Etats-Unis: le 14e amendement pourrait-il sauver le pays du défaut de paiement ?
Parmi les solutions avancées pour sauver les Etats-Unis du défaut de paiement, sans accord pour relever le plafond de la dette, figure le recours au 14e amendement de la Constitution.
Qu’est-ce que le 14e amendement?
Le 14e amendement, ajouté en 1868 à la Constitution américaine, après la guerre de Sécession, stipule que « la validité de la dette publique des Etats-Unis, autorisée par la loi, (…) ne doit pas être remise en question ». Autrement dit, les dépenses déjà votées doivent pouvoir être honorées.
Au sortir de la guerre civile, en effet, « les inquiétudes grandissaient (au sein des Etats du Nord, vainqueurs, NDLR) quant au fait que les législateurs du Sud réadmis au Congrès continueraient de détruire notre union fédérale, mais de l’intérieur, en répudiant la dette fédérale occasionnée par la guerre », explique à l’AFP Robert Hockett, professeur de droit à l’université Cornell. Le plafond de la dette est ensuite venu, en 1917, se superposer à ce texte.
Joe Biden peut-il l’utiliser?
En laissant entendre qu’il pourrait y avoir recours, « ce que dit Biden, c’est que si le Congrès ne vote pas pour relever le plafond de la dette, il peut de toute façon payer les obligations car c’est son devoir constitutionnel« , souligne Mark Graber, professeur à la faculté de droit de l’université du Maryland.
Pas de procédure particulière, Joe Biden doit « demander à la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, de simplement continuer à émettre cette dette si nécessaire pour payer les factures de la nation », indique Robert Hockett. Et donc faire comme si le plafond de la dette n’existait pas. Mais à ce stade, le président a exclu d’y recourir à court terme, pour cause de complications juridiques, prévoyant plutôt de laisser passer la crise pour y réfléchir.
A quelles difficultés risque-t-il de se heurter?
Le principal obstacle serait un recours en justice intenté par l’opposition républicaine. Le professeur Robert Hockett pense qu’ils ne le feront pas. Cela les mettrait « dans une position très inconfortable parce qu’ils intenteraient des poursuites pour forcer le président à faire défaut sur la dette nationale », estime-t-il.
Pour Mark Gruber au contraire, aucun doute, « les républicains vont contre-attaquer en disant (que Joe Biden) ne comprend pas le 14e amendement qui se réfère à la dette uniquement, et qu’il peut donc pas rembourser la dette (déjà cumulée) sans engager de nouvelles dépenses », assure Mark Graber. Dans les deux cas, les risques existent, souligne Neil Buchanan, professeur de droit à l’Université de Floride.
Emprunter au-delà de la limite d’endettement fixée par le Congrès irait à l’encontre de la loi. Mais ne pas respecter les obligations de dépenses édictées par le Congrès pourrait être une violation plus grave encore. Et dans ce cas de figure, les risques de poursuites existent aussi, comme une action collective de retraités qui ne recevraient plus leurs chèques, souligne-t-il.
Quelles conséquences économiques?
Les marchés détestent l’incertitude, et goûteraient sans doute assez peu celle qui découlerait de cette situation. « Si les investisseurs anticipent que la dette vendue par le Trésor pourrait, plus tard, être considérée comme invalide en raison d’une décision de justice, ils pourraient être réticents à (les) acheter », et cela « pourrait faire grimper les taux d’intérêt », détaille Nancy Vanden Houten, économiste pour Oxford Economics. C’est un coup de poker. En effet, une confirmation, par le tribunal, de la légalité de la décision, « s’avérerait positive à long terme pour les marchés de la dette », souligne Isaac Boltansky, directeur de la recherche en politique pour BTIG. Car, alors, fini de devoir relever régulièrement le plafond de la dette, « cette danse totalement inutile pourrait être complètement évitée ».
En revanche, « si la manœuvre était rejetée par les tribunaux, nous serions de retour à la case départ, mais avec une quantité considérable de (…) dommages économiques ». La mesure risque ainsi d' »ébranler la confiance des investisseurs et des entreprises et d’avoir un impact négatif sur l’économie », admet Nancy Vanden Houten. Mais l’effet serait bien « plus dommageable (…) au-delà de quelques jours », si le Trésor ne paie pas toutes ses obligations à temps.