
Le bilan des 100 premiers jours de Donald Trump en 3 mots: suractivité, désillusion et chaos (infographie)
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche laisse une impression de surchauffe, entre déclarations folles et mise en scène permanente. Un omniprésident, occupant tout l’espace, qui a signé un record de décrets depuis sa prise de fonction, et qui fait tourner la tête des marchés et de ses alliés. Mais pour quel bilan réel?
Donald Trump, acte deux. Le 20 janvier 2025, le président républicain de 78 ans prend officiellement ses fonctions, dégaine le stylo, signe 26 décrets –un record– et lance son second mandat tambour battant. Cela fera 100 jours, ce 29 avril 2025, qu’il a retrouvé le bureau ovale, l’occasion d’un premier bilan compliqué: les marchés tremblent, la fin promise de la guerre en Ukraine patine, les voltes-faces sur les droits de douanes s’enchaînent, les universités mènent la fronde, les déclarations improbables du président déferlent et inondent l’espace médiatique.
«La mise en scène théâtralisée de la fonction présidentielle est totale avec Donald Trump, qui agit comme s’il était le seul à diriger, qui pousse les prérogatives de la fonction à sa limite, voire les dépasse par moment, analyse Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Par rapport à son premier mandat, qui était plutôt une surprise, il est ici davantage prêt, avec des fidèles qui sont restés dans son sillage durant les quatre années du mandat de Joe Biden. La personnalité est la même, mais l’action est démultipliée, avec un entourage de loyalistes et un congrès totalement républicain.»
Que retenir? Quel moment mérite d’y poser la lumière? Tous? Aucun? La tâche est complexe, même pour les suiveurs attentifs du pays de l’Oncle Sam. Une confusion permanente, une saturation voulue, qui fait partie de la stratégie du milliardaire. Qui ne surprend plus mais confirme: l’acte un n’était qu’un tour de chauffe. Analyse en trois mots clés: suractivité, désillusion et chaos.
Suractivité: le flot permanent de l’omniprésident Trump
La suractivité de Donald Trump s’observe à plusieurs niveaux, tant sur les déclarations affolantes que sur le nombre de décrets signés depuis le 20 janvier, 130 au dernier décompte. «C’est effectivement du jamais vu sur la période depuis le XXe siècle. Il a visiblement la volonté de montrer son dynamisme, par contraste avec son prédécesseur. Il s’agit aussi de se débarrasser de certains héritages, de faire table rase de certaines décisions, pas seulement celles de Joe Biden d’ailleurs. Mais avec des résultats compliqués et énormément de contestation en justice de ses décisions, car elles sont inapplicables», remarque le professeur de l’ULB.
«C’est un tsunami permanent, intentionnel, qui empêche d’avoir une vision globale et de produire une analyse de la situation, complète Emilie Van Haute, politologue au sein du même établissement. Le premier mandat de Trump affichait encore un certain respect vis-à-vis des institutions, l’ennemi principal étant plutôt les médias. Les attaques sont désormais beaucoup plus larges, partent dans tous les sens, visent le pouvoir judiciaire ou l’état de droit. Il a également une mainmise totale sur l’administration. Le culte voué à Trump au sein d’une frange de son électorat est tel que cela devient moins grave de dire et faire n’importe quoi.»
«Il affiche toutes ses limites, continue d’utiliser les mêmes simplismes, car il ne maîtrise tout simplement pas ses dossiers.»
Tanguy Struye
professeur en relations internationales (UCLouvain)
«C’est un omniprésident, omniprésent, omnipotent. On peut parler de président impérial, qui veut tout faire, tout dire, tout décider, mais qui vient d’offrir 100 premiers jours extrêmement chahutés et remplis d’incohérences. Il affiche toutes ses limites, continue d’utiliser les mêmes simplismes, car il ne maîtrise tout simplement pas ses dossiers», tance de son côté Tanguy Struye, professeur en relations internationales à l’UCLouvain.
Parmi les chiffres qui ont marqué sa seconde entrée en fonction, les «executive orders» (décrets) sont nombreux et partent dans toutes les directions. Dès son premier jour, parmi les 26 décrets signés, Trump notifie le retrait des Etats-Unis de l’OMS et de l’accord de Paris sur le climat, il gracie les émeutiers qui avaient pris d’assaut le Capitole en 2021, il fonde également le DOGE, le département de l’Efficacité gouvernementale, comprenant le milliardaire Elon Musk, censé permettre des économies faramineuses en sabrant dans les dépenses publiques.
Il s’attaque également à l’identité de «genre» en bannissant le mot des documents administratifs, renomme le Golfe du Mexique «Golfe d’Amérique», interdit les pailles en papier, instaure une réserve stratégique en bitcoins, prive des cabinets d’avocats ayant représenté ses adversaires de contrats fédéraux. Dans un décret du 8 avril, ordre est également donné à la ministre de la Justice d’arrêter d’appliquer certaines lois des Etats qui protègent l’environnement et luttent contre l’émission de gaz à effet de serre. Impossible de suivre la déferlante.
Désillusion: 100 jours de vide
«L’agitation est là mais le bilan global est mauvais, tant sur la scène intérieure qu’à l’international, poursuit le professeur de l’UCLouvain. Ces 100 premiers jours ont été une épuisante série de déclarations et de décisions avec finalement peu de résultats concrets. La campagne électorale avait été le lieu de promesses dans tous les sens, avec aujourd’hui un retour à la réalité un peu brutal. La saga autour des tarifs douaniers montre parfaitement que c’est du show permanent, avec un président qui lance des idées sur les réseaux sociaux et que ses conseillers découvrent en direct.»
Parmi les grandes promesses de campagne, Donald Trump avait annoncé pouvoir mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures. Mais 99 rotations de la Terre plus tard, force est de constater que la situation patine. «Entre les annonces et la réalité, on ne peut que constater le gouffre. Sur l’Ukraine, c’est particulièrement dramatique, avec un président qui, après les ultimatums, annonce qu’il pourrait finalement se retirer totalement, laissant la situation pourrir. Sur la question du renvoi des migrants, les chiffres sont plus faibles qu’annoncés, idem avec le DOGE, qui tourne autour de 150 milliards d’économie, mais reste très loin des 2.000 milliards martelés tant et plus», soupire Serge Jaumain.
«Trump, c’est l’effet d’annonce érigé en art, mais avec énormément de décisions qui ne seront tout simplement pas mises en œuvre, ajoute Emilie Van Haute. Les gens ne sont pas dupes, même dans ses propres électeurs, j’en veux pour preuve son taux d’approbation, qui est extrêmement faible, après seulement trois mois à la Maison-Blanche.»
Les derniers chiffres montrent que moins d’un Américain sur deux approuve l’action présidentielle (45%), soit la cote la plus basse de tous les présidents américains depuis la Seconde Guerre mondiale, à l’exception de… Donald Trump en 2017 (41%), selon l’institut Gallup.
Chaos: entre rodéo boursier et opposition tétanisée
Les retournements de situation autour des tarifs douaniers, que Donald Trump voulait appliquer aux produits entrant sur le territoire américain, pèsent probablement dans ces chiffres. La saga s’est muée en chaos boursier. D’une phase de musculation avant une suspension, sauf pour la Chine, toute la séquence a fait vaciller les indices financiers. D’aucun s’interrogeant de savoir si Donald Trump avait participé à la plus grande manipulation de marché au monde.
«Pareille crise provoquée directement par un président en fonction, c’est du jamais vu. Rappelons que Donald Trump attaquait Joe Biden sur le fait que l’action présidentielle se jugeait aussi sur les résultats en bourse. Après avoir fait chuter Wall Street et provoqué une crise boursière, on n’entend plus pareil argument dans sa bouche», ironise Tanguy Struye.
«Donald Trump a ce côté autocrate et un peu soupe au lait. Dès qu’on lui tient tête, il recule, ça retombe.»
Emilie Van Haute
politologue (ULB)
Ces multiples voltes-faces sur les tarifs évoquent également d’autres dossiers, sur lesquels le 47e président des Etats-Unis a finalement fait machine arrière. «Donald Trump a ce côté autocrate et un peu soupe au lait. Dès qu’on lui tient tête, il recule, ça retombe. Cela a été le cas sur son évocation de l’annexion du Groenland ou du Canada, aussi improbables que soient ces annonces. Il gère le pays comme une start-up, qui veut faire des acquisitions, dans un environnement poussé vers toujours plus d’ultra-capitalisme. Tout semble servir uniquement ses intérêts et ceux de ses proches», poursuit la politologue de l’ULB.
Malgré les remous, le président garde pourtant ses soutiens et parvient encore à vivre de son illusion. La faute aussi à une opposition démocrate tétanisée, K.O. debout après la défaite de Kamala Harris en novembre dernier. «Harris est absente, Joe Biden s’est exprimé une fois, Barack Obama également, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez ont tenu des meetings, mais la mécanique démocrate est grippée. Ils semblent totalement déboussolés et aucune véritable figure d’opposition n’émerge», selon Serge Jaumain.
«La défaite de novembre n’est pas encore digérée et les démocrates n’ont tout simplement pas le temps d’exister, abonde Tanguy Struye. Il y a également des divisions en interne sur la position à adopter pour la suite, soit plus progressiste ou signant le retour vers quelque chose de plus modéré, qui pourrait plaire à la classe ouvrière, totalement perdue par le clan démocrate.»
Le salut démocrate viendra peut-être des «mid-terms», les élections de mi-mandat, qui donne un clan républicain affaibli selon les sondages. D’ici là, Donald Trump continuera d’avoir les coudées franches pour poursuivre son action, ses gesticulations, ses provocations.
Ces 100 premiers jours de mandat ont donné le tempo. Il lui en reste désormais un peu plus de 1.360.
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