Afghanistan : la trahison des talibans
A leur retour au pouvoir à Kaboul en août 2021, les dirigeants islamistes avaient entretenu l’espoir d’un plus grand respect des droits humains, en particulier ceux des femmes. Il faut déchanter. L’aile dure du mouvement l’a emporté.
Le contexte
Dix mois après leur reconquête de Kaboul et la fuite des dernières forces étrangères, les talibans imposent une vision très radicale de leur idéologie aux Afghans et aux Afghanes. Dernière illustration en date, l’imposition de la burqa ou d’un voile ne montrant que les yeux pour les femmes. Cette évolution dément les promesses des dirigeants islamistes à leur retour au pouvoir. «Les femmes sont un élément essentiel de la société et nous leur garantissons tous leurs droits, dans les limites de l’islam», avait assuré, le 17 août 2021, le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid.
Que devient l’Afghanistan? A deux mois du premier anniversaire de la chute de Kaboul aux mains des talibans, la désillusion a submergé la timide espérance qu’avaient suscité la fin de la guerre et la promesse du respect des droits humains par les «étudiants en théologie» revenus au pouvoir après une première expérience mortifère entre 1996 et 2001. Les talibans n’ont pas changé. Les informations en provenance de Kaboul ces dernières semaines témoignent de la descente aux enfers du pays.
Le 11 juin, un attentat contre un minibus a coûté la vie à quatre personnes à Kaboul. Accueillis avec bienveillance par une partie de la population en août 2021 pour la garantie de sécurité qu’ils offraient, les talibans peinent à satisfaire cette demande. Si les violences ont globalement diminué depuis dix mois, elles ont à nouveau monté en intensité fin avril et fin mai. Des attaques terroristes ont touché Kaboul, Mazar-i-Sharif au nord et Kunduz au nord-est, faisant des dizaines de morts dans des mosquées ou des transports en commun. Elles seraient le fait de l’organisation Etat islamique au Khorasan, filiale de Daech. Mais leur localisation limitée tendrait à démontrer que l’organisation islamiste n’a peut-être pas les moyens d’étendre son pouvoir de nuisance à d’autres régions du pays.
A deux mois du premier anniversaire de la chute de Kaboul, la désillusion a submergé la timide espérance qu’avait suscité la fin de la guerre.
La vente d’enfants par des familles défavorisées connaîtrait une recrudescence. En cause, les premiers signes d’une famine à grande échelle. Economie en ruine et réduction de l’aide internationale font que 70% des Afghans ne peuvent plus satisfaire à leurs besoins alimentaires. Vingt-quatre des quelque 38 millions d’habitants du pays auraient besoin d’une aide humanitaire d’urgence. Des agences de l’ONU continuent à y subvenir, en partie.
Le 29 mai, une vingtaine de femmes ont manifesté à Kaboul pour réclamer le respect de leurs droits. Elles ont été rapidement dispersées par un groupe de talibans. Depuis le 7 mai, le port du voile intégral est à nouveau imposé aux femmes dans les lieux publics. Cette mesure s’ajoute à l’interdiction faite aux filles d’aller à l’école, aux restrictions de déplacement, à l’exclusion des emplois dans le service public et à la recommandation faite, pour parachever le tout, de… rester à la maison. Les droits des femmes n’ont donc cessé d’être restreints par des dirigeants islamistes qui avaient pourtant donné des gages de leurs «bonnes» intentions dans ce domaine à leur arrivée au pouvoir. Leur respect était devenu la condition de leur reconnaissance par la communauté internationale. Les talibans ont-ils opté pour l’isolement?
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