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Elections américaines: et si Trump et Harris se retrouvaient à égalité?

Le Vif

Dans un scénario improbable mais pas impossible, Donald Trump et Kamala Harris pourraient se retrouver à égalité le soir du 5 novembre. Voici ce qui se passerait alors.

Et si aucun des deux candidats à la présidentielle américaine ne parvenait à remporter la majorité des votes du Collège électoral? Autrement dit, que se passerait-il si Kamala Harris et Donald Trump obtenaient chacun 269 des 538 voix des grands électeurs? Selon le sort de certains swing states, il existe plusieurs scénarios, dans lesquels le scrutin se conclurait par un match nul entre Kamala Harris et Donald Trump.

«Si Kamala Harris gagne en Arizona, en Géorgie et en Caroline du Nord, mais que Trump remporte le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie et le Nevada, alors l’élection se termine sur une égalité, les deux candidats empochant chacun un nombre similaire de grands électeurs», écrivent nos confrère suisses de Blick, qui ont simulé différents scénarios via la plateforme «270 to win».

Dans le cas d’une égalité parfaite, la Consitution américaine stipule que c’est à la Chambre des représentants d’élire le président. Particularité: les députés ne voteraient pas de manière individuelle, ils seraient regroupés par état. Chacun des 50 états disposerait d’une voix, et le candidat qui comptabiliserait au moins 26 des 50 voix serait alors élu président.

Donald Trump favorisé en cas d’égalité?

Ce vote serait très différent de ce qui se fait habituellement à la Chambre. Aux Etats-Unis, les états disposent d’un nombre de représentants qui varie proportionnellement selon leur poids démographique. Ainsi, la Californie dispose de 52 députés, contre un seul pour les états peu peuplés, comme le Wyoming. Dans le cas d’une égalité, on ne tiendrait donc pas compte cet l’équilibre démographique. La Californie aurait une voix, tout comme le Wyoming.  

Une égalité pourrait qui bien profiter à Donald Trump. «Les démocrates sont bien implantés dans les états fortement peuplés, comme la Californie, tandis que les républicains performent bien dans ceux qui comptent moins d’habitants. Donald Trump pourrait en sortir avantagé, car son parti contrôle un plus grand nombre d’états, indépendamment de leur nombre d’habitants», analyse Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et spécialiste de la politique américaine.

«Il faudra aussi tenir compte du renouvellement de la Chambre des représentants, qui pourrait modifier les équilibres en place. Les élections des membres du Congrès auront lieu le même jour que les présidentielles », ajoute le politologue.

Le vice-président serait de son côté élu par le Sénat. Contrairement à la Chambre, tous les sénateurs, au nombre de deux par état, conserveraient leur voix. En théorie, il pourrait donc y avoir un président et un vice-président venant de deux bords politiques opposés, ce qui serait totalement inédit dans l’histoire américaine.

Une tension palpable et un système électoral intenable

«Le scénario d’une égalité créerait une crise politique majeure et énormément de tension. Le président ne disposerait que d’une légitimité très faible auprès de la population, car l’Amérique n’a quasiment jamais vécu pareille situation», explique Jérôme Viala-Gaudefroy.

«La dernière fois que ce 12e amendement de la Constitution a été utilisé, c’était en 1824. Aucun candidat n’avait atteint la majorité absolue, et la Chambre avait alors élu Quincy Adams», confirme Serge Jaumain, codirecteur du Centre interdisciplinaire d’étude des Amériques.

Egalité ou pas, l’après scrutin risque quoi qu’il arrive de s’avérer explosif. «Si Donald Trump est battu, expose l’historien, il sera encore moins susceptible d’accepter sa défaite qu’en 2020, vu ses démêlés avec la justice. S’il gagne, il l’emportera sûrement grâce aux grands électeurs et pas via le vote populaire, ce qui causera le mécontentement des démocrates.»

Dans ce contexte politique extrêmement polarisé, une majorité d’Américains serait par ailleurs favorable à l’abandon du système des grands électeurs. Selon une enquête récente du Pew Research Center, 63% d’entre eux préféreraient que le président soit la personne qui a remporté le plus de voix au niveau national. L’heure du changement a-t-elle sonné?

Baptiste Guelton

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