Thierry Bellefroid
Affaire Weinstein: « Chère Jeanne d’Arc,… »
Peut-être, me voyant venir, pensez-vous que je vais vous demander conseil pour toutes ces jeunes actrices qui, des deux côtés de l’Atlantique, semblent avoir captulé face aux avances d’un célèbre producteur hollywoodien, vous qui avez fait de votre virginité une presque marque de fabrique.
Ah, c’est que vous en avez connu des bivouacs où l’on se serre les uns contre les autres, cotte de maille contre cotte de maille, entourée de mâles soldats en mal de femmes ! Quelle parade aviez-vous trouvée pour rafraîchir leurs ardeurs ? Vous que l’on examina, dit-on, à plusieurs reprises, espérant vous confondre, et que l’on découvrit à chaque fois aussi chaste que le prétendait votre légende. Vous qui, sortie de nulle part et venue à lui sans recommandation, vous retiriez à 17 ans à peine durant de longues minutes en colloque singulier avec le Dauphin, pour le convaincre de monter à Reims où vous alliez jouer votre premier rôle.
Ne vous en déplaise, chère Jeanne, votre virginité ne m’apparaît pas comme une qualité particulière. Et je ne pense pas que votre exemple soit d’un grand secours pour ces jeunes femmes. Le producteur en question n’est malheureusement pas le seul à abuser de son statut, loin de là. Ces odieuses pratiques perdureront tant que des hommes de pouvoir et d’argent confondront leur métier avec leurs besoins primaires. Plaider l’abstinence et la virginité serait aussi inutile qu’hypocrite, ce serait comme reconnaître que ces actrices, trop belles, trop désirables et trop aguicheuses n’ont eu que ce qu’elles méritaient. Permettez que je ne m’y résolve pas.
Mais pourquoi vous écris-je alors, chère Jeanne, si ce n’est pas pour solliciter vos conseils en matière de résistance aux belliqueux libidineux ? Pour vos talents acoustiques, ma chère ! Vous ne pensiez tout de même pas que j’allais vous demander de vous rendre en Macronie pour participer au sacre de quelque Emmanuel contre l’Anglais ? De nos jours, ma Jeannette, l’Anglais se met dehors tout seul ; vous seriez au chômage, ma belle. En revanche, vos acoustiques visions ou vos hallucinations auditives pourraient bien intéresser nos amis d’outre-Atlantique. Figurez-vous, Jeanne, que depuis des mois, les autorités américaines butent contre un problème qui vous a vous-même occupée, quoique sous une forme différente. Les employés de leur ambassade à Cuba entendent des voix. Enfin, pas tout à fait.
En réalité, Jeanne, c’est encore plus fou que ce qui vous est arrivé, ils n’entendent rien. Personne n’y entend rien, d’ailleurs, dans cette affaire. Les voilà qui deviennent sourds, les pauvres, ou incapables de travailler, minés par d’insoutenables maux de têtes. En cause, un son. Ou des sons. Qu’on n’entend pas. On savait que le silence était d’or. Le voici élevé au rang d’arme. Et qui accuse-t-on ? Eh bien, la bande à Castro, bien sûr. Pour les Ricains – qui valent bien les Anglais, je peux vous le dire – tout ça vient d’en face, de l’autre côté de leur channel à eux. De Cuba, quoi. A moins que cette nouvelle arme vienne d’encore plus loin : Russie ? Chine ? Corée du Nord ? Vous l’aurez compris, on a besoin de vous, Jeanne. Parce que là, si le silence commence à déclencher des guerres mondiales, il va nous falloir une experte en bruits d’oreille…
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