
Donald Trump, le «contact confidentiel» du KGB: «Il existe un faisceau d’indices impressionnant»
Le rapprochement manifeste entre Donald Trump et Vladimir Poutine des derniers jours n’est pas que le fruit du hasard. Le président républicain a cultivé des liens étroits avec les services secrets russes lors de ses activités immobilières passées. Transactions mafieuses avec les Soviétiques de New York, voyage à Moscou payé par les services secrets, Russiagate: retour sur l’histoire très curieuse entre Trump et la Russie.
Depuis son retour au pouvoir, Trump se comporte comme un perroquet très discipliné. Il répète en effet à merveille les éléments de langage de la propagande russe: Zelensky est un «dictateur» illégitime, l’Ukraine est en «mauvaise posture», Poutine est un homme «respectable» qui «veut la paix» etc., etc. Une idylle entre Trump et Poutine qui prend tout son sens lorsqu’on fouille dans les activités passées du magnat de l’immobilier, au sein desquelles les liens avec la Russie et ses sphères les plus sombres du pouvoir sont légion.
Le journaliste et écrivain français Régis Genté s’y plonge dans son ouvrage Notre homme à Washington: Trump dans la main des Russes (ed. Grasset). Son enquête, parue fin 2024, démontre les accointances édifiantes entre l’actuel président des Etats-Unis et une ribambelle de personnages liés aux services secrets soviétiques. Un ouvrage plus actuel que jamais…
1987: un premier voyage de Trump à Moscou… organisé par le KGB
Les contacts étroits entre Trump et l’URSS remontent à juillet 1987, lorsque le jeune développeur immobilier new-yorkais, ambitieux et sans scrupules, réalise son premier voyage à Moscou. «Il n’y a aucun doute sur le fait que ce voyage ait été organisé et payé par le KGB, assure Régis Genté. Cela ne veut pas dire que Trump a été recruté. Il n’est pas un agent, pense le spécialiste, il est plutôt ce qu’on appelle un contact confidentiel.»
Un faisceau d’informations prouve en effet que cette visite en Russie était organisée par les services secrets. La cheville ouvrière du déplacement n’était autre que la fille de l’ambassadeur russe à New York. «Elle était une agente du KGB qui travaillait sous couverture aux Nations Unie», raconte Régis Genté.
La première visite de Trump à Moscou a clairement été organisée sous la houlette du KGB.
Régis Genté
En parallèle, un autre acteur rendra possible la visite de Trump en terres moscovites: l’Intourist, soit l’organisation soviétique en charge du tourisme. «L’Intourist, à l’époque, est complètement dans les mains du KGB. Dans la dictature soviétique, les étrangers qui entrent sur le territoire représentent une grande question de sécurité. La visite de Trump a donc clairement été organisée sous la houlette des services russes.»
Des anciens agents de sécurité américains, qui ont travaillé sur la Russie, ont confirmé à Régis Genté que cette opération était organisée par les services secrets. «Pour le KGB, Trump représentait une cible intéressante. A l’époque, le recrutement russe s’intéressait beaucoup aux hommes d’affaires», détaille-t-il.
Dans le viseur dès 1977
L’objectif initial de Trump de construire une tour à Moscou ne se concrétise finalement pas. Mais les liens avec la Russie sont établis, et Trump se retrouve désormais entouré de personnes liées de près ou de loin au KGB. Il déclarera d’ailleurs que Moscou «est un des endroits les plus chauds sur la Terre pour faire du business.»
Mais Donald Trump apparaît en réalité sous les radars soviétiques bien avant cette escapade à l’est. En 1977, il se marie avec Ivana Zelníčková, mannequin originaire de Tchécoslovaquie. A cette époque, «la sécurité d’Etat tchécoslovaque avait concocté un dossier sur Trump et le surveillait déjà de très près», assure Régis Genté.
A son retour de Moscou, Trump s’offre des pleines pages dans les journaux américains, à coup de dizaines de milliers de dollars. Il y dénonce la politique étrangère américaine, qu’il juge trop atlantiste. «There’s something wrong with america foreign policy», titre-t-il, attirant encore plus l’attention des Russes sur sa personnalité atypique. Dans un contexte de pleine guerre froide, la différence de ton interpelle le Kremlin.
Trump, le «contact confidentiel»
Inévitablement, la question se pose: le KGB a-t-il tenté, d’une façon ou d’une autre, de compromettre Trump? «Un agent à proprement parler est payé pour faire du renseignement, ce qui n’était pas le cas de Trump, exclut Régis Genté. En revanche, il existe un faisceau d’indices impressionnant qui laisse penser qu’il était bel et bien considéré comme un contact confidentiel. Peut-être que Trump ne savait pas lui-même qu’il était utilisé.»
Il existe un faisceau d’indices impressionnant laissant penser que Trump était bel et bien considéré comme un contact confidentiel du KGB.
Régis Genté
Pour le spécialiste de l’ancien espace soviétique, Trump a ainsi été cultivé par les services secrets russes. «Il existe une longue galerie de personnages soviétiques qui ont fait des affaires avec lui», souligne Régis Genté. Pour la plupart, il s’agit des membres de la mafia, qui entretiennent des liens très forts avec le pouvoir. «C’est un classique dans le monde soviétique: la mafia n’a jamais été indépendante de l’Etat. Elle est née dans le Goulag, elle est une sorte d’émanation du pouvoir. Derrière les grands mafieux russes, on trouve presque tout le temps un kagébiste», raconte-t-il.
«Nous pourrions installer notre homme à la Maison-Blanche»
C’est le cas d’un fils de mafieux moscovite, Felix Sater, né à Brighton Beach (New York), qui a travaillé directement pour Trump. «En 2015, au moment où Trump est candidat, Sater lui propose le projet d’une Trump Tower à Moscou. L’idée revient à nouveau sur la table, comme en 1987.»
La justice américaine est parvenue à exhumer un e-mail rédigé par Sater, dont le contenu destiné à des interlocuteurs de l’administration de Poutine est éloquent: «Nous pourrions installer notre homme à la Maison-Blanche (NDLR: d’où le titre du livre de Régis Genté). Je vais moi-même convaincre Poutine qu’il faut nous y aider.»
«Cet e-mail prouve que compromettre Trump n’était pas le projet de Poutine, mais que ses hommes aspirent à ce que le pouvoir russe l’avantage dans la course à la présidence», explique Régis Genté.
La Russie a sauvé Trump de plusieurs faillites
Dans les années 1990, des milliers de Soviétiques émigrent en Amérique. Certains mafieux prennent leurs quartiers à Brooklyn. A Brighton Beach, précisément, ils recréent même une petite Russie, et établissent rapidement des liens avec l’organisation Trump. En achetant des appartements dans la Trump Tower ou en fréquentant ses casinos à Atlantic City. Dans le Trump Taj Mahal, les soupçons de blanchiment d’argent vont bon train.
Tout au long de sa carrière immobilière, Trump, aux prises à de nombreuses faillites, est peu regardant sur l’origine de l’argent. «Au moment de régler ses différentes faillites, ou lors de la crise financière de 2008, Trump a bénéficié de curieux renflouements d’argent.» Comme lorsque l’oligarque Dmitri Rybolovlev rachète une villa de Trump à Palm Beach en lui offrant une belle plus-value de 56 millions de dollars. «Les Russes l’ont clairement aidé à maintenir ses business la tête hors de l’eau», tranche Régis Genté.
Les Russes ont aidé Trump à maintenir ses business la tête hors de l’eau»
Régis Genté
Mais ce n’est pas tout. Trump établit des liens avec d’autres acteurs russes, comme Semyon Kisline, un homme d’affaires qui lui vend des téléviseurs pour son hôtel. Kisline, accusé d’être un agent du KGB, aurait joué un rôle dans l’ouverture du dossier de Trump au siège de la Loubianka. «Beaucoup d’indices montrent que le magasin de Kisline était un repère pour les gens du KGB, commente Régis Genté. Il est curieux que Trump se soit rendu chez Kisline pour acheter ses téléviseurs, alors qu’il aurait pu choisir un distributeur américain quelconque.»
Le Russiagate relance la machine
En 2016, le Russiagate éclate en pleine campagne présidentielle. La démocrate Hillary Clinton, alors adversaire de Trump pour la Maison-Blanche, devient la cible d’une ingérence russe. Des hackers piratent les serveurs du parti démocrate, et font fuiter des milliers de mails pour déstabiliser la campagne de Clinton. Plusieurs proches de Trump, dont Paul Manafort (ancien directeur de campagne) et Michael Flynn (ancien conseiller pour la sécurité nationale), sont condamnés pour «intelligence avec une puissance étrangère.» Mais le procureur Robert Mueller ne parvient pas à recueillir suffisamment de preuves pour établir une «collusion» claire entre la Russie et les équipes de Trump.
«Les Russes ont essayé de peser sur la campagne à travers le trolling sur Internet. Mais personne ne peut affirmer que la victoire de Trump en 2016 a été acquise grâce aux Russes», estime Régis Genté.
Avant son arrivée en politique, Trump retourne plusieurs fois à Moscou. En 2013, il organise le concours de Miss Univers dans la capitale russe. Là, il aurait été filmé dans d’étranges ébats avec des prostituées au Ritz-Carlton.
Juste après son élection de 2016, la rumeur circule: Trump aurait été impliqué dans une affaire de «golden showers» (une pratique sexuelle visant à uriner sur son partenaire) à Moscou, alimentée par l’ex-agent du contre-espionnage britannique Christopher Steele. Un document de 35 pages compromettantes circule et, face à celui-ci, Trump s’est entêté à dénoncer une «chasse aux sorcières.» Le Kremlin, lui, jurait alors ne pas détenir de «Kompromat» sur le président américain.
Lors d’une conférence de presse à Helsinki en 2018, Trump crée la sidération. Il prend la défense de Poutine, niant l’implication de la Russie dans le Russiagate, en dépit des conclusions du FBI. «Poutine a dit que ce n’était pas la Russie», dit-il, comme cadenassé par le président russe.
En 2022, l’existence d’ingérence russes dans les élections américaines est d’ailleurs admise par Evgueni Prigojine, feu fondateur du désormais très connu Groupe Wagner.
Trump et Poutine: identité commune dans l’argumentation
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Trump, à l’heure de gérer le destin de la guerre en Ukraine, s’aligne presque totalement sur chaque demande russe. «Trump est par exemple d’accord avec Poutine sur le fait que Zelensky ne devrait plus être le président d’Ukraine. Or, on ne voit pas en quoi cet élément intéresserait Trump directement, relève Régis Genté. Il reprend aussi les arguments de la propagande russe, comme le fait que Zelensky ait commencé la guerre. Il est très troublant de voir cette identité commune dans l’argumentation.»
Pour Régis Genté, il est encore plus inquiétant de voir à quel point Trump est totalement dans la poche de Poutine. «La Russie n’est pas en position favorable sur le front. Pour les Etats-Unis, il serait possible d’obtenir une paix où chaque partie doit faire des concessions. Or là, il n’en existe aucune du côté russe, remarque l’expert. En maintenant la pression sur le front, Poutine serait forcé à une négociation équilibrée.»
Des pro-russes aux postes clés
A l’heure de constituer ses ministères, Trump nomme des personnalités aux positions clés qui plaisent à la Russie. Comme Tulsi Gabbard, connue pour relayer allégrement la propagande russe et perçue comme une grande admiratrice de Poutine.
Gabbard est désormais la nouvelle patronne du renseignement américain, et, drôle de coïncidence, les Etats-Unis ont tout récemment décidé de fermer l’agence nationale chargée de réaliser le monitoring des cyberattaques russes, la Cybersecurity and Infrastructure Security Agency (CISA). «Pourquoi, tout à coup, décident-ils de se priver de cette agence alors que les cyberattaques russes font rage? Ces décisions font partie de tout ce faisceau très curieux», s’étonne Régis Genté. Le Pentagone, avec le très controversé Pete Hegseth à ses manettes, a carrément ordonné une pause des opérations cybers contre la Russie.
Si Trump est l’homme des Russes, il pourrait bien être le fossoyeur de l’Occident démocratique.
Régis Genté
«Toute cela donne l’impression que Trump, pour instaurer son type de pouvoir, a besoin d’avoir la caution des autres régimes autoritaires, dont fait partie la Russie», note Régis Genté. Trump, dans ses démarches extrêmes, veut aussi se débarrasser de l’Etat profond, en nommant des personnes peu compétentes mais loyales, également à la CIA et au FBI. Là aussi, la similitude est frappante avec les manœuvres réalisées par Poutine au Kremlin.
Trump, le surnommé Krasnov?
En février 2025, l’ancien officier du KGB Alnour Moussaïev, citoyen kazakhstanais réfugié en Autriche, relance la bombe. Il déclare que Trump a bel et bien été recruté par le KGB en 1987, sous le nom de code « Krasnov ». «Le KGB a recruté l’homme d’affaires américain de 40 ans, Donald Trump, surnommé Krasnov», écrit-il.
Dans les colonnes du Vif, fin février, c’est l’ancien vice chef d’état-major de l’Otan, le Général Michel Yakovleff, qui estimait que Trump se comportait comme «un agent russe».
En octobre 2024, déjà, Régis Genté écrivait: «Si Trump est l’homme des Russes, il pourrait bien être le fossoyeur de l’Occident démocratique.»
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