de mettre en place des accords de sécurité bilatéraux avec certains pays européens», suppose Estelle Hoorickx, tout en nuançant: «Mais tout cela n’est pas aussi simple dans les faits. L’article 13, encore une fois, requiert un préavis d’un an. Au niveau des Etats-Unis, il y a par ailleurs une nécessité d’obtenir un vote du sénat favorable à une telle décision de retrait, et ce vote doit se faire à la majorité des deux tiers —ce qui n’est pas gagné.»
Sans parler du fait qu’une forte présence militaire américaine (100.000 Américains sont actuellement déployés sur le Vieux continent) comporte quelques avantages économiques et géostratégiques pour le businessman qu’est Donald Trump. Qu’il s’agisse de «la flotte américaine basée à Naples qui donne accès à la Méditerranée et permet de se projeter au Moyen-Orient ou en Afrique», ou des «bases de missiles balistiques en Pologne et en Roumanie, qui contribuent largement à la défense anti-missiles balistiques de l’Europe mais aussi des Etats-Unis vis-à-vis d’un pays comme l’Iran…»
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