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Le come-back stupéfiant de Donald Trump: «Les démocrates ont commis une grosse erreur»

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Donald Trump a mobilisé sa base, et sans doute au-delà, en multipliant excès et saillies racistes tout au long d’une campagne des plus anxiogènes. Avec succès.

Face à des démocrates qui paraissaient plus posés et mieux organisés, ratissant soigneusement les quartiers à convaincre pour faire pencher les swing states pouvant basculer d’un côté ou de l’autre et une Kamala Harris plus «présidentiable que jamais», les républicains se sont appuyés au maximum sur la personnalité sulfureuse de leur leader Donald Trump pour l’emporter. Lequel a soigneusement évité de trop avoir à débattre directement face à sa concurrente, tout en multipliant les saillies et outrances en tout genre au fil de ses meetings. Quitte à parler (presque) pour lui-même devant des foules qui ont parfois paru s’ennuyer, surtout à la fin de sa campagne. Une image en trompe-l’œil…

Trump: un discours plus radical

«En 2024, Trump a tenu un discours encore plus radical pour la simple raison qu’il pouvait se le permettre politiquement après huit ans de dérives outrancières jamais sanctionnées», observe Charles Voisin, spécialiste des Etats-Unis et fondateur de la revue America. «Cette fois, son discours ne parlait pas seulement de déclin, mais, de manière plus inquiétante, de dégénérescence, de « sang américain empoisonné » et d’une prétendue présence de « mauvais gènes » sur le territoire des Etats-Unis.»

Un discours qui a puissamment percolé au cœur d’un pays de plus en plus inquiet. «Il fallait voter pour lui sinon l’Amérique serait perdue, noyée sous le flot de millions de criminels en provenance de tous les continents», résume Charles Voisin. Une stratégie payante, où «ce genre de propos serviraient d’activateur, à même de convaincre les trumpistes en puissance de quitter leur canapé pour se déplacer jusqu’au bureau de vote en novembre, devenant ainsi des trumpistes en acte. La clé, comme à chaque scrutin présidentiel, c’est To Get Out The Vote: la mobilisation des électeurs. Sur 80 millions d’électeurs qui restent chez eux, on compte ordinairement beaucoup de trumpistes…» Lors de cette élection, ils se sont visiblement investis.

«En 2024, Trump a tenu un discours encore plus radical. Il pouvait se le permettre après huit ans de dérives outrancières jamais sanctionnées.»

Trop sages démocrates

Côté démocrate, on a sans doute un peu trop misé sur le terrain et pas assez sur les grands événements médiatiques qui touchent quotidiennement des millions d’Américains. «La popularité de Kamala Harris comme celle de Donald Trump a varié dans les sondages au fil des semaines, observe Charles Voisin, qui a noté un léger creux quelques jours avant l’élection. De ce point de vue, la stratégie du camp Trump, priver Harris d’un second débat pour qu’elle ait le moins de visibilité possible, a parfaitement fonctionné. Mais les démocrates eux-mêmes ont commis une grosse erreur. La campagne Harris a prévu trop peu d’événements ces derniers temps, particulièrement des interviews et des émissions telles que des late shows, des tête-à-tête avec des humoristes, etc. Or, vu son déficit de notoriété, la vice-présidente se devait d’être présente sur tous les fronts. Et surtout, penser notoriété. Un meeting électoral avec 10.000 supporters démocrates en Pennsylvanie, c’est bien, mais il faut impérativement faire des émissions, car ce sont des dizaines de millions d’Américains qu’il faut convaincre et à qui il faut se présenter. Au fond, lors de sa première campagne il y a quatre ans, les médias avaient déjà remarqué que Harris ne s’était pas révélée être une « campaigneuse » infatigable ou redoutable. C’est un point faible. Les dix derniers jours de la campagne, néanmoins, un bel effort a été fait de ce côté-là…»

Trump: le racisme pur, ça paye

Dans tous les cas, il apparaît que le racisme promu par l’ancien président républicain a largement contribué à sa victoire. «Ses supporters disent souvent qu’ils ne sont pas toujours d’accord avec la manière dont il parle mais ils sont d’accord sur le fond. Traduction: ils n’apprécieraient pas les sorties racistes de Trump, ils voudraient juste une frontière étanche», analyse Charles Voisin, qui tranche: «En réalité, ils seraient probablement d’accord sur la forme également. Un sondage conduit pour le Des Moines Register confirme cette hypothèse: sur 502 républicains de l’Iowa qui participaient à la primaire du Grand Old Party, 42% affirmaient être davantage susceptibles de voter pour Trump après avoir entendu cette phrase. Les données récoltées par le tandem CBS-YouGov sont encore plus alarmantes. Quelque 72% des républicains sondés approuvent l’usage des termes « empoisonnent le sang » pour décrire les migrants qui entrent illégalement aux Etats-Unis. Les sondeurs arrivent à 82% quand cette phrase est attribuée à Donald Trump. Cela s’est confirmé dans les urnes durant la primaire du Parti républicain que Trump a remportée avec une large avance sur ses adversaires…»

«Dès le lendemain de l’attaque du Capitole, les observateurs politiques pouvaient remarquer l’étendue du pouvoir de l’ex-président.»

«Trump a ouvert la fenêtre d’Overton»

Bref, à nouveau, «Trump a ouvert la fenêtre d’Overton, poursuit Charles Voisin. Il l’a fait progressivement, au fil des ans. Des idées inacceptables sont devenues radicales puis de radicales, à force d’être répétées par une autorité, elles seraient presque devenues banales pour une bonne moitié de la population. Le discours extrémiste n’est pas encore mainstream mais il est néanmoins répandu auprès de la population.»

Quoi qu’il en soit, ce retour de Trump –et des idées qui l’accompagnent– constitue sans doute l’un des come-back politiques les plus stupéfiants de l’histoire des Etats-Unis. Lequel a été permis par le Parti républicain. «Dès le lendemain de l’attaque du Capitole, les observateurs politiques pouvaient remarquer l’étendue du pouvoir de l’ex-président. Les élus républicains du Congrès n’ont pas souhaité destituer Trump, par crainte pour leur propre carrière, 147 élus républicains se sont même opposés à la certification de l’élection de Joe Biden, tandis que sur Fox News on accréditait l’hypothèse farfelue qu’Antifa était derrière la mise à sac des institutions. Si le retour de Trump n’était pas certain, c’était une hypothèse crédible dès janvier 2021.»

C’est devenu une réalité.

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