21 avril 1997 : Dissoudre l’Assemblée nationale, le pari raté de Jacques Chirac
Costume gris, air grave. C’est en homme d’Etat que Jacques Chirac entend se présenter aux Français. Il a choisi la voie télédiffusée pour leur annoncer ce qu’ils savaient déjà. Le président de la République a bel et bien décidé d’utiliser l’article 12 de la Constitution et de dissoudre l’Assemblée nationale. Pourquoi ?
» L’intérêt du pays commande d’anticiper des élections, avance-t-il. J’ai acquis la conviction qu’il faut redonner la parole à notre peuple « . Mais que se cache-t-il vraiment derrière ces formules passe-partout ? Et surtout, comment expliquer qu’un homme doté d’un tel sens politique ait pu commettre pareille erreur stratégique ?
Sur papier, l’opération n’est pas très compliquée. En la matière, le président est pratiquement tout-puissant : pour dissoudre l’Assemblée nationale, il lui suffit de préalablement consulter le Premier ministre et les présidents des assemblées parlementaires. Sans même être obligé de respecter leur avis. La manoeuvre a été conçue pour faciliter l’action de l’exécutif. Elle doit permettre de renforcer une majorité fragile ou de prendre le pouls de la population à un moment critique. Chirac n’est d’ailleurs pas le premier à l’utiliser. Bien avant lui, en 1962 et 1968, le général de Gaulle avait déjà dissout l’Assemblée. En 1981 et 1988, François Mitterrand avait usé de la même manoeuvre. Toutes ces initiatives avaient été couronnées de succès.
C’est au printemps 1995 que Chirac arrive à l’Elysée. Mais pour lui, le soleil des premiers mois commence rapidement à se voiler. Mauvais résultats aux municipales, importantes grèves, impopularité du gouvernement Juppé… Sans oublier l’Europe. Comment maintenir en France un sentiment proeuropéen tout en respectant les critères de convergence imposés par le Traité de Maastricht ? Alors que des élections européennes auront lieu en 1999, la question est cruciale.
Dès l’automne 1996, certaines voix en interne se mettent à réclamer du changement. Ce qu’il faut, c’est une réaction forte, estime-t-on. Changer de Premier ministre ? Chirac s’y refuse. Dissoudre l’Assemblée, alors ? Tandis que son parti possède une large majorité, le président n’y est guère plus favorable. Au commencement en tout cas…
Début 1997, une fenêtre d’opportunité se dessine. La gauche est en perte de vitesse, tandis que Juppé connaît un regain de forme. Petit à petit, les ténors de l’Elysée se rallient à l’idée d’une dissolution. Jean-Pierre Denis, Maurice Ulrich et autres Dominique de Villepin se relaient dans le bureau de Chirac. Qui finit par se laisser convaincre. Mi-avril, sa décision est prise. Chirac est persuadé qu’il peut gagner.
Reste à habiller la chose. La raison est trouvée : il s’agit d’obtenir une » majorité ressourcée » pour » faire de grandes choses « . L’argument ne séduit pas. A l’issue des deux tours – les 25 mai et 1er juin – les socialistes raflent 43 % des sièges, la droite devant se contenter de 24 %. Conséquence : exit Juppé, bonjour Jospin. La cohabitation durera cinq ans, laissant à Chirac le temps de méditer sur les raisons de sa défaite.
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