Dieux, armes et Trump. © Malik Ben Achour (D.R.)

Au cœur des bureaux de vote américains avec un sénateur belge: «C’est un système de corruption légalisé»

Sylvain Anciaux

Malik Ben Achour (PS) était à Las Vegas en tant qu’observateur pour l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Il dépeint le tableau d’une démocratie américaine nécrosée par l’argent, «qui est en fait un système de corruption légalisé».

«God, Guns and Trump.» Voilà dans quoi le Nevada américain va se plonger pour les quatre années à venir, selon le sénateur belge Malik Ben Achour (PS). Le Verviétois est arrivé dimanche à Washington dans le cadre de la plus grande mission d’observation électorale jamais organisée par l’OSCE, cette institution internationale veillant à la sécurité et la prévention de crises dans 57 Etats de l’hémisphère Nord.

Depuis lundi, Malik Ben Achour est donc dépêché par l’OSCE dans le Nevada après un briefing dans la capitale américaine. Le socialiste décrit deux Amérique se côtoyant à quelques kilomètres l’une de l’autre. Dans le comté de Clark, là où se trouve la ville de Las Vegas, «l’ambiance est connue, et le contexte sociopolitique plus familier.» En revanche, dans le comté voisin de Nye, c’est le monde émergeant du trumpisme qui vient de mettre le pied dans la porte.

White Wild West

On y vient au bureau de vote sans carte d’identité, mais arme à la ceinture. «On est au milieu du désert, il n’y a rien. Ni habitations, ni élevage, ni culture. Les gens qui vivent ici sont généralement des pensionnés qui ont quitté les territoires progressistes gérés par les démocrates pour vivre ce qu’on appelle ici le Wild West», raconte Malik Ben Achour.

La fanbase de Trump dans le Nevada est notamment composée de pensionnés qui ont fui les territoires gérés par les démocrates pour asseoir l’hégémonie blanche dans le désert. Ils étaient présents devant les bureaux de vote, ce mardi. © Malik Ben Achour (D.R.)

C’est l’Amérique des pick-up, du deuxième amendement et du règne du dollar. Mais pas que. «Ils ont un objectif, c’est la supériorité du blanc sur le noir, de l’homme sur la femme. Pour ces gens, gagner la Maison-Blanche est une chose, mais maintenant ils veulent purger l’Etat profond. C’est-à-dire punir les traîtres à la nation, et ils sont prêts à aller jusqu’à la peine de mort pour ça. Ils ont une posture rebelle, mais d’une révolution réactionnaire. Et ils sont organisés, si bien que cette organisation est prise au sérieux à en croire l’important dispositif de sécurité en place autour des bureaux de vote. J’ai discuté avec des membres du bureau de vote, dont une qui m’a avouée être démocrate, elle m’a dit qu’elle avait été menacée de mort quand elle discutait avec des supporters de Trump récemment. D’autres membres des bureaux ont reçu des lettres de menaces de mort.»

La fanbase de Trump dans le Nevada est notamment composée de pensionnés qui ont fui les territoires gérés par les démocrates pour asseoir l’hégémonie blanche dans le désert. Ils étaient présents devant les bureaux de vote, ce mardi. © Malik Ben Achour (D.R.)

Des élections américaines aveuglées par l’argent

Retour à Vegas. Dans un taxi conduit par un immigré éthiopien qui semblait se réjouir de la victoire du milliardaire, Malik Ben Achour a constaté comment l’obsession de l’argent a gangrené toutes les couches de la population étasunienne, mais aussi un conservatisme digne du XXe siècle. «Le chauffeur me répétait que les Américains n’étaient pas prêts pour avoir une femme au pouvoir. La guerre culturelle, gagnée par les républicains, commence à s’imprimer au sein de certaines communautés qui se positionnent contre les communautés LGBTQIA+, alors que c’était un sujet sans intérêt pour elles il y a peu.»

La question de l’argent est l’angle mort de la campagne américaine.

Malik Ben Achour, sénateur PS et observateur de l’élection pour l’OSCE au Nevada.

Mais l’origine du mal, selon Malik Ben Achour, se trouve chez les grandes fortunes américaines qui se sont emparées de cet exercice démocratique comme d’une bonne occasion pour faire du business. 16 milliards de dollars ont été investis dans la campagne américaine, dont un exclusivement pour la Pennsylvanie. «La question de l’argent est l’angle mort de la campagne américaine. Celle de la relation entre le candidat et ses donateurs doit se poser.» Miriam Adelson, patronne de l’hôtel The Venetian à Vegas, a débloqué 100 millions de dollars pour soutenir la campagne de Trump. Un investissement dont elle espère ouvertement profiter en retour, et s’assurer d’un soutien indéfectible à Benjamin Netanyahou, elle qui a une idée assez claire sur l’avenir d’Israël, selon Le Courrier International. «J’ai discuté avec des experts des flux financiers durant les campagnes politiques, ils m’ont confirmé que l’élu est plus sensible à l’opinion de ses donateurs qu’à celui de ses électeurs. C’est en fait un système de corruption légalisé.»

Dans le comté de Clark, où se trouve Las Vegas, la sociologie des électeurs est semblable à celle des villes européennes. © Malik Ben Achour (D.R.)

Dans quelle Amérique l’Oncle Sam va-t-il se réveiller, ce mercredi ? Malik Ben Achour y a déjà vu des retours de signes issus du parti nazi américain, des groupes suprémacistes blancs, et des conservateurs opposés au droit des femmes à disposer de leur propre corps. Une Amérique de la violence, dans un monde en guerre.

Les Américains se sont mobilisés massivement dans le cadre de cette élection. © Malik Ben Achour (D.R.)

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