Gérald Papy
Edito Gérald Papy
Kamala Harris en mission pour les Etats-Unis
Le monde s’apprêtait à vivre, le 5 novembre prochain, une nouvelle confrontation entre Joe Biden et Donald Trump, remake de celle qui, en 2020, avait vu le premier ramener les démocrates à la Maison-Blanche quatre ans après le départ de Barack Obama. Ce choix entre un pourfendeur des institutions américaines et un de ses plus fidèles serviteurs usé par la tâche n’enthousiasmait guère. La décision du président sortant de renoncer à se représenter ne fait, pourrait-on penser, que restaurer la promesse qu’il avait formulée de n’exercer qu’un seul mandat. Mais elle n’est pas un retour à une normalité. Elle change tout.
En novembre, les Américains pourraient élire pour la première fois à la tête de la plus grande puissance mondiale une femme; pour la première fois, une concitoyenne asio-américaine (la mère de Kamala Harris est d’origine indienne, son père vient de Jamaïque); pour la deuxième fois seulement, une personnalité noire. L’élection d’une femme présidente serait évidemment le tournant le plus important. Elle enverrait un formidable message à ceux qui, des militants évangéliques à Donald Trump en passant par les juges de la Cour suprême, ont sapé ces dernières années le droit à l’avortement des Américaines. L’ancienne procureure générale de Californie a été un des fers de lance de la lutte contre la «révolution conservatrice».
L’élection présidentielle américaine retrouve donc un attrait majeur aux yeux du monde. Pour nous, Européens, largement acquis à l’ouverture en matière d’éthique malgré l’émergence de revendications conservatrices similaires à celle des Etats-Unis, la perspective d’une concurrence sérieuse à Donald Trump est plutôt une source de satisfaction. Elle l’est d’autant plus que les démocrates américains offrent une garantie plus grande de relations internationales équilibrées et de recherche de solutions réalistes et justes aux conflits en Ukraine et à Gaza.
Ces considérations sont éloignées des préoccupations prioritaires d’une grande partie des citoyens américains, légitimement tout autres. Ils sont inquiets de l’évolution de la situation économique, comme dans n’importe quel pays, mais, plus qu’ailleurs, ils sont travaillés par les fractures de plus en plus profondes de la société. L’enchaînement rapide des événements a occulté en partie la gravité de la tentative d’assassinat de l’ancien président, le 13 juillet. Elle signale que la violence politique atteint aux Etats-Unis des niveaux rarement égalés. Face à ce fléau, Joe Biden a dit regretter d’avoir appelé à «cibler» politiquement son adversaire républicain tandis que les partisans de Donald Trump agitent la menace d’une répétition de l’assaut sur le Capitole du 6 janvier 2021 en cas de «nouveau vol» du résultat de l’élection…
L’irruption de Kamala Harris à l’avant-poste de la course à l’élection présidentielle accroît, à son corps défendant et de la faute du sectarisme des trumpistes, la possibilité de tensions entre les deux Amériques. Il lui faudra user de beaucoup d’habileté politique pour amorcer un début de réconciliation entre citoyens et «mériter» d’assumer la charge suprême des Etats-Unis d’Amérique.
L’irruption de Kamala Harris à l’avant-poste de la course à l’élection présidentielle accroît, à son corps défendant, la possibilité de tensions entre les deux Amériques.
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