La tentative d’assassinat de Trump, une épine (de plus) dans le pied des démocrates: «La situation actuelle de Biden est très mauvaise»

La tentative d’assassinat envers l’ex-président Donald Trump ne sera pas sans conséquence. Pour lui, mais aussi son principal rival, le président Joe Biden. Quel impact sur la campagne présidentielle et les partis républicain et démocrate? Décryptage en quatre questions.

Donald Trump, l’oreille en sang, poing levé, évacué de son meeting sous les «USA! USA!». L’image est forte et fera date. La tentative d’assassinat de l’ex-président des Etats-Unis chamboule la campagne électorale.

Un moment de bascule? «C’est encore trop tôt pour le dire, tempère Tanguy Struye, professeur de relations internationales à l’UCLouvain et spécialiste des grandes puissances. Il reste plus de trois mois, beaucoup d’évènements peuvent encore changer la donne. Mais il est clair que les républicains sont en bonne position pour gagner non seulement l’élection présidentielle, mais également avoir la main pour la Chambre des Représentants et le Sénat.»

Les images marquantes de Donald Trump le poing levé le montrent en héros républicain. L’ex-président sort-il renforcé de cet évènement?

Cela pourrait potentiellement influencer les indépendants, dont certains pourraient avoir une certaine empathie pour Trump. Mais au-delà, je ne pense pas. Vu la haine entre les deux camps, chacun risque de rester sur ses positions. Les démocrates ne vont pas voter ou avoir plus de sympathie pour lui parce qu’il a été touché par une balle. Cela aurait pu changer la donne il y a quinze ou 20 ans, mais pas dans une société américaine désormais extrêmement polarisée.

En revanche, cela va continuer de le renforcer au sein du parti républicain. Ils étaient déjà fortement unis derrière leur candidat, mais les évènements récents vont encore le renforcer. Il n’y aura plus de doutes. Pour l’instant, en tout cas. Car s’il est élu, une fois au pouvoir, une série de divisions pourraient réapparaître.

Le président Biden était déjà dans une position très compliquée, après une série de couacs. Est-il encore affaibli par cet épisode?

Ce qui est problématique chez les démocrates, c’est qu’ils font face à un mois de déclin. Il y a eu le débat raté de Joe Biden, suivi de questionnements de plus en plus sonores sur sa candidature. Si la conférence de l’Otan s’est globalement bien déroulée, il y a quand même eu d’autres bourdes, comme la confusion entre Zelensky et Poutine. En face, il y a un Donald Trump combattif et dynamique.

Aujourd’hui, l’image est très importante. D’une part, il y a un président qui semble dépassé, lent, et qui a fortement vieilli en quatre ans. La question se pose: pourrait-il encore tenir quatre ans à une telle fonction? En face, il y a un rival en meilleure forme physique. Cela joue forcément. Dans beaucoup d’élections aujourd’hui, le bilan passe au second plan. Or, celui de l’administration Biden est plutôt bon, notamment au niveau économique et social. Mais tout cela est balayé par l’image.

Il y a un vrai problème du côté des démocrates. Des décisions devront être prises dans les prochains jours. Faut-il continuer avec Joe Biden, avec toutes les conséquences possibles esquissées depuis un mois? Ou faut-il adouber un candidat plus jeune pour relancer la campagne électorale? Auquel cas, il faudra que Biden se désiste.

Est-il encore possible de le voir se retirer maintenant? Il n’a pas cédé malgré les pressions jusqu’à présent.

Il est très difficile pour les politiques de sortir de la bulle de leurs conseillers et leur entourage, pour regarder la réalité en face. D’un point de vue extérieur et objectif, la situation actuelle de Biden est très mauvaise. Les démocrates sont, de plus, extrêmement divisés, certains appelant à son abandon. Ils ne partent pas unis pour les derniers mois de campagne. Une catastrophe pour eux en vue des élections de novembre.

Pour relancer la campagne électorale, une nouvelle candidature serait positive. Ils pourraient aller vers un candidat beaucoup plus jeune, qui pourrait mobiliser les jeunes démocrates, qui pour l’instant ne le sont absolument pas. Ce qui signifie autant de voix perdues en novembre. Une nouvelle candidature permettrait, aussi, de reprendre la main sur le narratif au niveau des médias, et ce n’est pas négligeable.

Certains républicains pointent les démocrates du doigt: leur haine de Trump aurait nourri la tension et favorisé l’agression.

Les accusations des républicains ne tiennent pas la route. Les propos tenus par leurs membres et représentants ces derniers mois par rapport à Biden sont d’une violence et d’une agressivité importantes. Sans oublier les agressions à l’égard de politiciens démocrates, comme la gouverneure du Michigan qui a failli être enlevée par des groupuscules d’extrême droite. Ou encore le mari de Nancy Pelosi attaqué à son domicile. A l’époque, les républicains riaient, se moquaient de ce genre d’actions.

Aujourd’hui, ils sont horrifiés parce que Donald Trump a été attaqué. Tous ces faits sont graves. Mais la polarisation extrême de la société américaine, ainsi que son agressivité, se marquent là aussi. Certains mots vont de plus en plus loin. C’est le cas dans toutes les démocraties, même européennes. Mais aux Etats-Unis, cela a atteint un niveau extrêmement important, car les deux partis sont rentrés dans cette escalade. Même si à l’origine, c’était plus marqué chez les républicains, vers 2015-2016 notamment, quand Donald Trump était candidat pour la première fois.