A Paris, l’art contemporain africain à l’honneur pour casser les clichés (en images)
« Ce qu’il y a de congolais dans mes oeuvres? Mon âme et mon esprit! », rigole le Brazzavillois Gastineau Massamba qui expose des tissages sur lin et coton à la foire AKAA (Also Known as Africa). Dans ses toiles sur le thème de la famille ou des nouveaux modes d’information, des clins d’oeil à ses racines sont discrètement suggérés comme des masques punu ou des reliquaires teke, artefacts de tribus d’Afrique centrale.
Quarante-neuf exposants sont invités pour cette troisième édition de la foire qui se déroule au Carreau du Temple, lumineuse salle d’exposition, au coeur de Paris. Cette année, carte blanche a été donnée à Dalila Dalléas Bouzar, une artiste d’origine algérienne qui expose notamment ses oeuvres dans l’emblématique galerie abidjanaise de Cécile Fakhoury. Pendant la durée de la foire, elle peindra des portraits de visiteurs qu’elle aura au préalable maquillés.
« Je me suis dit que j’allais amener de l’Afrique au coeur de Paris. En fonction de chaque personne, il y aura un maquillage différent », explique-t-elle. « Je m’intéresse beaucoup aux rituels traditionnels, les parures, les masques tout ce qui sert à l’être humain pour se mettre en scène pour accéder à une autre forme de connaissance », ajoute-t-elle.
Si elle se dit « honorée » d’être l’une des têtes d’affiche de la foire qui représente aussi une belle plateforme commerciale, elle regrette les carcans du milieu de l’art. « Art contemporain africain… pour moi tous ces mots sont des boîtes, c’est des boîtes dans lesquelles on met les artistes, mais on met aussi les acheteurs, on met tout le monde dans des boîtes », regrette l’artiste.
« Par exemple, des collectionneurs qui s’intéressent à l’art africain, en voyant mon travail ils ne vont pas forcément s’y intéresser car c’est de la peinture à l’huile avec de la figuration plus de style européen », poursuit-elle.
Des cases dans lesquelles Gastineau Massamba ne veut pas non plus se laisser enfermer. « L’art contemporain dit africain ça existe depuis les années 60. Etre artiste africain c’est une forme de ghettoïsation que je ne supporte pas, je suis artiste et je suis africain », lance-t-il.
Cette année, des artistes d’autres pays dits « du Sud » sont également mis à l’honneur à l’image de l’imposante installation de l’artiste cubaine Susana Pilar, au coeur de l’exposition. Des caissons lumineux ornés de photos de sa famille et d’un jeu de miroirs évoquent ses origines chinoises et africaines.
« Notre mission première, c’est de décloisonner et de défaire les géographies. Nos critères de sélection, ce n’est pas la nationalité ou le lieu de vie et de travail, c’est un critère de revendication d’un lien à l’Afrique », explique Victoria Mann, directrice d’AKAA.
« L’idée est de redessiner une carte de l’art contemporain, d’y mettre en son centre l’Afrique, et de ce centre de voir tous les axes, tous les regards, tous les passages, sud-sud et nord-sud, qui se créent », poursuit-elle.
Alors que les galeries africaines se multiplient et que la reconnaissance des artistes du continent va crescendo, la foire AKAA pourrait-elle un jour déménager ?
« On pourrait l’imaginer », assure Victoria Mann, « c’est par le développement des centres d’art, des galeries, des institutions, des résidences, des foires, en Europe, en Afrique, aux Etats-Unis, en Amérique latine, que ce marché se stabilise et va vers la pérennité ».
Inauguré en septembre 2017 dans un ancien silo à grain refait à neuf, l’imposant musée d’art contemporain du Cap, en Afrique du Sud, pourrait être un candidat sérieux.
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