Le roi Philippe restitue un masque au Congo, inspiré par Emmanuel Macron
En visite officielle en RDC, le roi Philippe a remis solennellement aux autorités congolaises un masque géant kakuungu de l’ethnie Suku, issu des collections du Musée de Tervuren. Quel sens donner à ce geste spectaculaire ?
Le geste est aussi spectaculaire que photogénique : ce 8 juin, au Musée national de la RDC, à Kinshasa, le roi Philippe a remis solennellement à l’institution, en présence du président congolais Félix Tshisekedi et de son épouse, un masque géant kakuungu de l’ethnie Suku. Pièce majeure et rare d’art africain, ce masque en bois était utilisé à l’occasion des rites de passage et de circoncision. Il assurait la fertilité à venir des jeunes initiés et servait à les protéger des menaces. Cet objet aux dimensions hors normes fait l’objet d’un prêt de longue durée du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren. Il marque, explique Bruxelles, « le début symbolique d’un renforcement dans la collaboration scientifique et muséale entre la Belgique et la RDC. »
Le geste de Macron
Le geste belge rappelle celui du président Emmanuel Macron. Le 10 novembre dernier, la France a restitué au Bénin 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey, conservées ces dernières années au musée parisien du Quai Branly. Ces œuvres, des statues et un trône, avaient été dérobées en 1892 par l’armée coloniale française, qui s’était emparée du palais royal d’Abomey. Dès le début de son premier mandat, le président français a tenu à concrétiser une première restitution d’objets de collections publiques françaises à un pays africain. Le processus aura duré près de trois ans et a été rendu possible par le vote d’une loi, fin 2020. Son aboutissement a valeur de réparation symbolique. « Restituer des œuvres à l’Afrique, c’est rendre accessible à la jeunesse africaine sa culture », tweetait Macron le 8 octobre dernier.
Côté belge, il n’était pas question, au départ, de faire un geste de « restitution » spectaculaire similaire à celui du président Macron. C’est ce que nous avait confié, fin 2021, Thomas Dermine, secrétaire d’Etat à la Politique scientifique. Mais la visite royale, un moment symbolique fort dans les relations belgo-congolaises, a incité la Belgique à prendre tout de même une telle initiative. Plus largement, le gouvernement poursuit son projet de restituer à la RDC des centaines œuvres spoliées pendant la période de l’Etat indépendant du Congo et du Congo belge, trésors conservés dans les collections fédérales, essentiellement celles de l’AfricaMuseum.
Etudes de provenance
« L’approche, au travers d’un projet de loi, repose sur quatre principes, explique Dermine, : faire reconnaitre le caractère aliénable des biens issus du passé colonial, distinguer le transfert de la propriété juridique du retour matériel de l’objet, conclure un traité avec l’Etat d’origine et poursuivre l’examen scientifique d’objets potentiellement restituables. »
A la fin de l’an dernier, le gouvernement a décidé d’affecter 2,4 millions d’euros sur quatre ans aux études de provenance du patrimoine conservé au musée de Tervuren. Ce budget permet l’engagement de quatre ou cinq consultants congolais, appelés à étoffer l’équipe de chercheurs du musée. Ils seront contraints de concentrer leurs enquêtes sur les principaux objets, tant le travail se révèle complexe.
Exorciser le passé colonial
L’initiative belge relève d’une volonté d’exorciser le passé colonial et de refonder sur de nouvelles bases les relations avec l’ancienne colonie belge. Le point de vue de Kinshasa est toutefois à prendre en compte : Thomas Dermine a pu constater que les autorités culturelles congolaises abordent la question moins sous l’angle de la « restitution » d’objets que sous celui de la « reconstitution » (lire aussi Les trésors cachés du passé congolais, Le Vif du 6.01.2022). Plus qu’obtenir le retour d’objets spoliés, elles cherchent à compléter les collections congolaises pour disposer d’ensembles représentatifs du patrimoine de toutes les ethnies du pays. Le prêt de longue durée du masque géant kakuungu s’inscrit dans cette perspective.
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