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«Il tente de contrôler la démocratie américaine»: pourquoi Elon Musk brosse Trump dans le sens du poil

Maxence Dozin
Maxence Dozin Journaliste. Correspondant du Vif aux Etats-Unis.

Le candidat républicain à la présidentielle et l’homme le plus riche du monde ont échangé durant deux heures sur la plateforme X.

Aux Etats-Unis sans doute davantage qu’ailleurs, l’adoubement de personnalités publiques est recherché par les candidats aux différents scrutins, encore plus lors de la présidentielle. Si le ticket démocrate peut compter sur le soutien de nombreuses célébrités issues du monde du divertissement (George Clooney, Meryl Streep, Taylor Swift…), le camp républicain, de son côté, se montre davantage à la traîne en termes d’appui de personnalités «showbiz». Ceci pour des raisons qui n’étonneront pas : les idées conservatrices et l’emphase sur les valeurs traditionnelles et familiales propres aux républicains sont en général vues avec un certain scepticisme dans l’industrie du cinéma et de la musique populaire, lorsqu’elle ne sont pas directement qualifiées de « rétrogrades ». C’est donc avec un certain soulagement que Donald Trump, qui avait été exclu de la plateforme «X» – anciennement Twitter – à la suite de l’insurrection contre le Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021, a pu compter depuis quelques mois sur un intérêt franchement amical de la part d’Elon Musk, l’homme d’affaires sud-africain, fondateur de PayPal et de Tesla, qui a repris en 2022 le réseau social Twitter. Ce dernier, qui a fondé une organisation de soutien à la candidature du magnat de l’immobilier à la prochaine présidentielle, a organisé ce lundi 12 août une entrevue de deux heures avec Donald Trump, le tout sur son propre réseau. L’échange avait été anticipativement qualifié par Trump d’ «interview du siècle». Elle a cependant plutôt déçu sur le fond, au moins au niveau du débat contradictoire.

Trump-Musk, un débat plutôt complaisant

Les deux hommes ont échangé sur les thèmes de campagne chers à l’ancien président républicain, au premier rang desquels l’immigration, Trump promettant la «plus grande déportation jamais organisée aux Etats-Unis» s’il devait à nouveau arriver au pouvoir, comparant les vagues d’arrivée de migrants à une «invasion de zombies». Le républicain, qui n’a définitivement de leçon à prendre de personne en matière de franc-parler, a par ailleurs pavané sur la qualité des relations qu’il entretient avec les chefs de régimes autoritaires comme Vladimir Poutine et Kim Jong-Un, leader de la Corée du Nord, dont il affirme admirer les attributs d’ «hommes forts».

Trump a promis de longue date d’être capable de mettre un terme au conflit qui fait rage entre la Russie et l’Ukraine par un coup de téléphone à son homologue russe «au premier jour après sa prise de fonction». Les deux hommes ont également commenté le manque d’inquiétude qui était le leur au regard du changement climatique, dans des propos visant à minimaliser les effets de ce dernier: échanges qualifiés d’ «ahurissants» par une partie de la presse américaine. Elon Musk a par ailleurs encensé les projets politiques de Donald Trump, estimant que l’ «Amérique se trouvait à un tournant» et que la «seule chance» était de voir élu Donald Trump, ce dernier étant «l’homme de la situation». «Il est essentiel que vous gagniez cette élection pour le bien du pays», devait-il ajouter.

Trump, de son côté, s’est félicité de l’adoubement de Musk à sa cause, qualifiant ce dernier d’ «homme d’affaires de première qualité maître en matière de réduction des coûts». Il a par ailleurs profité de sa tribune pour écorcher sans détour l’image de sa rivale démocrate, Kamala Harris, estimant que celle-ci était une «folle et extrémiste de gauche», «encore pire que Bernie Sanders», l’élu octogénaire du Vermont connu pour ses positions anticapitalistes souvent qualifiées de «radicales».

L’interview aura par ailleurs commencé sur une mauvaise note, puisque les débats auront été retardés d’une quarantaine de minutes sur l’horaire prévu. Elon Musk, qui a mis ce retard sur le compte d’une cyberattaque, a estimé que celle-ci prouvait que «nombreux sont ceux qui tentent d’éteindre la voix du candidat républicain». Des experts en informatique se sont cependant déclarés certains « à 99%» qu’une telle cyberattaque relevait d’une lubie.

Trump et Musk en guerre contre le « wokisme »

Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, se trouve une personnalité énigmatique, qui fascine autant qu’il dérange. Il est connu pour avoir adopté depuis deux ans une tournure de propos plus radicale, ceci notamment après que son fils adolescent ait fait le choix d’un changement de sexe. L’homme d’affaires a depuis lors répété vouloir éradiquer le « virus woke », et multiplie les entretiens avec des personnalités qui soutiennent ses vues, au rang desquelles, récemment, l’auteur canadien à succès et psychologue-clinicien Jordan Peterson, grand pourfendeur de la vague «woke».

Le fondateur de Tesla s’était par ailleurs signalé à l’occasion d’une des «performances» enregistrée lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, estimant que cette dernière, était «extrêmement irrespectueuse envers les Chrétiens» lorsque une douzaine d’individus majoritairement dégenrés avaient, semble-t-il, voulu donner une tournure toute personnelle à la Cène, tableau de Leonard de Vinci mettant en scène le dernier repas du Christ.

Camp démocrate « choqué »

Le camp démocrate a réagi à cette interview en estimant que Elon Musk, par ses prises de positions et sa qualité de patron d’une puissante plateforme d’échange d’idées, participait à «tenter de contrôler la démocratie américaine». «Il est remarquable que Musk se soit engagé à donner des millions pour les réélection de Trump. Mais il utilise désormais X, son entreprise et l’un des plus grandes sites de médias sociaux au monde, pour diffuser le programme déséquilibré et haineux de Trump auprès de millions de personnes».

Il reste désormais nonante jours avant l’élection présidentielle du 5 novembre prochain, et les deux candidats sont au coude-à-coude dans les sondages, le camp démocrate ayant clairement bénéficié d’un «effet Harris» après que le président Joe Biden ait jeté l’éponge le 21 juillet dernier. Les prochaines grandes échéances à venir seront placées sous l’égide de débat, toujours, mais contradictoire cette fois, puisque les candidats à la présidence et à la vice-présidences sont appelés à débattre chacun à trois reprises avec leur adversaire respectif.

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