Elon Musk: pourquoi ses affaires vont si mal
Les difficultés se multiplient pour le propriétaire de Tesla et du réseau X. Mais Elon Musk est seul responsable de ce qui lui arrive. Mauvaise passe? Ou début de la chute finale?
Le ciel paraît décidemment sombre au-dessus de la tête d’Elon Musk. Le propriétaire du réseau social X n’a pas seulement maille à partir avec le juge Alexandre de Moraes. Ce magistrat de la Cour suprême brésilienne bloque, depuis fin août, l’accès de l’ex-Twitter aux 22 millions de Brésiliens qui y possèdent un compte. Le bras de fer entre les deux hommes dure depuis des mois. La suppression de X est justifiée par le refus de Musk de supprimer des dizaines de comptes d’extrême droite accusés de diffuser des fake-news et des messages de haine, notamment sous le gouvernement de l’ancien président d’extrême-droite Jaïr Bolsonaro, dont Musk est proche.
Le milliardaire américain, qui s’est autoproclamé défenseur de la liberté d’expression, qualifie l’ordonnance judiciaire de «censure» et le juge Moraes de «dictateur maléfique» ou de «Voldemort». La saga n’en finit pas de faire la Une des journaux, de Rio à São Paulo. D’autant que, quelques heures après la fermeture de X, le réseau est redevenu accessible, suite à une manœuvre technique – une actualisation de l’application durant la nuit – qui a contourné la décision des autorités. Le juge a immédiatement ordonné une amende de cinq millions de réaux (plus de 800.000 euros) pour viol de l’ordre de suspension. Acculé, Elon Musk a tout de même nommé un représentant légal dans cet Etat d’Amérique-latine qui est le sixième pays du monde en nombre d’utilisateurs de l’application. C’était une exigence de Moraes. Mais il reste d’autres conditions à respecter pour que X puisse être réactivé.
Le patron fantasque de Tesla se crêpe aussi le chignon avec les autorités d’un autre grand pays: l’Australie, où X est en baisse de popularité. Ici encore, il a traité de «fasciste» le gouvernement de Canberra suite à la présentation, le 12 septembre, d’un projet de loi sur la désinformation en ligne. Le texte prévoit d’infliger des amendes allant jusqu’à 5% de leur chiffre d’affaires aux plateformes qui n’empêchent pas la diffusion en ligne de fausses nouvelles, à l’instar de ce que fait déjà l’Union européenne qui a ouvert, en décembre dernier, une enquête sur le réseau X. Ces épées de Damoclès et le risque de lourdes amendes viennent s’ajouter au conflit avec les annonceurs qui fuient le réseau social de plus en plus controversé.
«C’est la guerre!»
Début août, Musk a porté plainte contre certains annonceurs. Il les accuse d’avoir boycotté illégalement sa plateforme et de lui avoir fait perdre des milliards de dollars. «C’est désormais la guerre», a clamé le propriétaire de X, qui affirme avoir d’abord tout tenté pour régler les choses pacifiquement, bien qu’il ait conseillé aux annonceurs concernés «d’aller se faire foutre»… Sa plainte pour pratique violant la loi anti-trust américaine visait l’Alliance mondiale pour des médias responsables (GARM, en anglais), une initiative de la Fédération mondiale des annonceurs (WFA) qui rassemble 150 des plus grandes marques commerciales de la planète (comme LVMH, Unilever, Ikea, Kraft-Heinz, Mars, McDo, PepsiCo, Mattel ou encore HP). Le GARM a été lancé en 2019 pour aider les annonceurs à préserver leur image en évitant que leurs annonces ne soient publiées en ligne à côté de contenus illégaux ou préjudiciables sur les réseaux sociaux.
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Ce projet a fait l’objet d’un rapport critique de la Chambre des représentants présidé par le républicain Jim Jordan, proche soutien de Donald Trump. Musk a remporté une première bataille, la WFA ayant rapidement annoncé la fin des activités du GARM. Mais il pourrait s’en mordre les doigts. Son attaque frontale risque de dissuader encore davantage les annonceurs de revenir sur X. Or la situation n’est déjà pas brillante. Le réseau social fait face à une méfiance croissante des marques. Selon le dernier rapport du bureau d’analyse médias Kantar, 26% des annonceurs comptent freiner leurs dépenses sur X en 2025. Si cela se concrétise, ce serait «le plus grand recul enregistré par une grande plateforme du web», selon le rapport.
Chute des recettes
Quand on sait que plus de 90% des revenus de X dépendent de la publicité, il y a de quoi s’inquiéter. Le New York Times, qui a mis la main sur des documents internes, a révélé que la plateforme de Musk n’avait engrangé que 114 millions de chiffre d’affaires aux Etats-Unis au second trimestre 2024, soit une chute de 25% par rapport au premier trimestre et de 53% comparé à la même période l’an dernier. Sont pointés du doigt le retour de personnalités controversées sur X, l’augmentation des fake news et la réduction des effectifs chargés de la modération. Mais aussi le rapprochement étroit d’Elon Musk avec le candidat Donald Trump, qui, dans une Amérique très divisée, ne plaît pas à tous les publics des annonceurs. Les audiences de l’ancien Twitter ne sont d’ailleurs pas plus enthousiasmantes.
Selon des chiffres glanés par le Financial Times, le réseau social n’a connu une augmentation que de 1,6% de ses utilisateurs par an depuis que Musk en a pris les commandes, alors qu’avant cela, entre 2019 et 2022, la croissance annuelle était de 15%. Tout cela ne devrait pas rassurer les sept grandes banques qui ont prêté 13 milliards de dollars au milliardaire pour son rachat de Twitter, qu’il a rebaptisé en X, sa lettre fétiche (SpaceX, modèle X de Tesla, sa start-up en intelligence artificielle X.AI et son fils X AEA-XII surnommé X). Parmi ces institutions financières: Morgan Stanley, Bank of America ou encore BNP Paribas. Le Wall Street Journal a qualifié ce prêt de pire opération de financement pour les banques depuis la crise de 2009…
Habituellement, les banques qui avancent de l’argent pour un rachat revendent cette dette à des investisseurs peu après et perçoivent une commission sur la transaction. Mais vu la situation financière de X, elles n’ont pu le faire. Deux ans après le rachat de Twitter, elles ne sont toujours pas parvenues à revendre. Elles restent donc avec ce boulet dans leur bilan annuel, ce qui tracasse les régulateurs financiers de nombreux pays. Morgan Stanley et Bank of America ont d’ailleurs été détrônées de leurs premières places au classement américain des banques d’investissement au profit de Goldman Sachs et JP Morgan qui, elles, n’ont rien à voir avec le prêt de 13 milliards.
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