Amazonie : 300 leaders indigènes réunis au coeur de la forêt (en images)
La défense de l’Amazonie et de ses communautés indigènes est une cause chère au Pape François, aux stars d’Hollywood et aux ONG internationales, mais les peuples autochtones ont du mal à se faire entendre dans le Brésil de Jair Bolsonaro.
Avec le cacique Raoni en fer de lance, des dizaines de leaders indigènes et représentants d’autres communautés amazoniennes sont réunis en pleine forêt cette semaine pour former une union sacrée contre la politique environnementale du président brésilien Jair Bolsonaro.
Accusant les ONG étrangères de vouloir « confiner les indigènes comme dans un zoo », le chef de l’Etat a notamment l’intention d’autoriser prochainement les activités minières dans les territoires réservés aux autochtones.
Pour tenter de changer la donne, les quelque 300 leaders indigènes réunis cette semaine au coeur de la forêt, dans le village de Piaraçu, dans l’Etat de Mato Grosso, ont fait de la communication auprès des Brésiliens une priorité.
« Ils nous attaquent et nous sommes en train de perdre nos droits. Il est nécessaire que la société comprenne le rôle des peuples indigènes pour la préservation de la planète », a expliqué à l’AFP Sonia Guajajara, coordinatrice de l’Association des peuples indigènes du Brésil (APIB), en marge de la réunion.
« Il faut occuper des espaces politiques pour que notre voix soit entendue et que nous ayons le pouvoir de proposer et voter des lois », ajoute la cacique de 45 ans, qui fut candidate à la vice-présidence à l’élection d’octobre 2018 pour le parti de gauche Psol.
La tâche s’annonce ardue, dans un pays où les indigènes ne représentent que 0,5% de la population (environ 900.000 habitants) et ne sont pratiquement pas représentés dans les cercles du pouvoir à Brasilia. Lors des dernières élections, Joenia Wapichana est devenue la première femme issue d’une tribu autochtone élue députée. La chambre basse ne comptait pas de représentant indigène depuis 1987.
Dès sa campagne électorale, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro a affirmé qu’il ne cèderait « pas un centimètre de plus » aux territoires réservés aux indigènes, qui représentent aujourd’hui 12% de la surface du pays.
Une thèse réfutée en bloc par Raoni Metuktire, le cacique emblématique de 89 ans devenu une sorte d’ambassadeur de la cause amazonienne à travers le monde.
« Les indigènes n’acceptent pas la pollution de l’air et des rivières, ils ne veulent pas d’orpailleurs ou de trafiquants de bois sur leurs terres », affirme à l’AFP le cacique au célèbre plateau labial.
« Je ne veux plus que personne ne meure devant moi, je ne veux pas que tout le monde s’entretue, les blancs contre les indigènes », a affirmé le chef emblématique Raoni Metuktire, lors de cette réunion organisée dans le village de Piaraçu, dans l’Etat brésilien du Mato Grosso (ouest), en présence de quelques journalistes, dont l’AFP.
Cette localité n’a pas été choisie par hasard: elle se trouve loin des grands centres urbains, sur les rives du fleuve Xingu, en pleine forêt vierge.
Depuis mardi et sous un soleil écrasant, les réunions débutent dès les premières heures de la journée sur la place centrale du village.
Certains indigènes entonnent des chants de guerre, d’autres s’alignent pour des danses traditionnelles, le corps peint en rouge et noir.
Au-delà des leaders indigènes, cette réunion regroupe également des représentants d’autres communautés traditionnelles vivant dans la forêt, comme c’était le cas dans les années 80, avec l’Alliance des Peuples de la forêt formée par Chico Mendes, célèbre militant écologiste blanc assassiné en 1988.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président d’extrême droite, il y a un an, la déforestation a presque doublé en Amazonie.
Les données préliminaires recueillies par satellite par l’Institut de recherches spatiales INPE montrent une augmentation de 85% des zones déboisées en 2019 par rapport à l’année précédente.
Mais dans un pays qui regroupe plus de 300 ethnies, tous les membres des tribus autochtones ne sont pas de cet avis.
Certains soutiennent la politique environnementale du gouvernement Bolsonaro, à l’image de la jeune Ysani Kalapalo, qui compte plus de 300.000 inscrits sur sa chaîne Youtube où elle critique sans cesse la gauche, les ONG et Raoni.
En septembre, elle a accompagné le président à l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Lors de son discours, M. Bolsonaro avait critiqué les « écologistes radicaux et les indigénistes dépassés », tout en ayant des propos très durs contre Raoni.
Également en septembre, plusieurs centaines de membres de la tribu Munduruku ont bloqué une autoroute durant cinq jours pour réclamer la légalisation de l’orpaillage sur leurs terres, considérant que cela leur permettrait d’augmenter leurs revenus.
« Certains indigènes sont d’accord avec les idées de Bolsonaro, d’autres s’opposent au gouvernement. Il est vraiment en train de nous diviser », reconnaît Raoni, dont la candidature au prix Nobel de la Paix 2020 avait été proposée en septembre par la Fondation Darcy Ribeiro.
« Nous devons nous rassembler pour nous défendre contre ce gouvernement. Je suis inquiet pour mon peuple et c’est pour ça que je dois aller chercher des soutiens à l’étranger », conclut le cacique, qui s’est rendu en Europe à plusieurs reprises l’an dernier.
Le président Bolsonaro a eu beau clamer que « le monopole de Raoni en Amazonie » était terminé, son prestige reste intact auprès des indigènes réunis à Piaraçu.
Quand il parle ou qu’il se met à danser, tout le monde fait silence et personne ne le quitte des yeux.
A l’aube de ses 90 ans, Raoni, lui, espère que la relève est prête à continuer son combat: « je suis vieux, fatigué », soupire-t-il, après quelques pas de danse sur la place centrale.
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