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Comment la question du droit à l’avortement a anéanti la vague républicaine aux Etats-Unis

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La récente perte des protections fédérales en matière d’avortement est un des éléments principaux qui a affaibli la vague républicaine annoncée lors élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Grâce surtout aux femmes et aux jeunes, les démocrates en profitent.

Cet été, après que la Cour suprême ait rejeté l’arrêt Roe v. Wade –le droit constitutionnel à l’avortement vieux de 50 ans-, Joe Biden l’avait prédit : les femmes américaines allaient se révolter. Les républicains, quant à eux, voyaient plutôt une « vague rouge » se former, sous l’effet de la crise économique. Tout compte fait, ce sont bien les démocrates qui ont défié les attentes historiques. « Vous voyez », a lâché Biden.

Pourtant, tous les sondages ou presque prédisaient que les démocrates prendraient des coups lors des élections de mi-mandat. Traditionnellement, le parti au pouvoir s’en sort mal. Et avec la popularité de Biden au plus bas (elle oscille autour de 40 %), les républicains se voyaient déjà larges vainqueurs. Il en a été autrement. Les républicains semblent se diriger vers une majorité beaucoup plus faible que prévu à la Chambre des représentants, tandis que les démocrates conservent le contrôle du Sénat.

Les démocrates et même certains républicains affirment qu’une chose est claire : l’avortement s’est avéré être une question déterminante. La colère suscitée par la perte de la protection fédérale qui assure le droit à l’avortement a mobilisé de nombreuses femmes et de nombreux jeunes, et a permis aux démocrates de remporter une série de victoires inattendues, ainsi que de nouvelles garanties en matière de droits génésiques.

« Vous ne pouvez pas menacer l’intégrité physique de la moitié de la population et supposer qu’elle va se prélasser », déclarait Heidi Sieck, cofondatrice de #VoteProChoice. Dans les urnes, cela s’est vérifié : les jeunes et les femmes ont participé en grand nombre à ces élections de mi-mandat, les femmes représentant plus de deux tiers des électeurs récemment inscrits.

Les premiers sondages après le scrutin ont montré que la question de l’avortement était déterminante pour de nombreux Américains, en particulier les électeurs de moins de 30 ans. Environ 60 % se disent insatisfaits ou en colère après la décision de la Cour suprême.

Dans chaque État où une proposition relative à l’avortement était soumise au vote, les électeurs se sont prononcés en faveur du maintien des protections existantes ou ont rejeté de nouvelles restrictions. Il s’agissait d’une question déterminante dans les États clés que sont le Michigan et la Pennsylvanie, où l’accès à l’avortement était en jeu.

Dans le Michigan, les électeurs ont approuvé le droit à la liberté de procréation, annulant ainsi une interdiction de l’avortement datant de 1931. Cela a donné un coup de pouce aux démocrates à tous les niveaux et, pour la première fois depuis des décennies, les républicains ont dû renoncer au contrôle législatif dans cet Etat. Tudor Dixon, un républicain -soutenu par Trump- qui s’opposait à l’avortement même lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol ou d’un inceste, a été battu.

En Pennsylvanie, le démocrate John Fetterman a remporté la course au Sénat contre le républicain Mehmet Oz. Ce dernier avait suggéré, lors d’un débat, que la question de l’avortement appartenait aux médecins et aux « politiciens locaux ».

Dans le Kentucky, où la couleur rouge est très prononcée, les électeurs ont rejeté une initiative qui allait à l’encontre des protections juridiques de l’avortement.

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L’avortement est devenu est sujet électoral clé pour les démocrates.

Les exemples sont donc légion. Et il apparaît de plus en plus clairement que la question de l’avortement a été un facteur crucial dans le succès des démocrates. Lors des précédentes élections américaines, le sujet n’était pas vraiment un « aimant à électeurs » : son potentiel politique était faible pour les partis puisque le droit fédéral était acquis. Mais après la décision de la Cour suprême, la question est soudainement devenue de loin la plus importante pour les démocrates.

Au lendemain de l’annulation de l’arrêt de la Cour suprême, les démocrates ont ainsi saisi toutes les occasions de souligner leur soutien au droit à l’avortement et de s’opposer à leurs adversaires. Ils ont inondé les ondes avec près d’un demi-milliard de dollars de publicités sur l’avortement. La stratégie était payante : partout ou presque, le tsunami rouge annoncé s’est transformé en ressac.

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