Le Sénat aux républicains, Trump roi des Etats-Unis ? «Le président en tant que tel n’a pas beaucoup de pouvoir»
Les électeurs américains votaient aussi pour leurs députés et sénateurs lors du scrutin de ce 5 novembre. Trump n’a pas seulement remporté la présidentielle américaine, les républicains ont aussi gagné la majorité au Sénat. Et ce n’est pas forcément du pain béni pour le nouveau président.
Retour en force. Ce 5 novembre 2024, les électeurs américains étaient non seulement appelés à voter pour leur président, mais aussi pour les élus de la Chambre des représentants et du Sénat. Ces deux assemblées forment le Congrès, organe législatif du pouvoir américain.
Donald Trump va pouvoir se réinstaller à la Maison-Blanche après sa victoire haut la main sur Kamala Harris. Le désormais 47e président des Etats-Unis pourra compter sur le Sénat, puisque les républicains ont remporté une courte majorité avec 52 sièges sur 100 (deux par Etat), à ce stade. Trente-quatre sièges de la chambre haute étaient en jeu. L’institution se renouvelle par tiers tous deux ans, soit lors d’élections de mi-mandat ou lors du scrutin présidentiel. Les sénateurs sont élus pour six ans. Les républicains n’avaient besoin de prendre que deux sièges aux démocrates pour conquérir l’hémicycle, ils en ont remporté au moins trois.
Le Sénat a d’abord basculé en rouge grâce à la victoire du milliardaire de 73 ans Jim Justice en Virginie-Occidentale, qui avait été directement soutenu par Trump, et du très conservateur multimillionnaire Bernie Moreno dans l’Ohio. Le Grand old party a ensuite ravi un troisième siège dans le Montana. Le sénateur démocrate Jon Tester, en poste depuis 2007, a été vaincu par le républicain Tim Sheehy, un novice en politique âgé de 38 ans. Les démocrates conservent 44 sièges pour le moment. Les résultats sont encore attendus pour quatre sièges.
A noter que, pour la première fois de l’histoire, deux femmes afro-américaines ont été élues sénatrices : Angela Alsobrooks dans le Maryland et Lisa Blunt Rochester dans le Delaware, toutes deux démocrates.
Les 435 sièges des députés de la Chambre des représentants étaient aussi à renouveler. Fait marquant, la démocrate Sarah McBride, 34 ans, est devenue la première personne transgenre élue au Congrès. Du côté de la chambre basse, la situation n’est pas encore fixée, même si les républicains sont là aussi en tête avec 206 sièges, contre 191pour les démocrates actuellement. Les députés sont renouvelés tous les deux ans.
Le contrôle de ces chambres un est enjeux crucial aux Etats-Unis pour l’exercice du pouvoir. C’est au Sénat que se décide la nomination des grands fonctionnaires. Les secrétaires d’Etat, les directeurs d’agence (CIA, FBI…), les juges fédéraux ou de la Cour suprême sont proposés par la Maison-Blanche puis validés ou non par le Sénat, confirme Jérôme Jamin, professeur en Science politique à l’ULiège.
Donald Trump vient-il donc de gagner un soutien non négligeable pour mettre en place sa politique ? «Les deux chambres ont plus ou moins le même poids, rien ne peut se passer d’un côté sans l’aval de l’autre. Pour un confort minimal, il faut une majorité dans les deux chambres», détaille Jérôme Jamin. Sans la Chambre des représentants, «Trump se trouverait dans la même conjoncture que Joe Biden. Républicains et démocrates seraient obligés de négocier», appuie Serge Jaumain, professeur d’Histoire contemporaine à l’ULB. Difficile donc de déterminer la puissance politique du président tant que le sort de la Chambre des représentants n’est pas scellé. Mais si l’avance se confirme et que les républicains obtiennent la majorité dans les deux chambres, «Trump aura une voie royale pour appliquer sa politique», affirme le professeur de l’ULB.
Le système politique américain est fait pour que le pouvoir ne reste jamais totalement dans les mains d’un camp
Jérôme Jamin
Professeur en science politique à l’ULiège
Pourtant les décisions dans les deux chambres se jouent souvent à la majorité absolue, indique Jérôme Jamin, et ici les républicains n’ont toujours qu’une courte majorité. «Le président en tant que tel n’a pas beaucoup de pouvoir. Il peut demander aux républicains de faire passer des lois, mais ça ne veut pas dire qu’ils vont obéir. Les députés sont assez indépendants. Trump peut signer des décrets d’application qui peuvent jouer sur les lois, mais l’initiative d’une loi part des députés», tempère encore le professeur de l’ULiège. Mais pour Serge Jaumain, «Trump a la main sur les républicains. C’est devenu le parti trumpiste. Il aura donc plus de facilité à appliquer son programme que lors de son précédent mandat où il y avait encore des résistances au sein des républicains de la part des élus plus modérés».
Quelles pourraient-être ses premières mesures ? «Beaucoup de partisans l’attendent sur la migration. Il va essayer de marquer le coup. Les choses pourraient rapidement évoluer du côté de la guerre en Ukraine et du conflit à Gaza», estime Serge Jaumain.
«Le système politique américain est fait pour que le pouvoir ne reste jamais totalement dans les mains d’un camp», insiste Jérôme Jamin. «Il est probable que dans deux ans (NDLR: aux prochaines élections de mi-mandat), les démocrates remontent en puissance. Lorsqu’il y a eu un raz-de-marée pour un camp à la présidentielle, les électeurs sanctionnent généralement le président au scrutin suivant». Affaire à suivre.
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