Ces républicains en faveur… de Kamala Harris: «Trump est un danger pour la démocratie»
Rare acte transpartisan, ils ont pris la parole à la convention démocrate. Ils sont déterminés à faire échouer le candidat qui représente «un danger pour la démocratie».
La convention nationale démocrate, clôturée le 22 août, aura été, de l’aveu général, une réussite. Organisée pour officialiser la candidature de Kamala Harris à l’élection présidentielle du 5 novembre prochain, c’est surtout sur le fond que la grand-messe progressiste a marqué les esprits. Au-delà des allocutions des grandes figures du parti et du discours d’acceptation de nomination de Kamala Harris, elle aura brillé par deux moments symboliquement forts, qui ont mis en exergue une dynamique de communication positive sur laquelle surfent les démocrates depuis le retrait de Joe Biden.
«Trump sème la division et c’est là sa seule stratégie pour gagner.»
Rébellion républicaine
Le premier moment fort de cette convention fut l’apparition à la tribune d’une demi-douzaine de figures républicaines ayant tourné le dos à Donald Trump et qui, chacune à leur tour, ont expliqué aux quelque 20.000 personnes présentes les raisons de leurs doutes quant à la capacité du milliardaire à assurer l’unité du pays s’il devait accéder à nouveau aux plus hautes responsabilités. La parole est d’abord revenue à l’ancienne chargée des relations presse de la Maison-Blanche, Stephanie Grisham, qui a dressé un portrait extrêmement peu flatteur de son ex-mentor, qualifié de «personne qui, une fois les caméras éteintes, se moque des partisans, n’a ni empathie, ni sens moral, ni respect pour la vérité». Elle a partagé avec l’audience des SMS glaçants échangés avec Melania Trump le jour de l’invasion du Capitole, le 6 janvier 2021. La première dame a rejeté ses appels à diffuser un message invitant les partisans trumpistes à la modération.
Républicain de longue date, John Giles, maire de la ville de Mesa, dans l’Arizona, s’est estimé pour sa part «totalement désillusionné par la tournure identitaire prise par [son] parti». Dans une allocution poignante, une ancienne conseillère du vice-président Mike Pence, Olivia Troye, a parlé des raisons impérieuses et liées à «l’amour de son pays» l’ayant poussée à offrir sa démission. «Trump sème la division et c’est là sa seule stratégie pour gagner», a-t-elle déclaré, estimant qu’il «n’hésiterait pas à remettre une nouvelle fois en doute la validité du processus électoral».
Mouvement structuré
Les républicains déçus du trumpisme ne se sont pas contentés d’une apparition sur la scène de la convention nationale démocrate. Un mouvement structuré a émergé et tente de convaincre les partisans républicains hostiles au milliardaire de virer de bord à l’occasion de la prochaine présidentielle pour «sauver» une démocratie américaine qu’ils estiment en péril. «Il existe en effet un grand nombre d’éléments qui font d’une perspective d’un retour de Trump à la Maison-Blanche une menace crédible pour la stabilité du pays, explique au Vif Susan Molinari, ancienne parlementaire républicaine. On pense notamment à des déportations de masse, des guerres commerciales, des actions potentiellement erratiques sur la scène internationale parmi lesquelles l’arrêt de l’aide financière à l’Ukraine… Il a également affirmé qu’il amnistierait les individus ayant participé à l’insurrection du Capitole. La liste est sans fin.»
Pour les partisans républicains désireux de s’inscrire hors du mouvement Make America Great Again (Maga) de Donald Trump, la question consiste aussi à savoir comment rebâtir un parti conservateur préservé de l’influence de Trump. «Il faudra du temps afin que le parti se reconstitue. La plupart de nos leaders se sont nettement alignés sur les valeurs Maga. Nous aurions besoin d’un dirigeant fort et charismatique qui nous aiderait à reconstruire le parti. Un élément qui complique le tout est que la mouvance Maga s’est assuré un ancrage local fort», estime Susan Molinari.
Au regard de ses intentions avant sa nomination et de son caractère relativement modéré, J.D. Vance aurait pu être cette figure. Son ralliement à Donald Trump ruine cette hypothèse. Et il se trouve actuellement peu d’hommes et de femmes politiques de droite qui semblent allier charisme et valeurs conservatrices non réactionnaires, socle indispensable pour bâtir une version plus respectable du Parti républicain. Les historiens devront essayer d’expliquer comment une figure comme celle de Donald Trump, qui tire une série assez invraisemblable de casseroles en matière de comportements et d’idées, a pu séduire sur une si longue durée une grande partie des Américains. Un élément de réponse pourrait être trouvé dans l’embourgeoisement d’une certaine élite démocrate et dans la stratégie d’une frange du parti de prétendre au monopole des bons sentiments.
«La mouvance Make America Great Again s’est assuré un ancrage local fort.»
Figure bienveillante
Le deuxième moment fort de la convention démocrate a consacré la rencontre entre le candidat à la vice-présidence Tim Walz et le public américain. Le gouverneur du Minnesota, relativement peu connu, n’était pas au vu de ses états de service un choix évident pour la candidate démocrate. Une certaine stratégie électorale lui aurait préféré le gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro, ou le sénateur originaire de l’Arizona, Mark Kelly, ancien astronaute et mari d’une parlementaire victime d’une attaque par balle. Pourtant, le pari de choisir Tim Walz s’est révélé gagnant. Cet ancien professeur de géographie de l’enseignement public, membre pendant plus de 20 ans de la garde nationale, a charmé le public par un discours vif et une authenticité certaine, a mille lieues des calculs de bas étage et de la rhétorique délétère des derniers mois de la campagne électorale de Donald Trump.
Le point d’orgue de son discours fut son appel de cœur vers sa femme et ses deux enfants, dont son fils, ému aux larmes. Sa prise de parole a offert à l’Amérique un récit qu’elle chérit: une famille soudée, simple, animée par des valeurs de fraternité… et patriote. Sur cette dernière qualité, les stratèges démocrates tentent de reprendre la main. L’ensemble de la communication du Parti républicain est en effet axée sur des accusations d’antipatriotisme à l’égard de ses adversaires. Il est vrai que les démocrates sont handicapés par certains de leurs membres dont les revendications excessives de protection des identités particulières, le rejet du capitalisme ou la défense d’un pacifisme utopique ont irrité des électeurs indécis qui prennent ces «progressistes» pour de «doux rêveurs» éloignés de l’ADN identitaire américain. Un des défis de Kamala Harris consiste à rompre avec cette étiquette, raison pour laquelle elle a refusé que la faction propalestinienne de son parti puisse bénéficier d’une tribune à la convention.
Débats cruciaux
Par-delà les divergences sur des sujets aussi importants et clivants que l’immigration, l’avortement, l’austérité budgétaire et les politiques de redistribution, soit l’essence même d’un débat politique sain, les discours respectifs des deux principaux partis américains ont pris des directions radicalement opposées sur la forme. Les démocrates ont réussi leur «opération séduction» lors de leur convention nationale de Chicago. Les républicains, eux, poussés par Donald Trump et handicapés par J.D. Vance, semblent s’enliser dans une stratégie d’attaques ad hominem, reposant sur le mensonge et la calomnie, comme en atteste le nouveau sobriquet donné par Donald Trump à son opposante, la «communiste».
S’il a déjà pu se faire une idée sur la forme des stratégies des deux partis, le public américain pourra jauger le fond de leur programme lors des débats télévisés entre, d’un côté, Donald Trump et Kamala Harris, et, de l’autre, John David Vance et Tim Walz. Il faudra voir alors si l’ancien président, qui possède une énergie hors du commun, saura s’élever au-delà des attaques de bas étage pour approfondir les questions de fond. La confrontation entre les candidats vice-présidents revêtera aussi un grand intérêt, les deux hommes revendiquant tous deux une proximité avec le peuple, qui ne semble pas feinte.
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