Kamala Harris participait, le 2 octobre, à une distribution de biens aux sinistrés de l’ouragan Hélène à Augusta, en Géorgie. © REUTERS

Election présidentielle américaine: Netanyahou fera-t-il perdre Kamala Harris?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La bataille entre Donald Trump et sa rivale démocrate reste extrêmement serrée. Une guerre ouverte entre Israël et l’Iran risque de handicaper la vice-présidente.

La dernière ligne droite avant l’élection présidentielle du 5 novembre aux Etats-Unis est suspendue aux aléas de l’actualité. Elle l’est d’autant plus que la bataille entre le républicain Donald Trump et la démocrate Kamala Harris est excessivement serrée. Bénéficiant de l’effet conjugué de la surprise et de la nouveauté malgré ses quatre ans de mandat comme vice-présidente, la seconde a rééquilibré le rapport de force avec son concurrent, considéré comme largement favori en cas de compétition avec Joe Biden avant le désistement de celui-ci, le 21 juillet dernier. Les résultats des prétendants dans les «swing states», ces Etats susceptibles de basculer dans un camp comme dans l’autre, seront donc déterminants.

L’ouragan Hélène, qui a frappé la côte est des Etats-Unis du 24 au 29 septembre, a suscité une réponse du politique à la mesure de son impressionnant bilan: plus de 200 morts et des dégâts évalués à plusieurs milliards de dollars. Le président sortant s’est rendu en Caroline du Sud, en Caroline du Nord, en Floride et en Géorgie, les principaux Etats touchés. Mais pour les candidats à la présidentielle, c’est la Caroline du Nord et la Géorgie qui ont été au centre de toutes les attentions. Et pour cause, seize grands électeurs sont en jeu dans chacun de ces Etats lors de la présidentielle, et la confrontation y est féroce. D’après l’agrégateur de sondages 538 en date du 6 octobre, Donald Trump devance Kamala Harris en Caroline du Nord de moins d’un point, avec 48,1% des intentions de vote contre 47,3%, et l’écart est à peine plus grand en Géorgie, où le républicain est donné à 48,4% des voix contre 47,1% à la démocrate.

«Placer le patriotisme avant l’affiliation partisane n’est pas une aspiration, c’est notre devoir.»

L’ouragan, l’Etat, la solidarité

A Valdosta, localité dévastée de Géorgie, l’ancien président a donc naturellement fustigé un Etat fédéral qui «n’est pas réactif». Tandis que dans la deuxième ville de l’Etat, Augusta, Kamala Harris s’est félicitée de l’entraide entre des personnes qui ne se connaissaient pas. «La grande majorité a bien plus de points communs que de différences», a-t-elle assuré, confortant l’image de rassembleuse du peuple américain qu’elle veut ancrer dans les esprits à l’occasion de cette campagne.

Elle a donné une autre preuve de cette ambition en accueillant à un de ses meetings, le 3 octobre à Ripon (Wisconsin), Liz Cheney, l’ex-membre républicaine de la Chambre des représentants et fille de l’ancien vice-président, de 2001 à 2009 sous George W. Bush, Dick Cheney. Celle-ci, en délicatesse avec Donald Trump depuis plusieurs années, a affirmé que «placer le patriotisme avant l’affiliation partisane n’est pas une aspiration, c’est notre devoir». Ce ralliement, qui ne surprend pas, ne changera pas la face de l’élection. Il confirme la stratégie de la candidate démocrate visant à attirer à elle le plus possible de membres des catégories des indécis et des modérés, parmi lesquels figurent des républicains heurtés par la dérive autocratique de Donald Trump. A contrario, le reproche, discret, est formulé à l’égard du candidat républicain de se priver de la possibilité de puiser dans le réservoir de voix modérées en continuant à défendre une ligne radicale, rebutante pour ceux-ci.

Soutien de Harris à Israël face à l’Iran

A cet écueil pour Donald Trump, est opposé un autre pour Kamala Harris. Comptable du bilan de la présidence de Joe Biden et lancée depuis un temps restreint dans la campagne, elle est la plus susceptible d’être pénalisée par un faux pas ou un impondérable d’ici au 5 novembre. Le risque est réel. Il est même de plus en plus probable de se matérialiser au vu de l’extension de la guerre au Proche-Orient. L’aile gauche du Parti démocrate ferraille depuis le massacre du 7 octobre 2023 par le Hamas en Israël et, surtout, depuis les représailles massives de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, pour que la politique de Joe Biden soit rééquilibrée et prenne davantage en compte les souffrances de la population palestinienne et son aspiration à vivre dans un Etat indépendant viable et reconnu. Les inflexions en ce sens ont été rares.

La perspective d’une confrontation plus intense entre l’Etat hébreu et la République islamique d’Iran depuis l’attaque de celle-ci contre le territoire israélien, le 1er octobre, va nécessairement rappeler le soutien, quasiment indéfectible, de Washington au gouvernement israélien. Certes, l’empathie des électeurs américains musulmans à l’égard des dirigeants iraniens, ou de ceux du Hezbollah libanais, autre cible d’Israël, est sans doute nettement moindre que celle nourrie envers les Palestiniens. Il n’empêche qu’une coopération concrète entre les Etats-Unis et Israël dans la réplique à l’encontre de l’Iran rappellera aux yeux de beaucoup que le sort des Gazaouis est secondaire dans l’entendement de l’administration Biden-Harris. La vice-présidente, qui a tenté de se démarquer de la politique du patron de la Maison-Blanche, aura bien du mal, dans ce contexte, à exciper d’intentions nouvelles si elle était élue le 5 novembre.

L’enjeu est crucial dans l’Etat du Michigan (quinze grands électeurs) où vit une forte communauté musulmane et qui constitue un des Etats pivots pour l’élection. Il est à l’heure actuelle un des trois seuls swing states où Kamala Harris est pointée, dans les sondages, devant Donald Trump: 47,9% en faveur de la démocrate contre 46,4 % pour Donald Trump, selon l’agrégateur d’études d’opinion 538 consulté le 6 octobre. Les autres Etats clés qui sourient à Kamala Harris sont le Wisconsin (dix grands électeurs), où son avance est plus large (48,4% contre 46,8%), et le Nevada (47,8% contre 46,8 %) mais qui ne concourt que pour six grands électeurs. Tous les autres, on l’a vu plus haut en Géorgie et en Caroline du Nord, penchent en faveur de Donald Trump, même si son avantage se situe la plupart du temps dans la marge d’erreur: c’est le cas en Arizona (onze grands électeurs) et en Pennsylvanie (19). Là où se jouera peut-être l’avenir de la première puissance mondiale le 5 novembre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire