Elections américaines 2024: les sondages se sont trompés… et c’est tout à fait normal
On annonçait l’élection présidentielle la plus serrée de l’histoire, on a finalement assisté à un résultat éclair. Comme en 2016, comme en 2020, comme en 2022, les sondages américains étaient à côté de la plaque. Et ça risque encore d’arriver.
Il y a eu le très réputé Selzer, qui sacrait Kamala Harris largement victorieuse dans l’Iowa, encore quelques heures avant le scrutin. Loupé. Et puis, toute une autre série de sondages et de tableaux annonçant l’élection présidentielle la plus serrée de l’histoire des Etats-Unis. Avec des spéculations sur des résultats qui pourraient ne pas tomber avant plusieurs jours, des doutes autour de la reconnaissance des résultats, ainsi que de potentielles tensions. Encore loupé. A 7 heures du matin, heure belge, tous les observateurs de ces élections présidentielles avaient compris. Donald Trump retournera à la Maison Blanche sans contestation. Les sondages ont-ils encore bluffé tout le monde ?
«Le résultat est quand même très serré, rappelle la politologue de l’ULB, Emilie Van Haute. C’est plus serré qu’en 2020 si l’on regarde l’ensemble des électeurs. Ce qu’il s’est passé, c’est que quelques swing states ont vite fait toute la différence.» Pour rappel, aux Etats-Unis, c’est la règle du Winner Takes it All. Le candidat empochant 50,1% des votes de l’Etat empoche tous les grands électeurs. «Si l’on regarde les grands électeurs, cette petite différence ne se voit pas et apparaît beaucoup plus grande.»
C’est là toute la difficulté pour les instituts de sondage travaillant sur les présidentielles américaines. En quelque sorte, ils n’ont pas une mais 51 élections à prévoir. Se tromper dans une seule de ces prévisions revient à fausser tout le processus. «Et dans les swing states, les résultats réels sont dans les marges d’erreurs prévues par les sondages», remarque Emilie Van Haute.
«Les instituts ne touchent pas tout l’électorat de Trump. Il faut alors corriger vers le haut le score républicain, mais on ne sait pas à quel point
Emilie Van Haute, politologue (ULB).
Inestimable extrême droite
D’autres facteurs viennent encore compliquer le travail des sondeurs outre-Atlantique. Comme en Europe, toute une marge de la population passe sous les radars des enquêtes d’opinion. Sauf que cette année, la communauté latino-américaine s’est révélée déterminante dans l’élection de Donald Trump, explique en substance la politologue.
Si les sondages sont généralement passés à côté de la frange latino américaine, ils s’y seraient également mal pris avec la fanbase de Donald Trump. «Les instituts sondeurs savent qu’ils ne touchent pas tout l’électorat de Donald Trump. Il faut alors corriger vers le haut le score républicain, mais on ne sait pas à quel point, explique Emilie Van Haute. C’est pareil avec le Rassemblement National en France, mais où il est généralement surestimé, ce qui offre à l’extrême droite une position de premier parti pendant la campagne.» A suivre ce raisonnement, on pourrait penser que la défaite annoncée aurait pu mobiliser l’électorat trumpiste à se rendre aux urnes ce mardi pour renverser la vapeur, à l’inverse des démocrates qui auraient pu faire preuve de suffisance.
D’abord annoncé vaincu, le clan démocrate s’était vu revigoré dans les prédictions peu après avoir sacré Harris comme candidate. «Tout événement de campagne implique un momentum. C’est pareil pour les conventions, c’est un moment de la campagne qui génère un intérêt médiatique. Le fait que Harris a été présentée en tête a peut-être démobilisé son électorat. Cela avait surtout été le cas pour Hillary Clinton.»
Les sondages américains ont ça de bon qu’ils rappellent au monde que les enquêtes d’opinion sont ce qu’elles sont. Des prévisions facilement interprétables accolées à des réalités complexes. D’autant plus dans un marché américain saturé en think tanks voyant fleurir un sondage par jour, voire plus. De quoi inciter à la prudence.
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