Le Premier ministre Alexander de Croo privilégie-t-il la viabilité d’Euroclear sur les besoins ukrainiens ? Si la question de l’utilisation des actifs russes gelés n’est pas tranchée, le risque juridique est en tout cas réel pour la firme européenne.

Actifs russes gelés en Belgique: face au risque juridique, une partie de l’argent sera provisionné pour protéger Euroclear

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

La Belgique est pointée du doigt en Ukraine pour sa supposée frilosité à l’idée d’utiliser la manne d’actifs russes bloqués chez Euroclear. Mais le pays ne décide pas seul, et le risque juridique est par ailleurs réel pour le leader mondial des transactions de titres et des fonds nationaux et transfrontaliers.

Elle s’appelle Daria Kaleniuk et travaille pour Antac.org, une ONG anti-corruption ukrainienne financée, entre autres, par les États-Unis et l’Union européenne. Ce 11 avril, après d’énièmes frappes russes passées entre les mailles d’une défense aérienne de moins en moins efficace faute de moyens suffisants, celle-ci écrit sur X (anciennement Twitter): «Il y a de l’argent disponible en Europe MAINTENANT pour acheter au moins 2 systèmes Patriot (NDLR: de défense aérienne) pour l’Ukraine avec environ 750 missiles. De quoi protéger Kiev et Odessa des attaques aériennes. Il s’agit de 5,2 milliards d’euros de bénéfices réalisés par l’institution belge Euroclear en 2022-2023 sur les actifs souverains russes gelés», expose-t-elle.

Pour rappel, Euroclear, dont le siège social se trouve en Belgique, est un acteur majeur des échanges financiers internationaux.

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Mais voilà que «le gouvernement belge, dirigé par le Premier ministre Alexander De Croo a décidé de conserver ces bénéfices pour Euroclear afin de prévenir les risques futurs pour l’institution privée liés à d’éventuelles poursuites judiciaires en Russie», poursuit Daria Kaleniuk. «Pour une raison quelconque, la Belgique pense que les poursuites judiciaires en Russie sont plus risquées pour elle que la destruction complète des infrastructures énergétiques en Ukraine», veut croire la jeune femme spécialiste en «asset recovery» (recouvrement des actifs).

Un vrai risque pour Euroclear

Interrogé par le Vif, un porte-parole du Premier ministre ne cache pas qu’une partie de l’argent actuellement gelé (tout comme les intérêts générés par celui-ci), pourrait effectivement servir à «couvrir des ripostes financières de la Russie et des risques juridiques. Pourquoi ? Par exemple parce qu’un certain nombre de clients d’Euroclear ont aussi de l’argent en Russie et cet argent pourrait être saisi de la même manière que nous saisirions l’argent russe gelé ou ses bénéfices. Le risque existe aussi que la Russie mette la pression sur d’autres pays qui la soutiennent (Chine par exemple) pour faire de même. La recommandation est donc de couvrir ces risques pour éviter de mettre Euroclear en situation de défaut face à ces clients», fait-on valoir chez le Premier ministre, tout en précisant que les discussions sur l’utilisation (ou non) de cet argent sont en cours.

Un certain nombre de clients d’Euroclear ont aussi de l’argent en Russie et cet argent pourrait être saisi de la même manière que nous saisirions l’argent russe gelé ou ses bénéfices.

Cabinet du Premier ministre Alexander de Croo

«Il y a une volonté globale de voir ce qui peut être fait avec l’argent en lui-même et/ou les bénéfices, c’est une discussion qui se mène actuellement au G7. La Belgique est dans la boucle de la discussion, mais se rangera à la décision du G7. Une telle décision ne peut être prise unilatéralement», précise-t-on. Autre précision importante: pour l’instant, la Belgique utilise «seulement» les revenus liés à la taxation des bénéfices afin de couvrir son support à l’Ukraine (militaire, humanitaire, accueil réfugiés).

Les munitions, défi prioritaire

Concernant les problèmes anti-aériens et de pénurie de munitions actuellement rencontrés par l’Ukraine, le «défi prioritaire n’est pas tant de trouver des moyens financiers, mais plutôt de trouver des armes et des munitions à acheter vu le manque de capacité de production en Europe», fait-on remarquer chez le Premier ministre, où l’on rappelle enfin que la Belgique «a budgétisé 1,1 milliard en 2024 pour l’Ukraine», ce qui implique, déjà, une certaine «créativité» pour parvenir à utiliser ces fonds (pour l’heure, issus de la taxe sur les revenus d’Euroclear, donc).

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